En visite en Israël, une délégation pakistanaise promeut la vision de la paix
Malgré l'absence de relations diplomatiques, un groupe comprenant un ancien ministre a fait le tour de Jérusalem, espérant qu'Islamabad adhère aux Accords d'Abraham
Des centaines de Palestiniens ont récemment afflué de la Vieille Ville de Jérusalem un jour de semaine, transportant deux cercueils ouverts, peints en vert et ornés de versets coraniques, jusqu’au cimetière musulman situé juste à l’extérieur de la Porte des Lions.
Luttant contre la marée endeuillée, au sens propre comme au sens figuré, un groupe de douze leaders américano-pakistanais s’est lentement frayé un chemin dans la Vieille Ville, chaque pas les rapprochant de la réalisation du rêve de toute une vie.
La délégation de dirigeants communautaires pakistanais en visite dans le pays dans le cadre d’une initiative de paix régionale est arrivée en Israël dimanche dernier pour une visite de six jours destinée à renforcer les liens entre les deux pays, qui n’ont, à ce jour, pas de relations diplomatiques.
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Le groupe, dont certains vivent aux États-Unis et d’autres au Pakistan, a également rencontré le président Isaac Herzog, des chefs d’entreprise locaux et des experts politiques.
Alors qu’il déambulait dans l’école élémentaire Umariya, un terrain historique construit sur un ancien château des Croisés dans la Vieille Ville de Jérusalem, le Dr. Nasim Ashraf est revenu sur les premiers jours de son voyage en Terre sainte.
« Venir ici a permis de dissiper un grand nombre de malentendus, d’idées fixes et de perceptions erronées », a déclaré Ashraf, ancien ministre pakistanais, dans la cour de l’école, datant de l’époque ottomane.
Le Pakistan est l’un des nombreux pays musulmans qui n’ont pas de liens officiels avec l’État juif, bien qu’il y ait eu de brèves ouvertures dans le passé, notamment une réunion entre les ministres des Affaires étrangères israélien et pakistanais en 2005, après la décision du Premier ministre de l’époque, Ariel Sharon, de se retirer de Gaza.
Ces dernières années, des exercices d’entraînement militaire ont été menés aux côtés des forces pakistanaises. Cependant, les relations de plus en plus étroites entre Jérusalem et l’Inde restent un point sensible pour le Pakistan, les deux États voisins s’étant périodiquement affrontés pour des territoires contestés au Cachemire.
Dans une cour adjacente à un gymnase qui servait autrefois d’aire de repos au roi Abdallah Ier de Jordanie lors de ses visites à Jérusalem, des fenêtres offrent un rare aperçu des cours nord du mont du Temple, que les Pakistanais connaissent sous son nom arabe, Haram Al-Sharif, ou Noble Sanctuaire.
Les récits historiques contradictoires en jeu sur l’esplanade aura été un thème récurrent auquel le groupe a dû faire face au cours de sa traversée de la ville.
Un pas après l’autre
Le voyage était organisé par Sharaka (« partenariat » en arabe), une organisation qui a vu le jour dans le sillage des Accords d’Abraham de 2020 – une série d’accords de normalisation entre Israël et plusieurs nations arabes – pour promouvoir la paix et la coopération dans la région, aux côtés de l’American Muslim and Multifaith Women’s Empowerment Council.
Pour Ashraf, rejoindre la délégation était une conséquence logique après des décennies passées à promouvoir le dialogue inter-religieux.
« Depuis les Accords d’Abraham, j’ai senti qu’il y avait une envie certaine [au Pakistan] de faire la paix avec Israël. Il y a aussi beaucoup d’opposition – un pas après l’autre. Nous avions entamé la conversation en 2005, lorsque j’étais membre du cabinet du gouvernement. »
À la suite de la signature des accords, un conseiller du Premier ministre de l’époque, Imran Khan, se serait rendu en Israël pour faire part du souhait d’Islamabad d’établir des relations plus étroites entre les deux pays. Les autorités pakistanaises ont rejeté ces allégations et la visite n’a jamais pu être vérifiée de manière indépendante.
