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Deux survivants de la Shoah, réunis 80 ans plus tard, se racontent dans un court-métrage

Jack Waskal et Sam Ron étaient les meilleurs amis du monde dans le camp de travail de Pioniki. Tous deux ont ensuite vécu dans l'Ohio, puis en Floride, sans le savoir. Jusqu'à il y a peu

De gauche à droite : l'actrice Julianna Margulies, la cinéaste Alexandra Shiva et le réalisateur Jordan Matthew Horowitz parlent ensemble du court-métrage documentaire d'Horowitz « Jack and Sam » au Museum of Jewish Heritage de Manhattan, le 3 décembre 2023. (Crédit : Julia Gergely/JTA)
De gauche à droite : l'actrice Julianna Margulies, la cinéaste Alexandra Shiva et le réalisateur Jordan Matthew Horowitz parlent ensemble du court-métrage documentaire d'Horowitz « Jack and Sam » au Museum of Jewish Heritage de Manhattan, le 3 décembre 2023. (Crédit : Julia Gergely/JTA)

New York Jewish Week — En mars 2022, Jack Waksal a cru reconnaître Sam Ron, principal orateur du dîner annuel de l’US Holocaust Memorial Museum de Boca Raton, dans le sud de la Floride. Mais il n’arrivait pas à se rappeler d’où il le connaissait – après tout, à 97 ans, Waksal avait rencontré des milliers de personnes tout au long de sa vie.

Mais lorsque Ron a prononcé le mot « Pionki », tous les souvenirs lui sont revenus. Ron, anciennement connu sous le nom de Shmuel Rakowsk, et Waksal ont été les meilleurs amis du monde durant un an, lorsqu’ils travaillaient ensemble à la fabrication de poudre à canon dans le camp de travail de Pionki, en Pologne, pendant la Shoah.

Waksal a eu du mal à croire à la coïncidence qui lui a permis de retrouver Ron, lors d’un gala, 79 ans après s’être rencontrés et être devenus amis à l’autre bout du monde. Après le discours de Ron, Waksal s’est dirigé vers sa table. Dans un nouveau documentaire sur cette amitié retrouvée, « Jack et Sam », Waksal se souvient des premiers mots qu’il a dits à Ron après 80 ans : « J’ai dit : ‘Tu es mon frère !’ »

« C’est une si belle histoire d’amitié », explique le réalisateur Jordan Matthew Horowitz, après une projection dimanche au Museum of Jewish Heritage, le musée de la Shoah de New York. « C’est une belle histoire d’amitié qui a duré tellement longtemps. » »

La projection a eu lieu dans le cadre de la campagne de présentation du film aux membres de la branche documentaire de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences, qui ont commencé à voter pour les courts métrages documentaires nominés aux Oscars. (« Jack et Sam » dure 20 minutes.) Une quarantaine de votants, responsables de l’industrie cinématographique et documentaristes ont assisté à la projection ce dimanche, et d’autres vont le faire, le 12 décembre prochain, lors d’une deuxième projection dans les bureaux de United Talent Agency, à Los Angeles.

« Jack and Sam » a été présenté en avant-première au Festival international du film de Provincetown, en juin, et a depuis été présenté dans au moins 21 festivals de films dans le monde, y compris à DocNYC le mois dernier. Les actrices juives Sarah Silverman et Julianna Margulies sont productrices exécutives du film depuis octobre dernier.

« Je souhaite que tout le monde puisse voir ce film, surtout en ce moment. De la sixième à la Terminale, ce film devrait être obligatoire », a déclaré Margulies lors d’une discussion après la projection de dimanche. L’actrice, connue pour son rôle dans la série télévisée « Urgences », s’est exprimée ouvertement sur la montée de l’antisémitisme et la représentation juive à Hollywood ces dernières années.

Margulies, qui siège au conseil d’administration du Musée du patrimoine juif, a rappelé qu’elle était une amie personnelle de la petite-fille de Waksal et que l’histoire portée par ce film était cruciale, surtout au regard des actes antisémites du 7 octobre dernier, lorsque le groupe terroriste palestinien du Hamas a massacré sur le sol israélien 1 200 personnes, principalement des civils, et en a enlevé 240 dont 137 sont encore aujourd’hui dans la bande de Gaza, ce qui a déclenché une guerre à Gaza. (Elle avait, peu de temps avant, présenté des excuses pour avoir tenu des propos désobligeants sur les Afro-américains qui ne soutenaient pas les Juifs après les massacres du 7 octobre.)

