Herzog inaugure un nouveau musée de la Shoah à Amsterdam – des manifestants réclament son arrestation
Aux côtés du roi des Pays-Bas, le président israélien a inauguré le Musée national de la Shoah pour appeler à se souvenir des "horreurs nées de la haine", tandis que des militants l'accusaient de génocide
Le Musée national de la Shoah des Pays-Bas a ouvert ses portes, dimanche, lors d’une cérémonie présidée par le roi des Pays-Bas et le président israélien Isaac Herzog, dont la présence a déclenché des manifestations à l’initiative d’une organisation juive anti-sioniste locale demandant son arrestation pour crimes de guerre dans la bande de Gaza.
« Ce musée nous rappelle les conséquences dévastatrices de l’antisémitisme », a déclaré le roi des Pays-Bas, Willem-Alexander, lors d’une réunion solennelle dans la synagogue portugaise toute proche, à laquelle ont également assisté des Néerlandais rescapés de la Shoah ainsi que le Premier ministre Mark Rutte.
Le président Isaac Herzog a comparé l’antisémitisme et la haine que le peuple juif d’Europe a connus au XXe siècle à ceux qu’il connaît aujourd’hui, dans le sillage du massacre du Hamas, le 7 octobre 2023.
Herzog a déclaré que le musée envoyait « un message clair et puissant : souvenez-vous, souvenez-vous des horreurs engendres par la haine, l’antisémitisme et le racisme et ne leur permettez plus jamais de prospérer ».
« Malheureusement, plus jamais c’est aujourd’hui, en ce moment-même. À l’heure où je vous parle, la haine et l’antisémitisme fleurissent dans le monde entier et nous devons les combattre tous ensemble », a ajouté Herzog.
Il a demandé aux participants de se joindre à lui dans la prière pour les « victimes de la Shoah, et celles de la haine, du terrorisme et de l’antisémitisme, où qu’elles soient ».
Il a par ailleurs appelé à la « libération immédiate et en parfaite santé » des otages kidnappés par le Hamas lors des attaques du 7 octobre et invité la congrégation à « prier pour la paix ».
Un groupe anti-sioniste local se faisant appeler « Erev Rav » a déclaré dans un message sur X la veille de la cérémonie avoir dénoncé Herzog à la Cour pénale internationale et à la police néerlandaise « pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre contre le peuple palestinien », ajoutant : « Le fait que le président israélien utilise la Shoah pour se légitimer et légitimer le génocide qui a lieu en ce moment est répugnant. »
Des centaines de personnes se sont rassemblées dimanche, agitant drapeaux et banderoles palestiniennes aux cris de « Plus jamais ça, c’est maintenant », allusion au fait que, selon eux, Israël commet un génocide à Gaza. Ils ont hué et crié des slogans à l’arrivée des dignitaires au musée.
Le long du parcours, les manifestants avaient accroché des pancartes sur des lampadaires sur lesquelles on pouvait lire : « Détour par la Cour pénale internationale. »
Une autre organisation néerlandaise pro-palestinienne, le Forum des droits de l’homme, a qualifié la présence de Herzog de « camouflet aux Palestiniens qui ne peuvent qu’assister, impuissants, à l’assassinat de leurs proches et à la destruction de leur terre par Israël ».
Le Jewish Cultural Quarter, qui gère le musée, a déclaré par voie de communiqué quelque temps avant l’ouverture que Herzog représentait le pays devenu le foyer des Néerlandais rescapés de la Shoah ayant émigré en Israël, et que les homologues israéliens du musée d’Amsterdam avaient fourni des informations pour le musée néerlandais. »
Dans une allusion à l’animosité des groupes pro-palestiniens à propos de la présence de Herzog, le musée a déclaré : « Il est difficile d’avoir dû inaugurer le Musée national de la Shoah en pleine guerre entre Israël et Gaza. Malgré tout, nous espérons pouvoir tenir une cérémonie digne qui rendra justice à l’importance, au plan national et international, de notre musée.
