Face à l’imprévisibilité des rebelles, Tsahal se pare à toute éventualité dans le sud de la Syrie
Le Times of Israel rejoint les troupes au poste de l'armée syrienne qui a été abandonné avec la chute du régime d'Assad ; Tsahal a rapidement mis en œuvre les plans initialement élaborés pour une attaque potentielle soutenue par l'Iran
KWDANA, Syrie – Il y a quelques jours à peine, les soldats syriens fidèles au régime de Bashar al-Assad étaient stationnés au sommet de cette colline, surplombant à la fois le sud de la Syrie et les villes israéliennes du plateau du Golan.
Vendredi soir, les troupes syriennes du poste militaire de Tel Kwdana ont remballé la plupart de leur matériel, se sont mises en formation et ont quitté le site sans combattre, alors que les insurgés progressaient rapidement vers Damas.
L’armée israélienne, stationnée de l’autre côté de la frontière, a observé le retrait rapide de l’armée syrienne de Tel Kwdana et de toutes ses autres positions dans la région et a décidé d’agir rapidement.
Tôt dimanche matin, les premiers chars et troupes de l’armée israélienne ont pénétré dans le sud de la Syrie, et ont pris le contrôle des anciens postes de l’armée syrienne situés dans la zone tampon qui sépare les deux pays depuis 1974, sans toutefois tirer un seul coup de feu.
Le colonel Benny Kata, qui dirige la 474e brigade régionale du Golan, a déclaré au Times of Israel et à d’autres journalistes mercredi que ses forces et d’autres ont pénétré dans les anciens postes syriens à la suite des « développements rapides du week-end, où le régime est tombé », et parce que « ce qui s’est produit n’est pas clair ».
Le gouvernement syrien est tombé dimanche, mettant fin de manière stupéfiante aux 54 ans de règne de la famille Assad, après qu’une subite offensive rebelle a traversé les territoires tenus par le gouvernement et est entrée dans la capitale en 10 jours.
Hayat Tahrir al-Sham (HTS), le groupe rebelle le plus puissant, est l’ancienne branche d’Al-Qaïda en Syrie et est considéré par les États-Unis et d’autres pays comme une organisation terroriste. HTS, que les services de renseignement occidentaux connaissent bien, a pénétré dans la capitale Damas et dans d’autres villes du centre de la Syrie.
Mais contrairement à ce qui se passe avec HTS, la situation des rebelles dans le sud de la Syrie, à la frontière d’Israël, est beaucoup moins claire.
Dans le sud de la Syrie, le soulèvement rebelle a été mené par une coalition de diverses tribus druzes et de groupes d’opposition sous le nom de Southern Operations Room (salle des opérations du sud). La coalition rebelle n’a été créée que dans les jours qui ont précédé la chute d’Assad, et l’on sait peu de choses sur ses dirigeants et son idéologie.
« Il y avait des soldats syriens ici jusqu’au week-end, mais ils ont fui. Nous avons alors été contraints d’avancer ici et dans d’autres endroits et de prendre le contrôle de la zone, pour défendre les habitants du plateau du Golan et la frontière », a expliqué Kata.
Il a ajouté que l’armée israélienne s’efforçait « d’empêcher les groupes djihadistes de parvenir jusqu’ici et de franchir la clôture, tout comme nous nous sommes préparés jusqu’à présent contre l’axe iranien et ses mandataires. »
Par le passé, Israël a accusé à plusieurs reprises l’armée d’Assad d’aider activement le groupe terroriste du Hezbollah, soutenu par l’Iran, à se retrancher à la frontière, notamment au poste de Tel Kwdana.
L’armée israélienne avait prévu de pénétrer dans la zone tampon en cas d’attaque de la Syrie contre Israël, soutenue par l’Iran. Aujourd’hui, avec la chute du régime, les forces israéliennes sont mobilisées contre une autre menace potentielle, les groupes rebelles, qui, ironiquement, sont des ennemis acharnés du Hezbollah et de l’axe iranien.
Les groupes rebelles à la frontière « sont différents ; nous ne savons pas encore comment ils vont agir, et c’est pourquoi nous avons pris les positions clés », a déclaré Kata.
L’armée israélienne a déclaré que son déploiement dans la zone tampon et dans les positions stratégiques de la région était une mesure défensive et temporaire dans le contexte de la situation en Syrie, et qu’elle y resterait jusqu’à ce que la situation s’éclaircisse.
Au-delà de la zone tampon
L’armée a admis qu’elle opérait également du côté syrien de la zone tampon dans plusieurs secteurs, mais elle a souligné que cela était dû au relief et au terrain, et non à une offensive.
Des sources militaires ont déclaré que l’armée israélienne pourrait rester dans la zone tampon pendant « longtemps », voire des années. Toutefois, si l’armée israélienne reçoit l’ordre de partir, elle pourrait le faire dans un délai très court.
La zone tampon de 235 kilomètres carrés a été établie dans l’accord de désengagement de 1974 entre Israël et la Syrie, qui a conclu la guerre du Kippour, et est surveillée depuis des décennies par les forces de maintien de la paix de l’ONU. Cependant, Israël a déclaré qu’avec la chute du régime Assad, il considérait l’accord comme nul et non avenu jusqu’à ce que l’ordre soit rétabli en Syrie.
Tel Kwdana – situé en bordure de la ville du même nom – est techniquement à l’est de la zone tampon de plusieurs centaines de mètres, mais l’armée israélienne le considère comme un point stratégique dans la région et s’y est donc positionné. La colline surplombe les villes israéliennes de Keshet et de Yonatan sur le plateau du Golan.
Le poste de l’armée syrienne à Tel Kwdana semblait relativement primitif, avec des bunkers, des tranchées, des baraquements et des postes de garde. Hormis quelques missiles antichars et des piles de documents et de déchets, le poste avait été en grande partie vidé par l’armée de l’ancien régime.
Aujourd’hui, l’armée israélienne a transformé le site en son propre poste militaire, avec quelques améliorations telles que des générateurs, des réservoirs d’eau, des toilettes et des douches mobiles pour les troupes.
Le village situé en contrebas, Kwdana, ne semble guère perturbé par les actions de l’armée. On a vu des civils se promener à proximité des véhicules de l’armée israélienne.
« A Kwdana, comme d’autres villages, nous nous efforçons de minimiser les frictions avec la population locale. Il n’y a pas eu d’incidents inhabituels… nous ne perturbons pas leur routine quotidienne », a déclaré Kata.
Le commandant de la brigade régionale a également laissé entendre que l’armée travaillait sur des contacts avec les chefs dans le sud de la Syrie, et a rappelé l’existence d’un programme d’assistance humanitaire de l’armée israélienne aux ressortissants syriens près de la frontière entre 2013 et 2018.
« Si nous avons besoin de parler, d’apprendre à connaître les gens qui ont le pouvoir ici, nous savons comment le faire », a-t-il déclaré.
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