Hamas : « Nous disposons de ressources financières suffisantes »
"Dont une grande partie provient de l'Iran, et une autre partie provient de donateurs arabes et musulmans et de personnes libres du monde entier," a précisé Yahya Sinwar
Le chef du Hamas dans la bande de Gaza, Yahya Sinwar, a déclaré mercredi dans un communiqué au sujet de la reconstruction du territoire côtier qu’il dirige de facto après avoir chassé son rival du Fatah au prix d’une guerre fratricide en 2007, que le groupe terroriste « facilitera la tâche à tout le monde, et nous veillerons à ce que le processus soit transparent et équitable, et que chacun soit sûr qu’aucun centime (des fonds de reconstruction) n’ira au Hamas. »
« Nous disposons de ressources financières suffisantes… dont une grande partie provient de l’Iran, et une autre partie provient de donateurs arabes et musulmans et de personnes libres du monde entier qui sont solidaires de notre peuple et de ses droits, » a-t-il ajouté.
Le chef du Hamas à Gaza a aussi déclaré mercredi à des journalistes palestiniens que les combats entre le Hamas et Israël pourraient reprendre si la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem venait à être « violée ».
« L’occupation [Israël] doit le savoir, Al-Aqsa a des hommes qui la défendront », indique Sinwar.
« Ce qui s’est passé [les 11 jours d’hostilité avec Israël] n’est qu’un exercice de ce qui arrivera si Israël viole la mosquée d’Al-Aqsa », souligne Sinwar, qui a salué les émeutes arabes israéliennes au cours desquelles des Israéliens juifs et leurs biens et leurs synagogues ont été attaqués ces dernières semaines.
« Il était clair pour nos services de renseignement militaire qu’il s’agissait d’une tromperie, et qu’il n’y avait pas d’incursion terrestre », a aussi déclaré Sinwar au sujet d’une information relayée par l’armée lors de l’opération Gardien des murs, qu’Israël avait envoyé des forces terrestres dans Gaza afin de l’inciter à envoyer ses hommes dans les tunnels d’attaques du « métro ».
Il a en outre affirmé qu’il y a « 10 000 kamikazes en Israël » prêts à répondre à toute « violation » israélienne à Jérusalem.
Il a estimé que les Arabes israéliens « ont prouvé que la soi-disante ‘israélisation’, la tentative de les transformer en citoyens israéliens plutôt qu’en palestiniens, et la ‘coexistence’ sont tombées une bonne fois pour toutes ».
« Le plus grand cadeau qu’Israël puisse me faire est de m’assassiner », a-t-il enfin dit. « Je préfère mourir martyr d’un F-16 que mourir du coronavirus ou d’une [autre] maladie. »
Mardi à Jérusalem, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken en tournée au Proche-Orient a déclaré vouloir éviter que le Hamas, organisation considérée comme terroriste par les Etats-Unis et l’Union européenne, « bénéficie » de l’aide à la reconstruction de Gaza.
Israël, qui impose des restrictions sécuritaires terrestres et maritimes à l’enclave palestinienne depuis que le groupe a pris le contrôle de la bande, accuse le groupe armé d’avoir détourné l’aide internationale à des fins terroristes et a dit souhaiter un « mécanisme » international pour le contourner dans l’envoi des aides.
Le Qatar, fidèle bailleur de fonds du Hamas et hôte de certains de ses dirigeants comme Ismail Haniyeh, a de son côté annoncé mercredi une aide de 500 millions de dollars pour la reconstruction de la bande de Gaza.
« Selon les directives de sa majesté, cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, l’émir du Qatar, l’Etat annonce 500 millions de dollars (environ 410 millions d’euros) d’aide en soutien à la reconstruction de Gaza », a indiqué sur Twitter le ministre des Affaires étrangères du Qatar, cheikh Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani.
« Nous continuerons à soutenir nos frères en Palestine de façon à obtenir une solution juste et durable par l’établissement d’un Etat indépendant », a-t-il ajouté.
Après 11 jours d’un conflit armé avec Israël, le mouvement terroriste islamiste palestinien du Hamas a estimé avoir remporté une « victoire » après le cessez-le-feu conclu sous l’égide de l’Égypte, mais son principal succès est d’avoir marginalisé davantage ses rivaux de l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas.
Mais malgré les destructions, le nombre élevé de victimes et la mort de plusieurs de ses combattants, pourquoi le Hamas se sent-il tout de même « victorieux » ?
Deux raisons : il a renforcé son arsenal en dépit des restrictions sécuritaires israéliennes sur l’enclave et il a gagné le scrutin populaire qu’Abbas avait annulé car ce dernier savait qu’il allait le perdre – devenant de facto le représentant des Palestiniens, ici et pour la diaspora bien active, comme les manifestations de la Naqba anti-Israël l’ont montré à travers le monde.
Pendant le conflit déclenché le 10 mai suite au tirs de roquettes sur la capitale israélienne par le Hamas, plus de 4 300 roquettes ont été tirées par le Hamas, le Jihad islamique, un autre groupe terroriste palestinien soutenu par l’Iran à Gaza.
Le chef de la branche politique du groupe terroriste du Hamas, Ismail Haniyeh, a lui aussi estimé que son groupe avait remporté la « victoire de la résistance islamique » lors des récentes hostilités avec Israël.