La guerre a éclaté lorsque le Hamas a lancé un assaut dévastateur contre Israël qui a tué 1 200 personnes, essentiellement des civils. Les terroristes ont également enlevé 253 personnes qu’ils séquestrent depuis à Gaza. Israël a riposté par une campagne militaire destinée à détruire le groupe terroriste, le renverser du pouvoir à Gaza et libérer les otages, dont plus de la moitié sont toujours en captivité.
Selon un communiqué du cabinet de Herzog la semaine dernière, cette visite d’une journée donnera lieu à des initiatives pour tenter de faire libérer les otages et mettre en garde contre le regain d’antisémitisme depuis le début de la guerre.
Herzog fait partie de la liste des dirigeants israéliens cités dans une ordonnance de la Cour internationale de Justice, en janvier, les invitant à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher les morts, destructions et actes de génocide à Gaza. Herzog reproche à la Cour d’avoir déformé ses propos dans cette décision. Israël nie catégoriquement les accusations de l’Afrique du Sud selon lesquelles la campagne militaire à Gaza enfreignait les dispositions de la Convention sur le génocide.
« Je suis dégoûté de la façon dont ils ont déformé mes propos, en utilisant des citations très, très partielles et tronquées, dans le but de conforter une affirmation juridique infondée », déclarait Herzog quelques jours après cette décision.
En février, par voie de communiqué, le Jewish Cultural Quarter s’était dit « profondément alarmé par l’impact de la guerre aux Pays-Bas », ajoutant que « l’opposition binaire et l’utilisation d’arguments manifestement inconciliables… a répandu la haine envers les Juifs et l’islamophobie ».
Rappelant que la mission du musée était de « signaler les dangers de la déshumanisation et de l’exclusion de ceux avec qui nous vivons », il a ajouté qu’il était « d’autant plus troublant que le Musée national de la Shoah ouvre alors que la guerre continue de faire rage. Cela rend notre mission d’autant plus urgente ».
Le musée d’Amsterdam raconte l’histoire de quelques-uns des 102 000 Juifs déportés des Pays-Bas et assassinés dans les camps nazis, ainsi que celle de leur persécution organisée sous le joug allemand, lors de la Seconde Guerre mondiale, avant le début des déportations.
Les trois quarts de la population juive néerlandaise ont été assassinés par les nazis pendant la Shoah, soit la plus importante part de tous les pays d’Europe.
Écrivant dans le journal Volkskrant, Dani Dayan, président du Centre de mémoire de la Shoah Yad Vashem de Jérusalem, a déclaré que l’ouverture du musée néerlandais « [était] une étape importante », signe de « la reconnaissance par les Pays-Bas des ravages de la Shoah, en particulier sur la population juive néerlandaise ».
Dayan, qui devait également assister à la cérémonie d’ouverture, a noté : « Après tout ce temps, nous assistons une fois de plus à un regain d’antisémitisme et d’obscurantisme », allusion manifeste à la flambée d’antisémitisme enregistrée partout dans le monde depuis le début de la guerre contre le Hamas, pour l’essentiel exprimée par des militants pro-palestiniens.
Le musée est installé dans une ancienne école normale utilisée comme cachette pour près de 600 enfants juifs qui ont pu échapper aux griffes des nazis.
Dans les collections figure la photo prise à Bergen-Belsen, après la libération des camps, d’un garçon en train de passer devant des corps et des souvenirs de vies sacrifiées : une poupée, une robe orange fabriquée à partir de toile de parachute et une collection de dix boutons retrouvés dans l’enceinte du camp de Sobibor.
Les murs d’une salle sont entièrement recouverts des centaines de lois discriminatoires envers les Juifs promulguées par les occupants allemands aux Pays-Bas, ceci dans le but de montrer comment le régime nazi, aidé par des fonctionnaires néerlandais, avait déshumanisé les Juifs avant les rafles.