Israël en guerre - Jour 475

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Interview

Erel Margalit : les investisseurs high-tech attendent qu’Israël recouvre la « raison »

Pour le fondateur de Jerusalem Venture Partners, les manifestations des travailleurs de la tech prouvent que la refonte judiciaire du gouvernement ne passera pas

Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.

Erel Margalit, fondateur et président de JVP, lors d'une manifestation contre la réforme judiciaire à Haïfa. (Crédit : Autorisation/Micha Brickman)
Erel Margalit, fondateur et président de JVP, lors d'une manifestation contre la réforme judiciaire à Haïfa. (Crédit : Autorisation/Micha Brickman)

Alors qu’Israël célèbre le 75e anniversaire de son indépendance, l’entrepreneur et investisseur israélien Erel Margalit estime que la démocratie israélienne, terreau propice à la créativité et à la coexistence qui ont fait du pays une puissance technologique, est à la croisée des chemins.

Selon le fondateur et président exécutif de Jerusalem Venture Partners (JVP), l’une des sociétés de capital-risque les plus anciennes et les mieux établies en Israël – dont les actifs gérés s’élèvent à 1,75 milliard de dollars – c’est le caractère démocratique et pluraliste du pays qui a servi de moteur à l’innovation dans le domaine de la haute technologie au cours des vingt-cinq dernières années.

Margalit, ancien député du parti Avoda (2015-2017), fait partie d’un groupe d’entrepreneurs en série à la tête du mouvement de protestation des professionnels de la technologie et des fondateurs de start-ups à Jérusalem et ailleurs contre les remaniements proposés par le gouvernement au système judiciaire qui, selon eux, représentent une menace majeure pour la démocratie. Leur principale crainte est que ces projets de loi compromettent l’indépendance du pouvoir judiciaire et érodent les mécanismes de contre-pouvoirs essentiels qui ont permis à la démocratie israélienne de s’épanouir.

Cela fait déjà 16 semaines que des dizaines de milliers d’Israéliens descendent dans la rue pour protester contre un projet de loi qui accorderait au gouvernement un contrôle total sur la nomination des juges, y compris ceux de la Cour suprême, et qui limiterait considérablement la capacité de la Haute Cour à invalider la législation.

Des centaines de start-ups du secteur de la haute technologie, des fonds de capital-risque, des cabinets d’avocats et d’autres entreprises du secteur privé ont autorisé des dizaines de milliers de leurs employés à participer aux manifestations organisées à l’échelle nationale pendant les heures de travail, au moment où se tenaient les premiers votes sur le projet de loi.

« L’économie et l’industrie de la haute technologie sont menacées par des personnes qui persistent à vouloir s’attaquer au statut du système judiciaire », a déclaré Margalit au Times of Israel. « D’un autre côté, nous vivons également une période rare et fédératrice où, en plus d’essayer de créer de grandes entreprises et de trouver des investisseurs, nous nous retrouvons également avec un ensemble de valeurs que nous défendons et contre lesquelles nous nous élevons ensemble ».

Des manifestants défilant avec des drapeaux nationaux dans le cadre des manifestations en cours contre les projets de réforme du système judiciaire du gouvernement, à Tel Aviv, le 15 avril 2023. (Crédit : Jack Guez/AFP)

« C’est un moment décisif, qui résulte d’une période difficile, mais je pense qu’une fois que nous aurons surmonté cette épreuve, nous aurons d’excellentes bases pour la prochaine génération de création
d’entreprises », a-t-il ajouté.

Fondé en 1993, JVP a investi dans plus de 160 entreprises en Israël, aux États-Unis et en Europe dans les domaines de la cyber-technologie, de l’entreprise et de l’IA, de la fintech et de l’insurtech, de la foodtech et, plus récemment, de la technologie climatique.

À la suite de manifestations de grande ampleur et de protestations massives contre le licenciement du ministre de la Défense Yoav Gallant suite à ses avertissements sur les dommages causés à la sécurité nationale par les mesures unilatérales du gouvernement sur le système judiciaire, l’avancement du projets de refonte judiciaire a été mis en pause le mois dernier pour faire place à un dialogue et trouver un compromis. (Il a depuis repris.)

« L’industrie de la haute technologie nous a montré une chose importante : ils [le gouvernement] ne réussiront pas. Dès lors qu’ils ont essayé de dépasser les limites, en licenciant notamment le ministre de la Défense, Israël a dit non à Netanyahu et l’a arrêté sur le champ », a noté Margalit. « Le feu a en quelque sorte été réduit d’un cran, même si ce n’est que temporaire ».

« Nous sommes nombreux à veiller à ce que la situation ne s’aggrave pas, en manifestant, et à essayer de l’améliorer, par nos actions », a-t-il ajouté.

