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Dominique Reynié : Les Juifs n’ont « pas la même vie » que les non-Juifs

70 % des Juifs de France ont déjà été victimes d'un acte antisémite au cours de leur vie, révèle une étude Ifop ; les jeunes sont particulièrement touchés

Des femmes participent à une marche silencieuse en mémoire de Mireille Knoll, une survivante de la Shoah de 85 ans poignardée à mort dans son appartement parisien, pour dénoncer le racisme et l'antisémitisme, à Paris, le 28 mars 2018. (Crédit : AP/Thibault Camus)
Des femmes participent à une marche silencieuse en mémoire de Mireille Knoll, une survivante de la Shoah de 85 ans poignardée à mort dans son appartement parisien, pour dénoncer le racisme et l'antisémitisme, à Paris, le 28 mars 2018. (Crédit : AP/Thibault Camus)

Ce mardi, Dominique Reynié, professeur à Sciences Po et directeur de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol), s’est exprimé sur RTL suite à la publication ce lundi d’une étude inédite et préoccupante menée par l’institut Ifop pour la Fondapol et le bureau français de l’American Jewish Committee (AJC).

Selon le professeur Reynié, en France, les Juifs ne « mènent pas la même vie » que les non-Juifs. Il cite en exemple celui d’une jeune fille qu’il a rencontrée et dont le père avait passé deux heures à effacer un graffiti antisémite sur le pallier de leur appartement. « Au fond, on n’a pas du tout la même existence », explique-t-il.

Selon l’enquête, menée en ligne en novembre 2019 auprès d’un échantillon de 505 Français juifs et de 1027 Français non-juifs (représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus) et dont les résultats complets sont disponibles sur le site de l’AJC, 70 % des Juifs français indiquent avoir déjà fait face à un acte antisémite au cours de leur vie. Le phénomène touche particulièrement les 18-24 ans – le nombre monte à 84 % pour cette tranche d’âge – ainsi que les pratiquants. Un autre chiffre révélateur : 34 % des Juifs de France se sentent menacés par l’antisémitisme. Ce sentiment est là-aussi exacerbé chez les pratiquants et chez les jeunes de moins de 35 ans.

Les deux principaux lieux où des incidents antisémites se produisent sont la rue (54 %) et l’école (55 %). Ainsi, afin d’échapper à l’antisémitisme, 44 % des Français juifs évitent certains territoires et 37 % s’abstiennent d’afficher des symboles exprimant leur judaïsme. Un quart des Français juifs déclarent avoir déjà évité de révéler leur appartenance à la communauté juive sur leur lieu de travail.

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Parmi les autres chiffres révélés par l’étude : 73 % des Français et 72 % des Français juifs considèrent l’antisémitisme comme un problème qui affecte la société française dans son intégralité. 47 % de l’opinion et 67 % des Juifs interrogés estiment que le niveau d’antisémitisme en France est élevé, tandis que 27 % et 22 % affirment qu’il est faible. Aussi, un Français de confession ou de culture juive sur deux a déjà envisagé de quitter le pays ; un Français sur cinq a déclaré avoir déjà entendu une personne de son entourage dire du mal des Juifs ; et 16 % des Français disent avoir déjà assisté à une agression verbale antisémite.

Dominique Reynié s’est dit surpris par les résultats, « par leur ampleur, par la violence du détail ». « Comment vivons-nous ? », a-t-il ajouté. « C’est une peur d’existence dans un pays – la France – dont on est le citoyen. »

Le professeur dénonce également Internet comme étant une « immense marmite où se rencontrent toutes les formes et sources d’antisémitisme » et évoque le phénomène comme l’une des causes de la radicalisation dans le discours antisémite. Il affirme aussi que « dans l’expression de la colère gilet-jauniste, il y a une part d’antisémitisme. Elle s’est exprimée à travers des tags, des insultes, on s’en est pris à des personnes supposées juives ».

Il explique que l’islamisme est la première cause de l’antisémitisme. « De même que le vieil antisémitisme d’extrême droite est concurrencé par la montée d’un antisémitisme d’extrême gauche, ceci donnant à l’antisémitisme non pas le sentiment d’être dépassé, mais plutôt de s’affirmer. Mais la bonne nouvelle malgré tout dans cette étude, c’est que l’ensemble des Français, quelle que soit leur religion, considèrent qu’il y a en France une poussée de l’antisémitisme, et l’ensemble des Français demandent à ce que l’on cesse cette poussée. Il y a une préoccupation nouvelle. »

« Quand on fait du mal à nos compatriotes juifs, ce n’est pas quelque chose qui arrive aux Juifs, c’est quelque chose qui arrive à la France, et ça les Français sont en train de nous le dire et je pense que ceux qui nous gouvernent devraient bien comprendre ce message », a-t-il estimé.

