France/attentat en 1974 : Carlos à nouveau condamné à la prison à vie
Ilich Ramirez Sanchez, 68 ans, était connu dans les années 1970 pour une série d'attaques terroristes pro-palestiniennes à travers le monde

Le Vénézuélien Ilich Ramirez Sanchez, dit Carlos, 68 ans, a été condamné jeudi en appel à Paris à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’attentat meurtrier du Drugstore Publicis en 1974 dans la capitale française.
La figure du terrorisme « anti-impérialiste » des années 1970-80, qui a refusé de comparaître jeudi, a donc eu confirmation de la peine qui lui avait été infligée en mars 2017 pour avoir lancé une grenade dans le Drugstore Publicis, une galerie marchande parisienne, faisant deux morts et 37 blessés.
Après moins de deux heures de délibération, la cour d’assises spéciale, composée de magistrats professionnels en charge des crimes terroristes, a déclaré l’accusé « coupable ».
Près de 44 ans après les faits, en l’absence d’ADN ou d’aveux, l’avocat général Rémi Crosson du Cormier avait dit mercredi son « intime conviction » de la culpabilité de l’accusé.
« L’ensemble des éléments de l’enquête… permettent de dépasser le doute raisonnable » et désignent Carlos comme « l’auteur de l’attentat perpétré au Drugstore », pour le magistrat.
La défense du terroriste de la « résistance palestinienne » a dénoncé une « faillite de la justice », qui « n’a jamais suivi de piste alternative » à celle de la culpabilité de Carlos et condamné un homme en se fondant sur des preuves « fragiles » ou « manipulées ».
Me Francis Vuillemin avait appelé la cour à respecter « la loi du doute » qui doit profiter à l’accusé, « même s’il vous raconte des exécutions de sa main, même s’il est un tueur, même s’il a cet orgueil de décrire sa trajectoire d’une violence sans limite ».
Isabelle Coutant-Peyre, son avocate devenue sa compagne en détention, avait par avance dénoncé un procès qui « n’a pas de sens » et parié « à 100 % » sur une condamnation tant selon lui Carlos est « une enseigne, une marque commerciale, une franchise choisie par la police, par l’Etat français ».
« Condamnation inacceptable »
La seule surprise aura été le renoncement de Carlos, qui se plaît tant à tisser lui-même sa légende, à ses « derniers mots », pour protester contre ses conditions de détention au palais de justice.
Lui qui a usé, parfois cinq heures durant, de cette dernière parole donnée à l’accusé que nul n’a le droit d’interrompre, a choisi de ne pas revenir à la tribune pour son dernier procès.
Ultime pouvoir, celui de se taire. Au risque de décevoir les avocats turcs venus d’Istanbul pour le soutenir, le représentant du parti communiste russe ou les étudiants en droit présents dans la salle.
L’attaque du Drugstore, qui « marque le début du parcours criminel de Carlos en France » selon l’accusation, a eu lieu le 15 septembre 1974 à Paris, à 17H10 : une grenade lancée par un homme depuis le restaurant en mezzanine du Drugstore avait explosé dans la galerie marchande en contrebas.
Pour l’accusation, cet attentat visait à faciliter la remise en liberté d’un Japonais arrêté à Orly, membre de l’Armée rouge japonaise. Ce mouvement était proche d’une branche du groupe terroriste Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) dont Carlos était devenu l’un des bras armés en Europe.
La grenade jetée au Drugstore était, selon cette hypothèse, le moyen de pression choisi par Carlos pour accélérer la libération du révolutionnaire nippon. L’avocat général a rappelé que plusieurs témoignages étaient venus appuyer cette thèse, notamment celui d’un ancien compagnon d’armes repenti, Hans Joachim Klein, qui assure que Carlos lui a raconté avoir jeté une grenade.
Le magistrat a aussi estimé que le travail d’enquête avait permis de prouver que la grenade utilisée au Drugstore provenait « bien du même lot » volé en Allemagne que celles retrouvées chez une maîtresse de l’accusé et utilisées lors d’une prise d’otage à La Haye.
Il a également relevé la revendication de cette action par Carlos lui-même dans une interview parue fin 1979 dans le magazine El-Watan Al-Arabi. Entretien que l’intéressé a ensuite affirmé n’avoir jamais donné.
La défense avait, en vain, dénoncé la « manipulation » des preuves et ironisé sur la « mémoire magique de certains témoins ».
Ilich Ramirez Sanchez a cinq jours pour se pourvoir en cassation, un recours dont il usera « très probablement » ont déclaré ses avocats, après une « condamnation inacceptable ».