Georges Perec, le plus inventif des écrivains français, entre dans la Pléiade
L'écrivain juif, dont le père est mort au front en 1940 et la mère à Auscwhitz en 1943, entre au patrimoine de la littérature française
Génie littéraire, souvent et justement considéré comme le plus inventif et le plus original des écrivains français, Georges Perec (1936-1982) fait enfin son entrée dans la Pléiade, 35 ans après sa disparition prématurée.
Deux volumes, à paraître le 11 mai, réunissent l’essentiel des livres parus du vivant de l’auteur des Choses (prix Renaudot en 1965) et de La vie mode d’emploi (prix Médicis en 1978).
Parallèlement à la sortie de ces deux volumes, la Pléiade propose un album, richement illustré (offert pour l’achat de trois livres de la prestigieuse collection) consacré à l’écrivain et redoutable verbicruciste que fut Georges Perec.
« L’œuvre de Perec est aujourd’hui devenue classique », souligne dans son introduction aux deux volumes de la Pléiade l’universitaire Christelle Reggiani qui a dirigé cette édition.
Claude Burgelin, autre spécialiste de l’œuvre de Perec qui pour sa part a rédigé l’album, compare l’écrivain au chat du Cheshire qui, dans « Alice au pays des merveilles », disparaît pour ne laisser derrière lui qu’un mystérieux sourire.
L’œuvre de Perec, membre de l’OuLiPo, le groupe littéraire où se sont côtoyés notamment Raymond Queneau et Italo Calvino, est multiple, insaisissable. Ses textes ont influencé de nombreux auteurs dont Michel Houellebecq.
Perec lui-même se voyait comme « un paysan cultivant plusieurs champs ». Dans Notes sur ce que je cherche (1978) il explique : « Les livres que j’ai écrits se rattachent à quatre champs différents, quatre modes d’interrogation qui posent peut-être en fin de compte la même question, mais la posent selon des perspectives particulières correspondant chaque fois pour moi à un autre type de travail littéraire. »
Ces quatre champs : sociologique, autobiographique, ludique, romanesque « ne s’excluent nullement les uns des autres », note Christelle Reggiani. « Versatile à l’extrême, l’œuvre de Perec met cette diversité thématique et formelle au service d’une ambition démesurée : explorer les choses, l’espace, la mémoire. »
L’écrivain orphelin
Les œuvres rassemblées dans les deux volumes sont classées par ordre chronologique. « Aucun de ses livres ne ressemble au précédent », s’émerveille Christelle Reggiani. On trouve ses textes les plus connus mais aussi d’autres qui le sont moins comme Un homme qui dort (1967), histoire sans histoire, troublante et fascinante.
On trouve évidemment La disparition (1969) un roman de plus de 300 pages sans qu’une seule fois apparaisse la lettre « e », la plus utilisée en français et son complément, Les revenentes (1972) où, au contraire, le « e » est la seule voyelle présente (au risque de bousculer l’orthographe).
Au-delà du virtuose de la langue, les lecteurs découvriront, avec Je me souviens (1978) et surtout l’émouvant W ou le souvenir d’enfance (1975), une part plus sombre de l’écrivain, orphelin de père à quatre ans et de mère à sept ans, longtemps sujet à la dépression.
Ses parents, juifs polonais installés en France à la fin des années 1920, ont eu un destin tragique. Le père de Perec, engagé volontaire, est mort sur le front en juin 1940.
Sa mère fut déportée et assassinée à Auschwitz en février 1943. Trois de ses grands-parents sont morts en déportation. Le jeune Perec fut adopté en 1945 par sa tante paternelle.
Dans W il raconte sans pathos cette enfance volée. « Moi, j’aurais aimé aider ma mère à débarrasser la table de la cuisine après le dîner. Sur la table, il y aurait eu une toile cirée à petits carreaux bleus […]. Puis je serais allé chercher mon cartable, j’aurai sorti mon livre, mes cahiers et mon plumier de bois… »
Au cœur de son œuvre, la mémoire, nous rappelle Perec, est lacunaire et fragile.
Souffrant d’un cancer du poumon, l’écrivain est mort le 3 mars 1982 à l’âge de 45 ans.
« A ce qui pourrait avoir l’allure d’une gageure – comment faire d’un orphelin juif d’origine polonaise un (grand) écrivain français ? – l’écriture répondra par l’éclatante réussite de l’œuvre, dont l’entrée dans la Pléiade entérine le caractère patrimonial », souligne Christelle Reggiani.
Les deux volumes de la Pléiade (respectivement 1 184 et 1 280 pages) sont vendus séparément (54 euros et 56 euros) ou en coffret (110 euros).
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