Selon Anne-Sophie Sebban-Bécache, directrice de l’AJC Paris, « les statistiques publiées chaque année par le ministère de l’Intérieur, bien qu’essentielles, ne reflètent pas les différentes facettes du problème que représente l’antisémitisme dans notre pays. Les données existantes s’appuient principalement sur les plaintes déposées, mais elles ne tiennent pas compte de la perception du problème et de son impact sur la vie des citoyens français ».

« L’antisémitisme fait partie de la vie quotidienne des Français dans leur ensemble. C’est un phénomène qu’ils perçoivent et qui les touche. C’est désormais une préoccupation pour toute la société française, et non plus seulement pour les Français d’origine juive. C’est donc la note finale encourageante et positive de cette enquête : nous ne sommes plus aussi seuls, pour combattre ce fléau, que nous avons pu l’être – ou avons eu le sentiment de l’être – par le passé. Cela doit se refléter dans les actions politiques ; la lutte contre l’antisémitisme doit être une priorité nationale disposant de moyens adéquats pour couvrir l’ensemble du territoire français », a-t-elle ajouté.

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Interrogé par Le Parisien, Haïm Korsia, grand rabbin de France, a affirmé que « les Français ont pris conscience que ce qui nous arrive est un indice du mal-être de la société ».

« Nous avons alerté les pouvoirs publics depuis longtemps sur ce sentiment d’insécurité, qui est alimenté par des choses réelles : malheureusement, il y a eu des morts ; malheureusement, les agressions sont récurrentes, a ajouté le responsable religieux. Ce peut être quelqu’un qui fait la queue à l’épicerie et s’entend dire ‘sale juif, sale race’. Il y a une désinhibition incroyable. »

« Certains n’osent pas demander de congés à leur employeur pour les fêtes de Kippour ou Roch HaShana, car cela revient à dire ouvertement ‘je suis Juif’, a-t-il poursuivi. Les jeunes, surtout, l’ont intégré dans leur façon de penser. Certains ne portent plus de casquette pour ne pas être identifiés comme Juifs. »

Il a lui aussi dénoncé Internet comme étant un « déversoir de haine sans limites » et appelé à l’instauration d’un « dispositif législatif ». « Regardez l’Allemagne : elle a fait le ménage en sanctionnant lourdement les hébergeurs. L’antisémitisme est un virus, il mute. La façon de lutter contre cette haine doit muter aussi », a-t-il conclu.

Noémie Madar, présidente de l’Union des Etudiants Juifs de France, a elle déclaré : « Alors que le président de la République s’apprête à se rendre pour la première fois en Israël pour témoigner d’une lutte sans relâche contre l’antisémitisme, les Juifs de France se sentent plus que jamais en insécurité. À l’approche des 75 ans de la libération du camp d’Auschwitz, et dans le cadre du Forum mondial réunissant des chefs d’Etat du monde entier, nous appelons le président de la République à faire du ‘Plus jamais ça’ une réalité qui s’applique au présent et à mettre fin à ce quotidien qui fait trop souvent d’Israël un échappatoire inéluctable à une vie de cauchemars antisémites en France. »

« Alors que les actes antisémites notamment au sein des universités ont bondi ces derniers mois, l’UEJF s’alarme d’une libération de la parole qui met en danger les Juifs de France, a ajouté l’organisation. Insultes, croix gammées, lieux de culte en danger, les Juifs de France sont confrontés au quotidien à une réalité dans laquelle il est impossible de vivre son identité sereinement. Le plus souvent, les victimes ont peur de témoigner ou les fautifs ne sont jamais retrouvés, et de nombreux actes demeurent impunis. »

Il y a quelques mois, une étude Ifop pour l’UEJF révélait que 89 % des étudiants juifs avaient déjà subi un acte antisémite – et que seul 1 % avait déposé plainte.

En 2018, 541 actes antisémites ont été recensés en France contre 311 l’année précédente – soit une hausse de 74 % –, selon un rapport publié par le ministère de l’Intérieur en février 2019.

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