Erdogan en tournée dans le Golfe en quête d’investissements
Proche du Qatar, le chef de l'Etat turc s'est récemment rapproché de l'Arabie saoudite et des Emirats, avec qui il a longtemps entretenu des relations tendues, comme ces deux pays

Le président turc Recep Tayyip Erdogan est arrivé lundi en Arabie saoudite, au premier jour d’une tournée dans les riches monarchies du Golfe pour tenter d’attirer les investissements et de renforcer les liens commerciaux avec son pays, confronté à une grave crise économique.
M. Erdogan est arrivé à Jeddah, grande ville balnéaire de l’ouest saoudien, où il doit rencontrer le roi Salmane et le prince héritier Mohammed ben Salmane, dirigeant de facto du richissime royaume pétrolier depuis 2017, avant de se rendre au Qatar et aux Emirats arabes unis.
La chaîne de télévision publique saoudienne Al-Ekhbariya a diffusé des images de son arrivée à un forum d’affaires turco-saoudien.
Proche du Qatar, le chef de l’Etat turc s’est récemment rapproché de l’Arabie saoudite et des Emirats, avec qui il a longtemps entretenu des relations tendues, comme ces deux pays.
« Nous avons fait beaucoup de progrès dans nos relations avec les pays du Golfe », avait-il déclaré avant son départ pour Jeddah.
« Le volume de nos échanges bilatéraux avec les pays du Golfe est passé de 1,6 milliard de dollars à environ 22 milliards de dollars au cours des 20 dernières années », s’est-il félicité, en soulignant les « liens fraternels historiques » avec ces pays.
Lors de cette tournée dans le Golfe, « nous chercherons les moyens de faire augmenter encore plus ce chiffre », a-t-il promis.
MBS et Erdogan
Il s’agit de la deuxième visite du chef de l’Etat turc en Arabie saoudite depuis le rapprochement entre Ryad et Ankara, après une période de froid diplomatique qui a atteint son paroxysme en 2018 avec l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul.

Le président turc avait à l’époque accusé les responsables saoudiens, et des experts de l’ONU et la CIA avaient pointé du doigt la responsabilité du prince surnommé MBS. Ryad a toujours démenti avoir commandité le meurtre du journaliste au ton critique.
Plus d’un an après la visite de MBS à Ankara en juin 2022, plusieurs accords devraient être signés à Jeddah, a assuré à l’AFP un haut responsable saoudien sous couvert d’anonymat.
Cette visite intervient au moment où la Turquie lutte contre une dévaluation de sa monnaie et une inflation galopante qui ont mis à mal son économie.
En mars, l’Arabie saoudite avait annoncé un dépôt de cinq milliards de dollars à la banque centrale de Turquie afin d’aider l’économie de ce pays qui venait de subir un nouveau choc avec le séisme dévastateur du 6 février.
Ankara a longtemps entretenu des relations glaciales avec Ryad et Abou Dhabi en raison du soutien de M. Erdogan aux Frères musulmans – considérés comme organisation terroriste par l’Arabie saoudite et les Emirats – et des divergences sur de nombreux dossiers régionaux comme ceux des conflits en Syrie et en Libye.
« Plus pragmatique »
La Turquie et les pays du Golfe ont « décidé d’adopter une approche plus pragmatique, avec le développement économique comme principal impératif, plutôt qu’une politique guidée par l’idéologie », a déclaré à l’AFP Sinem Cengiz, chercheuse turque à l’Université du Qatar.
« La visite d’Erdogan après des élections cruciales reflète l’importance des Etats du Golfe dans la politique étrangère turque », a ajouté cette spécialiste des relations entre le Golfe et la Turquie.
Selon elle, « la stabilité économique et les opportunités commerciales ne sont pas les seuls moteurs de la visite » car M. Erdogan « espère une coopération avec les Etats du Golfe » sur les dossiers régionaux comme la Syrie, la Libye ou l’Irak.
Ce déplacement intervient par ailleurs dans un contexte de rapprochement diplomatique au Moyen-Orient entre les deux grands rivaux saoudien et iranien, suivi par la normalisation des relations entre plusieurs pays arabes et la Syrie, mise au ban du monde musulman pendant plus d’une décennie de guerre après avoir tué son propre peuple.
La Turquie et les pays du Golfe ont adopté la politique « zéro problème » dans la région pour se concentrer sur « les enjeux économiques internes », décrypte pour l’AFP un diplomate arabe basé à Ryad ayant requis l’anonymat.
Pour lui, « la Turquie veut attirer les investissements étrangers, dont ceux du Golfe, notamment pour relancer son économie chancelante, alors que Ryad continue de se sortir de ses conflits régionaux ».