Instabilité économique : Israël approuve des avantages fiscaux pour la high tech
La "loi sur les anges" garantit des exonérations fiscales aux investisseurs qui injectent des fonds dans des startups et des avantages aux banques étrangères qui octroient des prêts
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.

Alors que les troubles politiques actuels et l’incertitude persistante autour de la refonte judiciaire controversée alimentent les craintes de voir les entrepreneurs issus de la haute technologie fuir le pays, Israël cherche à encourager les investissements dans les entreprises de la high tech.
La semaine dernière, la Knesset a approuvé une loi baptisée « loi sur les anges », qui accorde certains avantages fiscaux aux investisseurs – aussi appelés business angels – dans les entreprises israéliennes de haute technologie, ainsi que des incitations à l’acquisition ou à la fusion avec des startups si la propriété intellectuelle est enregistrée en Israël et si elles opèrent dans le pays.
Le gouvernement a déclaré que l’objectif de cette loi était de préserver l’attractivité d’Israël pour les investissements dans les entreprises technologiques et de soutenir le développement de la précieuse industrie. Cette loi, adoptée en première lecture en 2022, a fait l’objet d’avancées au cours des deux dernières années.
L’approbation finale de ce texte est intervenue au lendemain de l’adoption par la coalition de sa loi sur la limitation de la notion de « raisonnabilité », et ce, en dépit des protestations massives dans le pays, des critiques des alliés et de l’échec à parvenir à un large consensus avec les partis de l’opposition. À la suite de l’adoption de ce premier pan de la refonte judiciaire promue par le gouvernement, les agences mondiales de notation, Moody’s Investors Service et Standard & Poor’s, ont émis la semaine dernière des avertissements signalant que l’agitation politique continue autour de la refonte judiciaire largement controversée faisait peser des risques sur la croissance économique et la stabilité au sein de la société en Israël.
Moody’s s’est inquiété de l’effondrement des investissements en capital-risque dans les entreprises technologiques locales au cours du premier semestre de l’année depuis la présentation du programme judiciaire. L’agence de notation a aussi cité des données indiquant que 80 % des nouvelles entreprises israéliennes ont choisi de s’enregistrer à l’étranger au cours de la même période.
« Cette situation est d’autant plus préoccupante que le secteur des hautes technologies dans le pays est devenu le principal moteur de la croissance économique. Il représente la moitié des exportations totales et génère environ 15 % du PIB en 2022 », a rappelé Moody’s.

Ittai Ben-Zeev, directeur général de la Bourse de Tel-Aviv, a ajouté que tout plan visant à renforcer l’économie israélienne deviendrait inefficace si les agences venaient à réduire la note de crédit favorable du pays. Ben-Zeev a exhorté le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre des Finances Bezalel Smotrich à agir pour rétablir la confiance, faute de quoi Israël serait confronté à une « crise financière comparable à celle du Royaume-Uni ».
« Dans une période aussi difficile, où les investisseurs évitent Israël en raison de l’incertitude politique, tout avantage fiscal apporte une légère amélioration de l’atmosphère et de l’humeur actuelles et un peu d’espoir pour l’investissement providentiel dans les startups qui opèrent déjà dans le pays », a déclaré Ofer Ben-Noon, investisseur et cofondateur de Talon Cyber Security, au Times of Israel. « Les avantages sont bons, mais le problème est qu’actuellement les startups ne sont pas enregistrées en Israël. »
« Je ne recommanderais à aucun entrepreneur de fonder une entreprise en Israël en ce moment parce que le niveau de risque local est beaucoup plus élevé par rapport à l’établissement au Delaware », a déclaré Ben-Noon, qui est également le cofondateur d’Argus Cyber Security, une société vendue à Continental AG, un constructeur automobile allemand, en 2018.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a salué l’adoption de la loi sur les investisseurs comme un catalyseur « conçu pour relancer l’industrie israélienne de la haute technologie ».
« Elle permettra une série d’avantages, notamment le report du paiement de l’impôt sur les plus-values, des crédits d’impôt pour les investisseurs privés, la reconnaissance des investissements en actions en tant que dépenses reconnues et l’exonération fiscale des intérêts pour les investisseurs étrangers », a déclaré Netanyahu dimanche.
Plus précisément, l’objectif de ces avantages fiscaux est d’attirer les investissements vers les jeunes entreprises qui en sont aux premiers stades de la recherche et du développement (R&D) et qui présentent généralement un risque plus élevé pour les investisseurs. Les entreprises en phase de démarrage recherchent souvent des investisseurs stratégiques qui ont une expérience du marché technologique et qui peuvent soutenir le développement et la croissance de l’entreprise, en particulier dans les phases initiales.

