Espionnage israélien : Foxman dénonce les craintes américaines infondées
L’affaire Pollard ne peut expliquer la réticence de Washington à admettre Israël au programme d'exemption de visa, selon le président de l’ADL

Les préoccupations formulées ostensiblement par la communauté américaine du renseignement selon lesquelles les Israéliens pourraient tirer avantage de l’assouplissement du régime des visas afin d’espionner les Etats-Unis sont infondées, dénonce le directeur de la Ligue Anti-diffamation (ADL), Abraham Foxman, en visite dans l’Etat hébreu.
Selon lui, ces craintes s’appuient sur des stéréotypes injustifiés sur la déloyauté supposée des citoyens juifs envers la nation américaine.
Alors que les représentants américains et israéliens saluent le niveau de coopération bilatéral sans précédent en matière de sécurité et de renseignement, le public est tenu de se prononcer contre l’utilisation de ces clichés, souligne Foxman dans une interview accordée au Times of Israel.
« Tout le monde espionne. Mais je n’entends pas d’arguments similaires sur l’exemption de visa concernant tout autre pays », déplore-t-il.
Une référence aux rapports cite des responsables du renseignement américain sceptiques quant aux efforts déployés actuellement par le Département d’Etat américain pour admettre l’Etat hébreu à son programme d’exemption de visa par crainte d’être espionnés.
« Beaucoup de pays tentent d’obtenir une exemption de visa pour les Etats-Unis. Je n’ai jamais vu ni entendu, concernant l’un de ces pays, l’argument d’espionnage. Et pourtant je suppose que la France espionne, je suis convaincu que la Pologne espionne, idem pour la Chine, etc. Et vous n’entendez pas [d’accusations similaires] hors des cercles officiels », a-t-il assuré.
Suite aux tentatives du Département d’Etat d’aider Israël à rejoindre le programme en question, un rapport citant plusieurs personnalités incontournables du Congrès a été révélé.
En effet, ces derniers assureraient que des sources au sein du renseignement américain se méfieraient d’une telle démarche car elle augmenterait les risques d’espionnage de la part de l’Etat hébreu.
« La communauté du renseignement américain craint que l’intégration d’Israël au programme d’exemption de vsa faciliterait l’entrée sur le territoire américain pour les espions israéliens », a confié un conseiller de haut rang auprès de la Chambre des représentants au site Roll Call.
Selon des conseillers auprès du Congrès, des responsables de la sécurité intérieure et du renseignement ont exprimé ces préoccupations lors d’une audience privée devant des membres du Congrès et de la Commission judiciaire de la Chambre des représentants, a indiqué le site.
« Supposons qu’il s’agisse de l’opinion de la communauté du renseignement et que ces derniers ont communiqué ce point de vue aux membres du Congrès. Quelqu’un avait un intérêt à révéler
l’information », confie Foxman mardi au Times of Israel.
« Et l’accusation selon laquelle les Israéliens auraient [soi-disant] une extraordinaire propension à espionner les Etats-Unis est l’un de ces éléments qui ont affecté la relation israélo-américaine, avant même l’arrestation de Jonathan Pollard », a-t-il souligné, en référence à l’ex-analyste des renseignements américains condamné à purger une peine à perpétuité dans une prison de Caroline du Nord pour espionnage au profit d’Israël.
« Pollard ne leur a offert qu’un vernis de légitimité. Mais tous les deux ans, parfois tous les deux mois, autre chose refait surface », a déclaré Foxman, qui quittera son poste de directeur de l’ADL en 2015, après 27 ans de bons et loyaux services à la tête de l’organisation.
Plusieurs administrations américaines se méfient de l’espionnage israélien, mais Washington parait visiblement bien moins préoccupé par l’espionnage d’autres gouvernements, dit-il amèrement.
Arrêté en 1985, Pollard seul ne saurait expliquer les soupçons exagérés de Washington, affirme Foxman, faisant valoir que l’arrestation et la condamnation de Pollard constituent un incident isolé en plus de 60 ans de relations bilatérales.
Selon Foxman, « le stéréotype selon lequel on ne peut accorder sa confiance aux Juifs, que les Juifs ne peuvent se montrer fidèles, à la dent dure. Nous avons mené des études au cours des 40 ou 50 dernières années sur la persistance des stéréotypes en Amérique.