Haniyeh, qui a aussi remercié l’Iran pour les fonds et les armements fournis à son groupe, a affirmé avoir déjoué les tentatives israéliennes de s’intégrer dans le monde arabe via les différents accords de normalisation conclus notamment avec les pays du Golfe.
« Cette bataille a détruit le projet de ‘coexistence’ avec l’occupation israélienne, ou le projet de ‘normalisation’ avec Israël », a commenté Haniyeh depuis le Qatar où il vit, se référant apparemment aux larges affrontements entre Arabes et Juifs israéliens et aux accords de paix conclus récemment avec quatre nations arabes.
« C’est une victoire offerte par Dieu… Ce coup dur va laisser un impact profond sur Israël », a-t-il poursuivi, ajoutant ultérieurement que « soit loué, Dieu, pour cette victoire magnifique et bénie ».
« Jérusalem est le cœur du combat… Gaza s’est soulevé pour défendre Jérusalem », a souligné Haniyeh.
« Gaza a porté le sabre de Jérusalem avec mérite et avec dignité, enseignant à l’ennemi une leçon qu’il n’oubliera jamais », a estimé Haniyeh.
« Il y a un soutien énorme du monde occidental et européen… même dans les capitales européennes », a-t-il affirmé, se référant aux manifestations qui ont commémoré la Naqba le 15 mai – hasard du calendrier ou pas.
Si Israël se bat actuellement pour restaurer les liens avec sa minorité arabe après les émeutes et après les attaques, il n’est pas évident que cette guerre ait nui à ses nouvelles relations avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc.
L’Égypte, autre nation arabe ayant conclu un accord de paix avec Israël, a aussi tenu un rôle majeur dans la négociation du cessez-le-feu et n’est pas connue pour avoir des liens très rapprochés avec le Hamas, issu des Frères musulmans que Le Caire combat vivement dans son territoire.
Alors que les médias égyptiens ont coutume de désigner l’enclave palestinienne de « foyer terroriste », le président Sissi a ordonné « exceptionnellement » la semaine dernière l’ouverture du terminal de Rafah pour permettre à des blessés de Gaza d’être traités dans des hôpitaux égyptiens, et pour faire passer de l’aide médicale.
Haniyeh a aussi juré de continuer à focaliser les efforts du groupe terroriste sur le mont du Temple, « jusqu’à la libération de la mosquée al-Aqsa ».
« Le Hamas a en partie choisi l’escalade par opportunisme politique, pour renforcer sa légitimité non seulement auprès de ses soutiens mais aussi auprès d’un public (palestinien) plus large », estime Hugh Lovatt, analyste au Conseil européen des relations internationales.
A couteaux tirés depuis que le Hamas a remporté les dernières élections générales palestiniennes en 2006 puis a chassé les combattants du Fatah laïc de Gaza l’année suivante, les deux principaux mouvements palestiniens avaient entrepris une (timide) réconciliation ces derniers mois.
Mais l’annulation par Abbas des premières élections palestiniennes en 15 ans, annoncées initialement pour le 22 mai, a provoqué la colère du Hamas qui a crié au « coup d’Etat ».
Le Hamas avait de grandes ambitions pour ce scrutin, dont celle « de se soulager du fardeau de la gouvernance » de la bande de Gaza, un territoire exigu où sont entassés quelque deux millions d’habitants et qui est miné par une pauvreté et un chômage aggravés par la pandémie de coronavirus, relève M. Lovatt.
Le Hamas se sert des cycles de violences pour obtenir des « concessions » d’Israël, comme un assouplissement des restrictions aux importations ou une hausse du nombre de permis de sortie accordés aux habitants, note l’analyste.
Face à un Mahmoud Abbas affaibli par des années passées à prôner des négociations avec Israël sans aucune avancée, le Hamas incarne ce qu’il appelle en permanence la « résistance » à Israël.
Joe Biden, lors de son premier discours suite au cessez-le-feu, a insisté pour tenter de remettre Abbas sur le devant de la scène : « Nous ferons cela en partenariat intégral avec l’Autorité palestinienne – et non pas le Hamas, mais bien l’Autorité palestinienne – de façon à ne pas permettre au Hamas de simplement reconstituer son arsenal militaire. »
Dans des vidéos diffusées sur les médias sociaux le 21 mai, des centaines de Palestiniens ont été vus en train de chanter contre le grand Mufti de Jérusalem, Mohammad Hussein, à l’intérieur de la mosquée Al-Aqsa, alors qu’il tentait de prononcer le sermon du vendredi.
Le rôle de Hussein est parrainé par l’Autorité Palestinienne, et dirigée par le Fatah, principal rival du Hamas.
On pouvait les entendre scander « Nous sommes les hommes de Mohammad Deif », à l’intention de Hussein, en soutien au chef de l’aile armée du Hamas, surnommé « l’insaisissable ».
Dans un mouvement de protestation qui a eu lieu toujours le 21 mai sur la place Al-Manara de Ramallah cette fois, des dizaines de drapeaux verts arborant une calligraphie en arabe ont pu être remarqués. Ces drapeaux sont largement considérés comme des symboles de l’islam politique, et sont souvent utilisés par les partisans du Hamas.
Les manifestants ont scandé des slogans saluant à leur tour Mohammad Deif, au cœur de la Cisjordanie, dominée par le Fatah.
« Sabre contre Sabre, nous sommes les hommes de Deif », ont-ils répété dans le centre-ville de Ramallah de Mahmoud Abbas – le vrai perdant.
L’AFP a contribué à cet article.