La loi prévoit notamment un avantage fiscal pour les investisseurs privés qui injectent de l’argent dans des entreprises en phase d’amorçage et de pré-amorçage qui mènent des activités de R&D. Le crédit d’impôt sera limité à un million d’euros par an. Le crédit d’impôt sera limité à un investissement de 4 millions de shekels par investisseur et par entreprise.
La loi prévoit également un report de l’impôt sur les plus-values réalisées par les actionnaires qui vendent une entreprise technologique et réinvestissent une partie du produit de la vente dans des entreprises en phase de démarrage.
Afin d’encourager les fusions et acquisitions, les sociétés qui acquièrent des entreprises technologiques locales pourront bénéficier d’un allègement fiscal sur une période de cinq ans.
« Cela signifie qu’il sera effectivement moins coûteux d’acquérir des startups et cela vise à motiver les acheteurs potentiels, en particulier les acheteurs étrangers », a expliqué Ben-Noon.
La loi accorde également aux institutions financières étrangères, y compris les banques, une exonération d’impôt sur leurs revenus provenant d’intérêts, de frais ou de différences de liaison pour les prêts qu’elles offrent aux entreprises technologiques israéliennes. L’objectif de cette exonération est de réduire les coûts des startups israéliennes pour obtenir des crédits auprès des banques étrangères.
Par ailleurs, les startups locales se retrouvent à court de fonds, car la levée de capitaux au premier semestre de l’année a plongé de 73 % , soit 3,2 milliards de dollars contre 12 milliards de dollars au premier semestre de 2022, selon les données de la société de capital-risque Viola publiées ce mois-ci. C’est le montant le plus bas enregistré depuis au moins 2018.

La baisse des investissements dans le secteur technologique s’est observée à l’échelle mondiale, bien qu’à un rythme plus lent. Au cours des six premiers mois de l’année, l’activité de financement mondiale a chuté de 50 %, soit 168 milliards de dollars par rapport aux 333 milliards de dollars levés au cours de la même période en 2022 et aux 348 milliards de dollars au premier semestre 2021.
« Dans le contexte de la crise mondiale, vous pouvez déjà constater une reprise des investissements dans la haute technologie et le gouvernement israélien prend une mesure importante et significative pour continuer à renforcer et à développer la haute technologie israélienne », a assuré Smotrich. « Je continuerai à me tenir aux côtés des startups et des entreprises de haute technologie israéliennes pour trouver les canaux et les voies qui permettront de continuer à renforcer ce secteur important. »
Le ralentissement mondial des investissements dans la technologie qui a débuté au second semestre 2022 a été exacerbé par l’inflation mondiale, les taux d’intérêt qui ont été relevés pour freiner la croissance des prix et la faiblesse des marchés boursiers. Par ailleurs, les modifications du système judiciaire proposées par le gouvernement israélien au début de l’année ont déclenché des manifestations de masse dans l’ensemble du pays au cours des sept derniers mois.
De nombreux cadres et employés du secteur technologique ont pris part à ces manifestations car ils craignent que la refonte judiciaire ne sape le système de freins et de contrepoids d’Israël et ne menace son caractère démocratique, ce qui, à son tour, risque de faire fuir les investissements étrangers.
« Tant qu’Israël est perçu, à l’étranger, comme moins démocratique qu’il y a quelques mois et que les décisions sont prises sans large consensus, les investisseurs réfléchiront à cinq fois avant d’investir dans le pays », a déclaré Ben-Noon. « En tant que fondateur d’une entreprise de cybersécurité, j’envisage de déménager, car je dois peser le pour et le contre, et pour l’instant, l’instabilité ne fait pas pencher la balance du côté du pour ».
« Israël doit rétablir la stabilité et regagner la confiance. »