Et sur la question de la loyauté, environ 30 % des personnes interrogées au cours des 30, 40 dernières années ont exprimé des points de vue stéréotypés. Près d’une personne sur trois. C’est ici. L’un de ces hideux stéréotypes sur lesquels les gens s’appuient.
Et quelle ironie de constater que les craintes d’espionnage israélien sont formulées au moment où la coopération militaire et en matière de renseignement atteint un niveau sans précédent, poursuit Foxman.
Foxman affirme détenir en sa possession un fichier de plaintes déposées par des professionnels américains et juifs qui se sont vu refuser des autorisations en raison de leurs liens étroits avec Israël.
« Quelques-unes des questions posées étaient inappropriées ».
« Les responsables américains ont présenté leurs excuses pour certains de ces cas, mais un sentiment de malaise concernant les Juifs américains et leurs liens avec Israël persiste », a-t-il suggéré. « Si vous êtes juif, que vos parents sont en Israël, que vous parlez hébreu et que vous vous rendez en Israël, alors peut-être êtes-vous un espion. »
Les croyances sur l’attitude présumée du soi-disant « lobby israélien » aux Etats-Unis qui placerait les intérêts juifs bien avant les intérêts américains persistent, « fournissant du carburant et de la légitimité à ces préjugés », a déclaré Foxman. « Nous avons la responsabilité de les exposer, de les dénoncer, de dire que c’est inacceptable, qu’ils ne doivent pas faire partie intégrante de nos relations et que nous ne les tolérerons pas. »
Israël n’a pas été admis au programme d’exemption de visa, car l’Etat hébreu « ne remplit pas la plupart des exigences requises pour le programme d’exemption de visa, y compris l’émission de passeports électroniques et certains accords de partage de données », a déclaré mardi le porte-parole du Département d’Etat Jen Psaki.
Deux obstacles se seraient dressés face à la requête israélienne et expliqueraient le refus américain : l’augmentation du nombre de jeunes Israéliens qui cherchent à entrer aux Etats-Unis en tant que touristes avant d’y travailler illégalement et la discrimination supposée exercée par Israël à l’encontre des citoyens arabes-américains.
Les deux nations ont récemment mis en place un groupe de travail afin d’aider l’Etat hébreu à avancer dans le processus d’adhésion au programme, selon la secrétaire d’État adjointe aux affaires législatives Julia Frifield.
Le secrétaire d’Etat John Kerry « a ordonné au Département de prendre une série de mesures immédiates pour veiller à ce que, conformément à la législation américaine sur l’immigration, nous mettions en œuvre tous les efforts afin de maximiser le nombre de jeunes Israéliens en mesure de voyager aux États-Unis », écrit-elle dans une lettre adressée à un membre du Congrès, la démocrate Nita Lowey qui avait demandé à Kerry de se pencher sur la question.
« Le secrétaire nous a demandé de répondre à ces questions rapidement et totalement ».
Le taux de refus de visa d’entrée pour les citoyens israéliens s’élève actuellement à 9,7 %. Pour être admis au Programme d’Exemption de visa, un taux de 3 % maximum est nécessaire. Les données concernant les Israéliens âgés entre 21 et 26 ans montrent que les taux de refus d’entrée ont doublé, passant de 16 % en 2009 à 32 % en 2013, selon Frifield.
« Nous savons que, malgré un taux d’approbation de deux tiers, cette augmentation a conduit à la perception par certains que les jeunes Israéliens ne sont pas les bienvenus aux États-Unis. De toute évidence, ce n’est pas le cas », écrit-elle.
« Israël est l’un de nos plus proches amis et alliés, et nous nous félicitons des échanges entre Israéliens et Américains dans tous les domaines, y compris par les visites des Israéliens aux États-Unis. Le ministère peut et va faire davantage pour encourager et aider les Israéliens qualifiés à visiter les Etats-Unis ».
L’ambassadeur américain en Israël Dan Shapiro a fait écho dimanche à ces déclarations sur sa page officielle Facebook.
Israël s’engage à traiter les Palestino-Américains ayant fait le vœu d’entrer en Israël de la même manière que les autres citoyens américains si l’Etat hébreu se voit accorder l’autorisation de participer au programme d’exemption de visa, rapporte le quotidien israélien Haaretz cette semaine, citant un haut responsable israélien sous couvert d’anonymat.
Le Programme d’Exemption de visa dispenserait les citoyens israéliens d’une demande de visa touristique et leur permettrait de rester sur le territoire américain pour un maximum de 90 jours.
JTA a contribué à la rédaction de cet article.