Face à l’antisémitisme, des Juifs américains retirent leur mezouza ; des non-Juifs en installent
« C'est la plus belle proposition qu'on m'aie faite », dit un rabbin californien de l'offre de ses voisins d'apposer une mezouza. Il dit que la sienne est son « alarme »
JTA — Lorsqu’un homme s’est introduit par effraction dans la maison d’une famille juive de Studio City, en Californie, la semaine passée, en débitant des propos antisémites couronnés de « Libérez la Palestine », les voisins ont rapidement mis le doigt sur un détail important : l’agresseur avait manifestement déjà interpelé la famille au sujet de la mezouza sur sa porte.
Cela a déclenché une certaine peur parmi les Juifs laïcs du quartier, explique Menachem Silverstein, comédien et rabbin orthodoxe qui est un proche des victimes. Il dit qu’un de ses voisins israéliens envisage de retirer sa mezouza.
Il assure que la réaction de ses voisins non-juifs lui « a donné la chair de poule » : ils ont proposé d’en installer une à leur porte.
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« J’en ai eu les larmes aux yeux. Je me suis dit que c’était sans doute la plus belle chose que l’on m’aie jamais dite », confie Silverstein à la Jewish Telegraphic Agency. « C’était exactement les mots d’encouragement dont j’avais besoin, personnellement. »
Les voisins ont conclu que le cambriolage était un incident ponctuel et n’ont finalement pas donné suite à leur offre. Pourtant, assure Silverstein, le simple fait qu’ils se soient dits prêts à soutenir les Juifs de cette manière lui a réchauffé le coeur à un moment où tant de Juifs se sentent seuls et abandonnés par les non-Juifs de leur entourage.
Il compare ce moment à la scène de « Spartacus », film de 1960 dans lequel les compatriotes du héros s’identifient tous comme lui afin de protéger son identité. Cela n’est pas non plus sans rappeler le mythe selon lequel le roi du Danemark aurait porté une étoile jaune pour protéger les Juifs de son pays sous le régime nazi.
« Si tout le monde a une mezouza, alors personne ne devra retirer la sienne et il sera impossible d’identifier les Juifs à leur mezouza », explique-t-il.
Pour Silverstein, ce geste a quelque chose de plus déchirant encore. « Pour moi, c’est un peu annonciateur de ‘On te cachera dans notre grenier quand tu en auras besoin’. »
La réaction de Silverstein fait écho aux échanges qui ont lieu dans tous les foyers et communautés juives dans le monde. Partout, l’antisémitisme a brutalement resurgi suite à la guerre entre Israël et le Hamas, qui a tué plus de 1 400 Israéliens dans une attaque terroriste le 7 octobre dernier et les Juifs se demandent si leur mezouza – ce petite boîtier contenant un passage de la Torah commandant aux Juifs d’inscrire ces mots sur les montants des portes de leur maison – les rend particulièrement vulnérables en indiquant clairement leur confession.
Dans certains endroits, comme à Studio City, il semble que les craintes soient justifiées. Au Canada, un couple de l’Ontario estime que la mezouza est un cadeau fait aux vandales qui ont peint des graffitis antisémites sur la porte de leur garage. Les Juifs de Paris et de Berlin qui ont exprimé leur inquiétude au sujet des étoiles de Davis peintes sur les bâtiments se demandent si ce ne sont pas les mezouzot qui ont informé les vandales.
Certains cherchent le moyen de conserver leur mezouza en les rendant plus discrètes. En Europe, des Juifs ont acheté Camozuzah, une mezouza cachée dans un coffrage d’alarme domestique développée par un rabbin Habad-Loubavitch en Irlande, en 2021, pour les étudiants juifs que l’antisémitisme inquiétait.
D’autres s’apprêtent à les retirer. Les Juifs de Londres et de Berlin disent avoir retiré les leurs pour ne pas s’attirer de problèmes. Cette semaine, Levi Wolff, le rabbin de la synagogue centrale orthodoxe moderne de Sydney, en Australie, a écrit sur Instagram qu’une personne – restée anonyme – avait laissé une mezouza chez lui, ce qu’il a interprété comme signifiant que « quelqu’un dans notre communauté a retiré sa mezouza et me la rend, de peur que sa maison ne soit reconnue comme une maison juive ».