La perspective d’un affaiblissement du système judiciaire a nourri l’incertitude, menaçant de saper la position d’Israël comme plaque tournante stable pour les investissements étrangers, dont l’écosystème high-tech local dépend largement pour son existence. L’industrie technologique, présentée comme le principal moteur de croissance de l’économie, génère environ 17 % du PIB et est responsable de plus de 50 % des exportations et d’environ 25 % des charges sociales.

Des travailleurs du secteur technologique manifestent contre le projet de réforme judiciaire du gouvernement, à Tel-Aviv, le 9 mars 2023 (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Au premier trimestre de cette année, les entreprises technologiques israéliennes ont levé 1,7 milliard de dollars, soit une baisse de 70 % par rapport aux 5,8 milliards de dollars levés au cours des trois premiers mois de 2022, selon un rapport de l’IVC Research Center et de LeumiTech. Le trimestre a marqué le chiffre le plus bas en quatre ans.

Dans le contexte financier actuel, marqué par des taux d’intérêt élevés et un ralentissement de l’économie mondiale, les actions du secteur technologique ont pris une claque sur les marchés mondiaux, poussant les valorisations des entreprises à la baisse, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Le ralentissement du marché a entraîné le licenciement de milliers de travailleurs, déclenchant des retraits de fonds et créant un marché baissier pour les nouvelles offres technologiques.

Une enquête récente de Start-Up Nation Central, qui suit l’écosystème technologique local, a révélé que 80 % des startups israéliennes et 84 % des investisseurs craignent que les changements prévus dans le système judiciaire aient un « impact négatif sur eux et sur les entreprises de leur portefeuille ». Environ 84 % d’entre eux pensent que les projets du gouvernement auront un effet négatif sur leur capacité à lever des fonds à l’étranger.

Le JVP de Margalit gère un centre d’innovation en matière de cybersécurité dans le centre de Manhattan et a lancé l’année dernière un centre de technologie climatique en partenariat avec la ville de New York ainsi qu’avec des sponsors clés tels que le constructeur automobile de luxe allemand BMW. Elle avait déjà lancé, auparavant, des centres d’innovation en Israël – un centre de technologie alimentaire en Galilée et un centre de santé numérique à Haïfa.

Aujourd’hui, les investisseurs étrangers se demandent pourquoi « l’administration agit à son détriment », explique Margalit.

« Israël était le premier pays avec lequel nous – à Singapour, en France, aux États-Unis, en Suède, aux Émirats, ou même en Arabie saoudite – voulions traiter pour tout ce qui concerne l’innovation. Ce que fait le gouvernement aujourd’hui et la direction qu’il prend ne sont pas clairs, nous disent les investisseurs », a raconté Margalit.

« En cette période de crise internationale, où sévissent à la fois une crise financière et une crise géopolitique, il est important que les choses soient claires. Pour beaucoup d’entre nous, il est donc important qu’ils voient que les entreprises du secteur high-tech se mobilisent dans les rues et sur les places publiques à travers Israël ».

Margalit a ajouté que les investisseurs ont été « impressionnés » par l’interruption de la réforme judiciaire, montrant le pouvoir des entrepreneurs, mais ils attendent aussi un changement de la part des législateurs.

« Nous nous retrouvons comme les ambassadeurs d’un Israël démocratique, d’un Israël pluraliste, du type d’Israël dans lequel ils ont investi et qui, nous l’affirmons avec force, perdurera, même si la lutte doit se poursuivre », a-t-il fait remarquer.

« C’est un environnement difficile pour lever des capitaux, mais en tant que société de capital-risque, PDG et entrepreneur, il faut baisser la tête et travailler dur et, dans de nombreux cas, nous y parvenons, même si les obstacles gouvernementaux n’ont pas encore disparu ».

À 75 ans, Israël se distingue par ses prouesses technologiques et est en passe de réaliser certaines des innovations les plus intéressantes dont le monde a besoin dans les domaines de la cybersécurité, de la technologie climatique et de la technologie alimentaire, selon Margalit.

La semaine dernière, la startup israélienne de cybersécurité Coro a levé 75 millions de dollars de capitaux auprès d’investisseurs, sous la houlette d’Energy Impact Partners. Ce dernier tour de table porte à 155 millions de dollars le total des fonds levés au cours de l’année écoulée, y compris auprès d’investisseurs tels que JVP et Balderton Capital.

« Yom HaAtsmaout est l’occasion de célébrer l’existence de l’État, mais c’est aussi une occasion de définir le caractère que l’État aura : nous voulons un État démocratique, nous voulons un État pluraliste, et nous voulons une société créative où il y a plus d’une voix. Nous voulons qu’Israël utilise sa technologie et sa force, non pas pour s’isoler du monde, mais pour le relier. »

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