Isaac Herzog : Israël est « extrêmement reconnaissant » de l’amitié des États-Unis
Lors de son discours ce mercredi au Congrès, le président a évoqué la relation entre les deux pays, l'Iran, la réforme judiciaire en Israël, les Accords d'Abraham...
Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël
WASHINGTON – Le président Isaac Herzog est entré ce mercredi au sein de l’hémicycle du Congrès américain, à Washington, sous les applaudissements des sénateurs. Accompagné d’un groupe bipartisan de législateurs, il a serré des mains en se dirigeant vers l’estrade.
Il a démarré son discours en évoquant son séjour à New York, dans sa jeunesse, où il a découvert la profondeur du « lien forgé entre le peuple des États-Unis et le peuple d’Israël ».
« Les nations que nous avons construites ont surmonté tant de perte. À quel point nos histoires se complètent – ce chemin que nous avons parcouru tous ensemble », a déclaré Herzog.
S’adressant au président de la Chambre des Représentants, Kevin McCarthy, Herzog a déclaré que son discours à la Knesset en mai avait « honoré le peuple israélien ».
« Votre sincère expression d’amitié au nom des États-Unis d’Amérique a véritablement trouvé un écho auprès des Israéliens », a déclaré Herzog.
Il a également remercié la vice-présidente Kamala Harris. « Les propos émouvants que vous avez tenus lors de la réception organisée par l’ambassade d’Israël à l’occasion du Jour de l’Indépendance, il y a quelques semaines, reflètent l’amitié indéfectible qui vous lie, vous et le président Biden, à Israël depuis des décennies. »
Il a ensuite remercié l’ancienne présidente de la Chambre des Représentants, Nancy Pelosi, le sénateur Chuck Schumer et le chef de la minorité du Sénat, Mitch McConnell, ainsi que le chef de la minorité de la Chambre des Représentants, Hakeem Jeffries.
Herzog a déclaré que son « âme débordait de fierté et de joie ».
« Le peuple d’Israël est infiniment reconnaissant pour l’ancienne promesse accomplie et pour les liens d’amitié que nous avons noués. »
En présence du petit-fils du président américain Harry Truman, Clifton Truman Daniel, Herzog s’est remémoré la rencontre entre Truman et son grand-père, le grand rabbin Yitzhak Isaac Halevi Herzog, en 1949.
« Le rabbin Herzog l’a remercié d’avoir été le premier dirigeant mondial à reconnaître officiellement l’État d’Israël – 11 minutes après sa fondation. Il a parlé de la providence divine qui a destiné le président Truman à contribuer à la renaissance d’Israël, après 2 000 ans d’exil. Les témoins de cette rencontre se souviennent des larmes qui coulaient sur les joues du président Truman. »
Herzog a ensuite évoqué la diversité et la culture innovante d’Israël.
« Contre toute attente, le peuple juif est rentré chez lui et a construit un foyer national, qui est devenu cette belle démocratie israélienne, une mosaïque de Juifs, de musulmans, de chrétiens, de druzes et de circassiens, laïcs, traditionnels et orthodoxes, de toutes les confessions et de tous les points de vue et styles de vie possibles », a-t-il fièrement déclaré.
« Une terre qui a accueilli le rassemblement d’exilés de cent différents pays. Une terre qui est devenue la ‘Start-up Nation’ – un centre d’innovation et de créativité, d’action sociale et de découverte intellectuelle, d’éveil spirituel et d’entreprises commerciales, d’ingéniosité scientifique et de percées médicales salvatrices. »
Alors que la Maison Blanche a exprimé à plusieurs reprises son inquiétude quant à un risque d’érosion de la démocratie israélienne et au fait que le gouvernement Netanyahu s’efforce de limiter le pouvoir de la Cour suprême, le président Herzog a souligné devant le Congrès qu’Israël est « un pays fier de sa dynamique démocratique, de sa protection des minorités, des droits de l’Homme et des libertés civiles, tels qu’ils sont définis par son Parlement, la Knesset, et sauvegardés par une Cour suprême forte et un pouvoir judiciaire indépendant ».
Il a souligné qu’Israël est un « État fondé sur l’égalité complète des droits sociaux et politiques pour tous ses habitants, sans distinction de religion, de race ou de sexe – comme le stipule explicitement la Déclaration d’Indépendance d’Israël », des commentaires accueillis par un tonnerre d’applaudissements.
Herzog a également évoqué la menace iranienne, la qualifiant de plus grand défi auquel les États-Unis et Israël sont confrontés.
« L’Iran ne cherche pas à obtenir de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. L’Iran se dote de capacités nucléaires qui constituent une menace pour la stabilité du Moyen-Orient et au-delà. »
Il a ajouté que l’Iran s’étendait au-delà du Moyen-Orient, « ajoutant du carburant à l’incendie désastreux et à la souffrance en Ukraine ».
Il a estimé qu’il était inacceptable de permettre à l’Iran de devenir un État au seuil nucléaire.
« Le monde ne peut rester indifférent à l’appel du régime iranien à rayer Israël de la carte. Tolérer cet appel et les mesures prises par l’Iran pour le réaliser est un effondrement moral inexcusable. »
Il a appelé Israël et les États-Unis à agir ensemble « avec force » pour arrêter l’Iran.
« L’État d’Israël est déterminé à empêcher l’Iran de se doter d’armes nucléaires. »
Le président israélien a ensuite évoqué les Accords d’Abraham, en commençant par évoquer les traités plus anciens conclus avec l’Égypte et la Jordanie.
« Il s’agit d’une paix ancrée dans la confiance, l’espoir et la prospérité », a-t-il déclaré au sujet des Accords d’Abraham.