« Nous vivons un moment très intense. Il est de notre responsabilité absolue, en tant qu’adultes et êtres humains, de faire le nécessaire pour que ces films soient vus, surtout pour des questions d’éducation et de désinformation », a-t-elle déclaré. « Le timing est incroyable. Il faut faire l’impossible pour montrer la preuve de ce que les gens refusent de croire. »

« Il est très important d’avoir des témoignages et des enregistrements d’histoires comme celles-ci », a précisé Jack Kliger, le chef du musée. Horowitz « a beaucoup fait pour conférer à cette œuvre les qualités qui lui assureront de vivre des années durant. Je lui en suis reconnaissant. »

Horowitz a expliqué qu’avant même le 7 octobre dernier, l’histoire de ces deux hommes était importante, compte tenu de la disparition des derniers survivants de la Shoah. L’attaque du Hamas et le regain planétaire de l’antisémitisme depuis deux mois la rend encore plus incontournable. « Je n’aurais jamais pensé que le monde pourrait changer aussi rapidement ».

Le film s’ouvre sur une scène dans laquelle Waksal et Ron racontent leur enfance en Pologne, sur fond d’images documentaires sur la vie des juifs citadins européens et les ghettos avant la Shoah. Tous deux sont nés en 1924, Waksal à Jedlinsk et Ron dans une ville près de Cracovie. Ils se souviennent de la Nuit de cristal, le pogrom nazi de 1938, et tous deux ont vécu dans des ghettos avant d’être transférés dans des camps de travail.

Horowitz a fait appel à l’animateur Lukas Schrank pour évoquer le transport de Waksal et Ron, dans des wagons à bestiaux, vers des camps de travail et les détails de leur vie là-bas, comme le souvenir bouleversant de cette première douche depuis des semaines, sans savoir si c’est de l’eau ou du gaz qui sortirait du robinet.

C’est également sous forme de dessin qu’est contée l’histoire de l’évasion de Waksal du camp de travail, pour échapper au transfert vers Auschwitz, dont il avait entendu des rumeurs. Il s’est enfui avec une quinzaine de personnes, vivant dans une forêt voisine pendant plus de six mois, jusqu’à la fin de la guerre. Seuls six d’entre eux ont survécu à l’hiver.

Le film n’explique pas la raison pour laquelle Ron ne les a pas suivis. Horowitz précise que Ron lui avait confié que rester – comme partir – comportait des risques et qu’il n’avait pu choisir. Il a été transféré à Sachsenhausen, un autre camp de concentration, avant une marche de la mort durant laquelle il a jeûné pendant plus d’une semaine, avant d’être libéré par l’armée américaine au printemps 1945.

Dans l’après-guerre, Waksal s’est installé à Dayton, dans l’Ohio, où il a vécu jusqu’en 1992, devenu le propriétaire d’une casse prospère. De son côté, Ron a rejoint B’richa, une organisation clandestine qui a aidé des orphelins juifs à se rendre en Palestine. Il a vécu un temps en Israël et, en 1956, s’est installé à Canton, dans l’Ohio, à 300 kilomètres de son compagnon de guerre.

A la retraite, les deux hommes sont partis vivre dans le sud de la Floride, sans jamais se croiser ou se savoir si proches.

Jusqu’à ce fameux dîner du US Holocaust Memorial Museum, en mars 2022. Après le dîner, Waksal et Ron se sont revus à plusieurs reprises pour se raconter les détails de ces quatre-vingt dernières années et parler ensemble de leur histoire dans des collèges.

« C’est un vrai miracle », dit Ron, dans le film, à propos de sa amitié retrouvée avec Waksal.

Horowitz a commencé à travailler à ce film il y a de cela un an et demi, quelques semaines seulement après que Ron et Waksal se sont retrouvés.

« Je n’aurais jamais pensé faire un jour un film sur la Shoah », admet-il. « Je n’avais pas l’impression d’avoir quelque chose à raconter qui n’ait pas déjà été dit moult fois auparavant. Mais leur histoire m’a profondément ému. »

Horowitz s’est longuement entretenu avec les deux hommes en 2022. Ils ont également tous deux pris la parole lors d’une projection du documentaire à la Florida Atlantic University, en août, « un des moments forts de ma vie personnelle et professionnelle », confie Horowitz.

Ron est décédé le 11 octobre dernier à l’âge de 99 ans. Waksal, quant à lui, âgé de 99 ans, a récemment participé à la Marche pour Israël, à Washington, D.C. avec sa fille et sa petite-fille.

« Nous voulons attirer l’attention sur le sujet autant que possible », précise Horowitz. « C’est ce que Jack veut plus que tout. Il est très préoccupé par l’état du monde et il a le sentiment d’avoir des arguments valables qu’il souhaite porter à l’attention du plus grand nombre.

« Comme il le dit :’C’est la raison pour laquelle j’ai survécu, pour raconter cette histoire’ », conclut Margulies.

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