Wolff, qui est affilié au mouvement hassidique Habad-Loubavitch, a demandé aux Juifs de garder leur mezouza et de ne pas avoir peur de l’antisémitisme qui se répand, comme lors de cette manifestation pro-palestinienne à Sydney, où les participants ont scandé « Gazez les Juifs ». Pour d’autres rabbins Habad, c’est au contraire le moment d’installer une mezouza, acte selon eux de nature à dissiper l’obscurité du monde, et nombre d’entre eux ont distribué des mezouzot au sein de leur communauté.
D’autres chefs spirituels ont adopté un ton plus prudent. Marc Katz, rabbin au Temple Ner Tamid de Bloomfield, dans le New Jersey, a indiqué, mardi sur Facebook, qu’au moment d’Halloween, les Juifs devaient être très prudents avec les signes visibles de leur identité juive.
« Il n’y a aucun mal à retirer vos signes extérieurs de soutien à Israël ou même vos signes extérieurs d’identité juive (comme votre mezouza) si vous êtes inquiet pour votre sécurité », a écrit Katz, dans un message également partagé par sa synagogue. « Dans les moments de danger, les Juifs peuvent faire des choses qui contreviennent aux règles dans le but de se protéger. »
Le rabbin a dit à ses fidèles qu’ils devaient être prêts à revenir à la normale « lorsque la menace aura disparu ».
Ailleurs, d’autres non-Juifs désireux de témoigner de leur solidarité avec les Juifs et Israël ont partagé des plans pour mettre en place leur propre mezouza. La publication d’une femme non juive de Toronto est devenue virale, sur le réseau social X – anciennement Twitter -, pour avoir montré la mezouza qu’elle a apposée à sa porte. Elle dit l’avoir achetée à peu de frais dans un magasin Judaica après avoir consulté des amis juifs qui lui ont assuré que cela ne serait pas mal pris.
« Certains voisins de Toronto sont victimes de harcèlement, simplement parce qu’ils sont juifs », a écrit la femme, qui s’est identifiée comme Susie Movat. « Je ne suis pas juive mais je mets une mezouza sur ma porte pour exprimer ma solidarité avec mes amis qui méritent de vivre sans peur. Plus jamais ça. »
Elle a été applaudie par des utilisateurs juifs de X. « Sous le coup des événements actuels, nombreux sont nos voisins qui ont fait tomber le masque et nous montrent aujourd’hui le visage de l’antisémitisme systémique, cette corruption profonde. Mais ces mêmes événements réchauffent aussi le coeur des Juifs en braquant les projecteurs sur les non-Juifs qui, comme Susie, ont réussi le test « Auriez-vous caché des Juifs pendant la Shoah ? » », a écrit Yoni Freedhoff, médecin d’Ottawa qui tweete fréquemment sur les questions juives canadiennes. L’historien juif britannique Simon Schama, auteur de « L’histoire des Juifs », n’a pas été le dernier à y joindre sa voix.
Pour d’autres, ce geste relève de l’appropriation culturelle, dans la veine des seders chrétiens pour Pâques, et ils se demandent s’il s’agit réellement d’une preuve forte de soutien. « Vous pouvez aussi faire un don au fonds de sécurité d’une synagogue (oui, nous en avons, parce que nous le devons) ou à un fonds pour l’éducation », a par exemple tweeté un utilisateur de X. « L’appropriation n’est PAS la solution. »
Silverstein, qui vient d’une famille Habad, dit ne pas interpréter le geste de ses voisins comme relevant d’une tentative d’appropriation. Il dit bien au contraire : « C’est tellement beau de voir des non-Juifs reconnaître l’importance de la mezouza. »
Quant à savoir si les Juifs, dans le monde, doivent envisager de retirer leur mezouza pour se protéger, Silverstein conseille : « Parlez-en à votre rabbin. » Il rappelle que, selon la tradition juive, la mezouza se protège elle-même. »
« Notre mezouza est notre alarme. Notre mezouza contient le Shema ». « Avec cette mezouza, aussi effrayant que cela puisse paraître, j’ai la conviction que Dieu vous protégera. »
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