Israël-Hamas et la crise de l’information (ou de la désinformation) sur X/Twitter
Le temps où la plateforme était un réel outil pour recueillir et diffuser des informations fiables, ou encore coordonner des secours d’urgence en temps de crise semble révolu
Lors du Printemps arabe au début des années 2010, Twitter a joué un rôle crucial comme source d’information en temps réel. En comparaison, la guerre entre Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas illustre à quel point la plateforme, rebaptisée X, est devenue un espace où se propagent le doute, la désinformation et les messages de haine.
Depuis que le milliardaire Elon Musk en est devenu propriétaire, Twitter a fortement réduit ses capacités de modération des contenus et a restauré des comptes de personnes jugées extrémistes, qui en étaient précédemment bannies.
Twitter sous Musk a surtout autorisé les utilisateurs à s’acheter une « coche bleue », synonyme de compte vérifié, une spécificité qui permettait autrefois d’identifier les sources authentiques.
Enfin, la plateforme offre la possibilité à ses utilisateurs de tirer des bénéfices de publications virales, même si elles sont inexactes.
Résultat : qu’il semble déjà loin le temps où la plateforme était un outil essentiel pour recueillir et diffuser des informations fiables, ou par exemple coordonner des secours d’urgence en temps de crise.
La guerre entre Israël et le Hamas, générant un torrent de nouvelles sombres et extrêmement sensibles, a d’emblée été vu comme le premier véritable test pour la version Musk de Twitter, confrontée à une crise majeure.
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« Guerre test » pour la fiabilité de l’information
Et, pour de nombreux experts, les pires craintes se sont confirmées, à savoir que les réformes récentes de la plateforme ont rendu très difficile la distinction entre vérité et fiction.
« Cela donne à réfléchir, mais ce n’est pas surprenant de voir que les décisions imprudentes de M. Musk exacerbent la crise de l’information sur Twitter concernant le conflit déjà tragique entre Israël et le Hamas », confie à l’AFP Nora Benavidez, de l’organisation Free Press.
Depuis l’assaut sanglant du Hamas le 7 octobre, la plateforme est inondée de vidéos et d’images violentes – certaines réelles, mais beaucoup sont fausses, truquées, et volontairement trompeuses – datant de plusieurs années et enregistrées dans des lieux totalement différents.
En l’absence de garde-fous, il est devenu « très difficile pour le public de distinguer les faits de la fiction » et cela a envenimé « les tensions et les divisions entre les communautés », ajoute cette experte.
Mardi, l’explosion d’un hôpital dans la bande de Gaza suite à un tir de roquette manqué par le Jihad islamique en a offert une illustration édifiante : de multiples faux comptes soi-disant certifiés ont semé la confusion, diffusant des images de conflits passés, colportant des conclusions hâtives sur des vidéos non vérifiées, etc.
Messages incendiaires
Beaucoup de messages censés émaner de sources officielles ou de médias d’information ont attisé les passions avec un ton incendiaire.
Des chercheurs en désinformation ont par exemple averti que de nombreux utilisateurs, induits en erreur, considéraient comme une source israélienne officielle un compte militant nommé « Israel War Room », marqué d’une coche dorée censée indiquer un compte officiel.
De son côté, la chaîne qatarie Al-Jazeera a prévenu qu’elle n’avait « aucun lien » avec un compte basé au Qatar qui affirmait faussement lui être affiliée.
« Il est devenu incroyablement compliqué de naviguer dans le torrent de l’information : il y a un cycle d’informations incessant, une pression pour générer des clics et une amplification du bruit », souligne Michelle Ciulla Lipkin, directrice de la National Association for Media Literacy Education.
« Désormais, il est clair que Musk ne considère pas X comme une source d’informations fiables mais juste comme une autre de ses entreprises », ajoute-t-elle.
Sollicité par l’AFP pour commenter ces critiques, X n’a pas donné suite.