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Génocide des Roms : Rivesaltes, camp symbole de l’internement en France, se souvient

Près de 1 400 "Nomades" ont été enfermés à Rivesaltes en 1941-42, sur un total de quelque 17 500 internés, majoritairement des Espagnols ayant fui la dictature de Franco et des Juifs étrangers

Les ruines d'un ancien camp de réfugiés à Rivesaltes, dans le sud de la France, le 27 juillet 2024. (Crédit : Matthieu RONDEL / AFP)
Les ruines d'un ancien camp de réfugiés à Rivesaltes, dans le sud de la France, le 27 juillet 2024. (Crédit : Matthieu RONDEL / AFP)

Le Mémorial du camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), un des symboles de l’internement des « Nomades » en France dans les années 1940, rend hommage à cette histoire douloureuse, à l’occasion de la journée européenne de commémoration de l’Holocauste des Roms.

Vendredi, cérémonie, chants et conférences viendront marquer ce moment de souvenir sur le site d’un des principaux camps d’internement de ces « Nomades » mis en place en 1941-42 par le régime de collaboration de Pétain avec l’Allemagne nazie, un « lieu de mémoire important », a expliqué à l’AFP l’historien Ilsen About, alors qu’il « n’y a pas de mémorial national » de cet épisode en France.

La journée doit aussi mettre en avant l’exposition « Le camp des familles« , dédiée à la persécution des « Nomades », en place jusqu’en février et dont deux des trois commissaires sont aussi des « Voyageurs » : Jérôme « Gigi » Bonin, du Mémorial des Nomades de France, et William Acker, de l’Association nationale des gens du voyage citoyens.

« On a absolument voulu un travail en collaboration avec les Voyageurs d’aujourd’hui, et avec les descendants des communautés Rom, Sinti, Manouche, qui nous accompagnent », explique la directrice du Mémorial, Céline Sala-Pons, debout devant une photo exposée qui montre une personne mesurant la tête d’une « Nomade ».

Paroxysme

Des documents et coupures de presse rappellent que ces mesures servaient à établir le carnet anthropométrique, un document devenu obligatoire en 1912 pour ceux que l’Etat français appelait « Nomades », puis remplacé en 1969 par un livret de circulation, lui-même supprimé en 2017 : l’histoire d’un siècle de discrimination institutionnelle dont les années 1940 ont constitué un paroxysme.

Des plaques photographiques représentant des séances d’enregistrement anthropométrique de personnes identifiées comme membres de la communauté des gens du voyage sont exposées au musée du camp de Rivesaltes, dans le sud de la France, le 27 juillet 2024.(Crédit : Matthieu RONDEL / AFP)

« On est face à des Français citoyens pleins et entiers (qui) se retrouvent néanmoins avec un traitement à la foi juridique et administratif différencié », souligne François Lemartinel, guide-conférencier au Mémorial.

Sa voix qui porte raconte le camp à une trentaine de personnes assises dans le grand hall du Mémorial, un monolithe de béton partiellement enfoui et « un peu lourd sur la conscience », selon l’architecte Rudy Ricciotti, qui l’avait conçu pour « rappeler la mémoire du lieu ».

Ces visiteurs de tous les âges viennent de découvrir, à l’extérieur du bâtiment, sous un soleil de plomb, les anciens dortoirs où s’entassaient les personnes internées.

Battus par le vent, ces baraquements, dégradés mais encore debout, évoquent avec force la précarité des conditions de vie. D’autant que, dans d’autres anciens camps importants, comme Saliers (Bouches-du-Rhône) ou Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire), il n’en reste au mieux que des ruines.

« se battre pour le pain »

Près de 1 400 « Nomades » ont été enfermés à Rivesaltes en 1941-42, sur un total de quelque 17 500 internés, majoritairement des Espagnols ayant fui la dictature de Franco et des Juifs étrangers.

Des plaques photographiques représentant des séances d’enregistrement anthropométrique de personnes identifiées comme membres de la communauté des gens du voyage sont exposées au musée du camp de Rivesaltes, dans le sud de la France, le 27 juillet 2024. (Crédit : Matthieu RONDEL / AFP)

Plus de 80 ans plus tard, Louis Burkler, 86 ans, l’un des derniers anciens internés « nomades » encore en vie, évoque des scènes de tension liées à la pénurie de nourriture et restées gravées dans sa mémoire, malgré son jeune âge.

Il y a « des trucs qui marquent les enfants (…) Moi, j’ai vu ma mère se battre avec des femmes hongroises pour le pain », raconte-t-il à l’AFP.

En France, au moins 7 000 « Nomades » ont ainsi été internés et quelques centaines d’entre eux ont été déportés vers des territoires contrôlés par l’Allemagne nazie, rappelle Ilsen About.

Et, dans ces régions, essentiellement du centre de l’Europe, précise ce chercheur au CNRS spécialisé dans leur histoire, ce sont au moins 200 000 Roms, Sintis, Gitans ou Manouches, sur un total de quelque 1,5 million avant la Seconde Guerre mondiale, qui ont trouvé la mort au cours de ce que certains pays, comme l’Allemagne ou la Hongrie – mais pas la France – qualifient de génocide.

C’est aussi de cette tragédie que se souviendra Rivesaltes, à une date – le 2 août – qui marque le 80e anniversaire de l’extermination ce jour de 1944 de 3 000 tsiganes à Auschwitz-Birkenau, après une révolte au sein du camp.

Des commémorations sont également prévues pour cet anniversaire en Pologne ou à Strasbourg, au siège du Conseil de l’Europe.

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