Hommages à David Levy, qui a ouvert la voie aux séfarades en politique
L'ex-ministre des Affaires étrangères, qui s'est éteint le 2 juin, à l’âge de 86 ans, a été salué pour sa lutte en faveur des communautés mizrahim, souvent défavorisées
Des personnalités issues des deux bords de la scène politique israélienne ont salué l’ancien ministre du Likud, David Levy, comme un précurseur qui a attiré l’attention sur les communautés séfarades – ou mizrahim – mal loties d’Israël, regrettant sa disparition dimanche.
Levy, qui est décédé dimanche à l’âge de 86 ans après une carrière de trois décennies durant laquelle il a été ministre des Affaires étrangères à trois reprises, a été salué par le Premier ministre Benjamin Netanyahu comme quelqu’un qui s’est battu pour l’égalité des chances des immigrants issus des communautés d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, à l’instar de Levy lui-même.
« David, né au Maroc, est parvenu à tracer son chemin de ses deux mains dans la vie », a déclaré Netanyahu. « Au niveau national, il a marqué le monde politique de son empreinte personnelle, tout en s’occupant de populations vulnérables qui connaissaient l’adversité. »
Tout au long de sa carrière, Levy a joué un rôle central dans l’élimination des obstacles sociaux et économiques à la participation politique des mizrahim dans les années 1970 et 1980, en plus de consolider la base électorale des séfarades issus de la classe ouvrière du Likud, qui subsiste jusqu’à aujourd’hui.
Levy a développé son influence à Beit Shean, une ville en développement située loin du centre économique d’Israël et abritant une importante communauté de Juifs marocains. Son fils Jackie Levy y a été maire de 2003 jusqu’au début de cette année, après un mandat de cinq ans à la Knesset.
Les efforts qu’il a déployés pour aider les communautés mizrahim à constituer une base électorale puissante et pour leur garantir des avantages économiques après des années de discrimination systémique de la part de l’élite ashkénaze – des Juifs ayant immigré d’Europe de l’Est – du pays constituent peut-être l’aspect le plus durable de son héritage.
« Il a apporté à la Knesset la voix et la représentation des villes en développement qui en étaient si dépourvues, et dans sa lutte pour une société plus juste et plus équitable, il est devenu un symbole israélien important de son vivant », a déclaré Yaïr Lapid, chef de l’opposition.
Lapid a fait l’éloge de Levy comme l’un des « leaders les plus exceptionnels et les plus novateurs d’Israël ».
La ministre de l’Egalité, May Golan (Likud), a écrit sur X que « Levy a été la première personne courageuse à briser le plafond de verre et à s’élever vers les plus hauts sommets ».
De même, le ministre d’extrême-droite de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a fait l’éloge de Levy pour la route qu’il a parcourue « géographiquement et socialement », afin de montrer le chemin « pour lui-même et pour beaucoup d’autres ».
Levy a longtemps été un pilier du Likud, qu’il n’a quitté qu’en 1993 pour créer le parti rival Gesher (« pont » en hébreu), après plusieurs tentatives infructueuses pour obtenir la direction du Likud, bien qu’il ait renoué avec le Likud en 1996.
Bien qu’il soit l’une des figures de proue du parti phare de la droite, il a souvent été considéré comme plus modéré que de nombreux autres hommes politiques du Likud, et s’est opposé à ce qu’il avait appelé le
« déchaînement et le hooliganisme » de nombreux membres de la droite pendant la période qui a précédé l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin en 1995.
« Lui et moi n’étions évidemment d’accord sur rien », a écrit l’ancienne dirigeante du Meretz, Zehava Galon. « Il était un Likudnik, un féru d’affaires politiques, et il se battait pour ce en quoi il croyait. Pendant la majeure partie de sa vie politique, il a fait l’objet de railleries racistes […] Peu d’hommes politiques juifs en Israël ont subi un tel acharnement et y ont résisté avec autant d’élégance et de patience. »
« Il était bien plus grand que ceux qui se sont moqués de lui, et son nom vivra bien après eux », a-t-elle ajouté.
Un récent reportage à la télévision israélienne montrait en effet les nombreuses moqueries et railleries à son égard.
La députée Naama Lazimi (Avoda), elle-même d’origine juive marocaine, a également fait l’éloge de Levy et a déploré ce qu’elle a appelé l’absence de personnes de sa trempe dans le paysage politique actuel.
« En 1998, dans un geste inimaginable de nos jours, il a quitté le gouvernement et claqué la porte derrière lui parce que le budget de l’État ne prenait pas suffisamment en compte les communautés les plus défavorisées. C’était une époque différente, avec des normes auxquelles nous devons revenir », a-t-elle déclaré, rappelant que Levy était une source d’inspiration pour « tous ceux qui ont grandi dans la périphérie et qui ont osé faire de grands rêves ».
Levy a d’abord gagné sa vie en travaillant dans les kibboutzim à dominante ashkénaze de la région. Son entrée dans le monde politique est le résultat direct de ses activités d’organisation du travail, à commencer par une grève qu’il a organisée contre les dirigeants des kibboutzim jusqu’à ce qu’ils garantissent à leurs travailleurs de l’eau potable et froide à boire.
Dans une déclaration publiée en ligne, le Mouvement des kibboutzim a indiqué que malgré les différences entre l’idéologie de Levy et celle de nombreux kibboutznikim israéliens de gauche, il était « très apprécié dans les kibboutzim pour son engagement dans les questions sociales qu’il défendait avec dévouement, sa modération politique et son courage public, y compris son soutien au processus de paix entre Israël et les pays arabes ».
Le mouvement de protestation « Frères et sœurs en armes », qui a cherché à faire tomber le gouvernement actuel dirigé par le Likud, a également fait l’éloge de Levy comme quelqu’un qui a toujours représenté « ceux dont la voix n’est pas entendue ».
Levy a également été salué pour son mandat de ministre des Affaires étrangères, à partir de 1990, au cours duquel Israël a renoué des relations avec de nombreux pays, dont la Chine et ce qui était alors l’Union soviétique. Il était ministre des Affaires étrangères lors de la Conférence de Madrid en 1991, qui a contribué à lancer le processus de paix israélo-palestinien, bien qu’il n’y ait pas participé.
« En tant que ministre des Affaires étrangères et vice-Premier ministre, David a contribué à établir des relations diplomatiques avec des pays qui avaient évité de le faire pendant les années de la guerre froide », a déclaré Netanyahu.
« Nous n’étions pas toujours d’accord sur tout, mais j’ai toujours admiré son sens de la mission », a ajouté le Premier ministre, reconnaissant les désaccords qui ont émaillé ses relations politiques avec Levy, notamment la période durant laquelle Levy avait refusé de reconnaître la position de Netanyahu en tant que leader du Likud.
L’histoire de la vie de Levy est une « incroyable expression d’un véritable leadership social et une source d’inspiration, qui reflète le beau visage de l’israélité […] son langage riche et unique a été une voix distincte pour les villes de développement et la périphérie pendant des décennies », a déclaré le président Isaac Herzog.
« Il restera dans l’Histoire d’Israël comme un symbole de l’unité nationale et de l’action sociale novatrice qui a laissé une véritable empreinte sur la société et le pays », a ajouté le président.
« J’ai eu le privilège de travailler avec lui et d’apprendre de sa sagesse et de son expérience. »