Alors que la délégation sortait de l’enceinte tranquille de l’école pour retourner dans les ruelles chaotiques de la Vieille Ville, Ashraf, comme s’il pensait tout haut, a conclu : « Israël peut intégrer les jeunes Palestiniens, pour réduire la haine et la violence, en leur donnant la même éducation et les mêmes opportunités. C’est ainsi que l’on change la pensée et la société à un jeune âge – pas quand on n’a rien. »
La délégation pakistanaise suit les traces d’un groupe de ressortissants de Bahreïn et des Émirats arabes unis qui ont visité l’État juif avec Sharaka il y a près d’un an. Ce groupe, qui portait des robes blanches traditionnelles islamiques communes aux États du Golfe, a attiré l’attention des médias et du public bien plus que ses homologues d’Asie du Sud.
Ce manque d’attention a peut-être été voulu. Alors que les gouvernements autocratiques de Bahreïn et des EAU ont accueilli avec enthousiasme le rapprochement avec Israël, le sentiment anti-israélien est profondément ancré dans le système politique désordonné du Pakistan.
L’année dernière, le journaliste pakistanais Ahmed Quraishi a été licencié de son poste après avoir visité Israël. La semaine dernière, peu de responsables ont réclamé l’opportunité de s’exprimer de manière officielle.
Ashraf, cependant, était « sans-filtre », peut-être en raison de son profil élevé et de sa citoyenneté américaine. Il a déclaré que l’incident de Quraishi faisait partie des raisons de sa visite.
« J’ai dit que je n’irai [en Israël] que si cela se faisait publiquement, pas en cachette. Faisons en sorte de faire avancer le processus de paix. Si cela doit mener à quelque chose de notre vivant, ou par la suite, cela doit être consigné et certaines personnes n’ont qu’à se joindre à nous. »
Merveille du monde
En descendant les marches vers la place du mur Occidental, le groupe s’est arrêté pour regarder le soleil se coucher sur la ville alors que le Dôme du Rocher s’illuminait, le joyau doré de la couronne de Jérusalem.
Conduite par Dan Fefermen, directeur des affaires internationales de Sharaka, et par un guide touristique typiquement israélien, vêtu d’un jean ample et d’une chemise à motifs, la délégation est entrée dans le complexe des tunnels du mur Occidental, s’émerveillant du génie technique et de la signification religieuse des murs du Temple du roi Hérode.
Les salles sombres et humides dans lesquelles ils sont entrés, qui sont restées intactes jusqu’à leur redécouverte il y a dix ans, sont devenues la scène d’un étrange dialogue inter-confessionnel : les visiteurs musulmans pakistanais ont comparé les notes du Coran avec les connaissances bibliques du guide israélien, confirmant l’existence de récits communs et soulignant les subtiles différences.
Les tunnels ont été un point sensible du conflit israélo-palestinien. En 1996, des fouilles sous le quartier musulman de la Vieille Ville, autorisées par le Premier ministre de l’époque, Benjamin Netanyahu, ont déclenché trois jours d’émeutes en Cisjordanie et à Gaza, qui ont coûté la vie à 25 soldats de Tsahal et à plus de 100 Palestiniens.
Alors que les accords de paix très médiatisés entre Israël et les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc ont attiré l’attention du monde entier, de subtiles conversations souterraines se poursuivent avec d’autres puissants pays islamiques – le Pakistan, l’Indonésie, l’Arabie saoudite et d’autres.
Alors que la conversation dans le tunnel touchait à sa fin et que le groupe se dirigeait vers la sortie de la place du mur Occidental, un responsable a dit, comme s’il faisait une déclaration publique, les mots suivants : « la merveille du monde », en regardant les masses de fidèles juifs se balançant au pied du mur, du mont du Temple avec le dôme doré du Dôme du Rocher au-dessus. Tous ont hoché la tête en signe d’approbation.
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