« C’est un véritable changement de donne. Chacun de ces accords historiques, qui ont modifié la trajectoire du Moyen-Orient, a été facilité par notre plus grand ami, les États-Unis d’Amérique. »
Il a qualifié l’Arabie saoudite de nation leader dans la région et dans le monde musulman, et a remercié les États-Unis d’avoir œuvré en faveur d’un accord de paix avec Israël.
« Nous prions pour que ce moment arrive », a-t-il déclaré sous les applaudissements. « Ce serait un énorme changement dans le cours de l’histoire au Moyen-Orient et dans le monde entier. »
Herzog a également parlé de la paix avec les Palestiniens, qu’il a qualifié de « profond désir », sous des vifs applaudissements. Il a affirmé qu’Israël avait fait « d’ambitieuses » propositions aux Palestiniens.
Il a ensuite ajouté que le terrorisme sapait toute possibilité de paix.
« Les Israéliens sont pris pour cible alors qu’ils attendent un bus, qu’ils se promènent, qu’ils passent du temps avec leur famille. Dans le même temps, les attaques terroristes réussies sont célébrées, les terroristes sont glorifiés et leurs familles sont financièrement récompensées pour chaque Israélien qu’ils attaquent. C’est inconcevable. C’est une honte morale. »
« Il ne s’agit pas de fonctionner en harmonie, mais de s’appuyer sur l’histoire que nous partageons, sur les vérités que nous chérissons, sur les valeurs que nous incarnons », a-t-il déclaré.
« Ce partenariat repose également sur les similitudes et les affinités entre nos peuples, les immigrants courageux et les pionniers avant-gardistes. Il est profondément enraciné dans nos déclarations d’indépendance respectives. »
« Israël et les États-Unis défendent – et ont toujours défendu – les mêmes valeurs. Nos deux nations sont toutes deux des sociétés diversifiées et respectueuses de la vie, qui défendent la liberté et l’égalité. Au fond, nos deux peuples cherchent à réparer les fissures de notre monde. »
Herzog a reconnu que la nouvelle génération, qui ne se souvient pas des années de création de l’État d’Israël, pouvait considérer cette relation comme acquise.
« Nous avons l’occasion de réaffirmer et de redéfinir l’avenir de nos relations », a-t-il déclaré. « Chacun d’entre nous ici a un rôle décisif à jouer dans l’avenir que nous construisons. »
Il a ajouté que les deux pays étaient confrontés à des menaces similaires et qu’ils devaient chercher des solutions ensemble.
« Pour nous, il est clair que l’Amérique est irremplaçable pour Israël et qu’Israël est irremplaçable pour l’Amérique. Il est temps de concevoir la prochaine étape de l’évolution de notre amitié et de notre partenariat croissant. »
Le président a reconnu que certains membres du Congrès étaient critiques à l’égard d’Israël.
« Je respecte les critiques, en particulier celles émanant d’amis, même s’il n’est pas toujours nécessaire de les accepter », a-t-il déclaré, sous les applaudissements et les rires de l’auditoire.
« Mais la critique d’Israël ne doit pas aller jusqu’à la négation du droit à l’existence de l’État d’Israël », a-t-il ajouté, sous des applaudissements nourris et prolongés.
« Remettre en question le droit du peuple juif à l’auto-détermination n’est pas de la diplomatie légitime, c’est de l’antisémitisme. »
Le président Herzog a aussi directement abordé la question de la réforme du système judiciaire en Israël, la qualifiant « d’hommage le plus clair à la force d’âme de la démocratie israélienne ».
Il a déclaré que la démocratie israélienne « avait toujours été fondée sur des élections libres et équitables, sur le respect du choix du peuple, sur la sauvegarde des droits des minorités, sur la protection des libertés humaines et civiles, et sur un système judiciaire fort et indépendant ».
Herzog estime que la démocratie se reflète également dans les manifestations de masse contre la refonte judiciaire qui ont lieu en Israël depuis maintenant plus de six mois.
« Je suis bien conscient des imperfections de la démocratie israélienne et des questions posées par le plus grand de nos amis », a-t-il déclaré.
« Le débat important qui a lieu en Israël est douloureux et profondément troublant, car il met en évidence les fissures de l’ensemble. »
En même temps, il a souligné qu’il avait « une grande confiance » dans la démocratie israélienne.
« Israël a la démocratie dans son ADN. »
« En tant que nation, nous devons trouver le moyen de nous parler, quel que soit le temps que cela prendra », a-t-il ajouté.
« En tant que chef d’État, je continuerai à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour parvenir à un large consensus public et pour préserver, protéger et défendre la démocratie de l’État d’Israël. »
« Israël et les États-Unis seront inévitablement en désaccord sur de nombreux sujets », a-t-il reconnu.
« Mais nous resterons toujours une famille », a-t-il déclaré sous un tonnerre d’applaudissements.
« Nos sociétés [évolutives] ont tant à donner au monde et tant à apprendre l’une de l’autre. Notre lien peut parfois être mis à rude épreuve, mais il est absolument indéfectible. »
« Que Dieu bénisse l’État d’Israël et les États-Unis d’Amérique ! », a conclu Herzog.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a réagi peu après le discours. Il a qualifié cette prise de parole du président Herzog « d’important discours du président du pays (…) qui a exprimé notre position forte et décisive contre l’Iran ».
« Ensemble nous nous tiendrons debout, ensemble nous gagnerons », a écrit Netanyahu sur Twitter.
Le chef de l’opposition Yaïr Lapid a félicité Herzog pour son discours, affirmant qu’il avait montré « le beau visage de l’Israël démocratique et souligné nos valeurs communes : l’égalité des droits, la liberté d’expression, la séparation des pouvoirs et l’indépendance du système judiciaire ».