Italie : l’extrême droite et les populistes revendiquent chacun le pouvoir
Le choc électoral incarné par les résultats des Législatives pour l'Italie et l'Europe ouvre une phase d'incertitude politique dans la troisième économie de la zone euro
Les populistes du Mouvement 5 étoiles (M5S) tout comme la Ligue, d’extrême droite, auteurs de percées historiques aux législatives en Italie, ont chacun revendiqué le droit de gouverner, excluant toute alliance « eurosceptique » entre eux.
Faute de majorité claire, ce choc électoral pour l’Italie et l’Europe, ouvre une phase d’incertitude politique dans la troisième économie de la zone euro.
Avec un vote marqué à la fois par le rejet de la vieille classe politique, l’exaspération face au marasme économique et les tensions autour des migrants et de l’Union européenne, l’Italie s’inscrit dans la lignée du Brexit, de la victoire de Donald Trump aux Etats-Unis et de la poussée de l’extrême droite ailleurs en Europe.
« Pour la première fois en Europe, les forces anti-système l’emportent », a résumé l’éditorialiste du quotidien La Stampa.
La coalition de droite est arrivée en tête avec 37 % des voix, selon des résultats portant sur 98 % des bureaux de vote.
Mais en son sein, c’est la formation eurosceptique et anti-immigration du chef de la Ligue Matteo Salvini, proche du Front national (FN) français, qui a largement devancé le parti de Silvio Berlusconi et a revendiqué de diriger le gouvernement.
‘Droit et devoir de gouverner’
« Je suis quelqu’un qui tient parole et l’engagement a été pris au sein de la coalition : qui l’emporte peut gouverner », a lancé Salvini, alors que le doute subsiste sur la volonté du vieux milliardaire de tenir sa promesse.
La coalition a « le droit et le devoir de gouverner dans les prochaines années », a-t-il insisté.
Mais cette perspective est mise à mal par la percée historique du M5S, qui devient le premier parti du pays avec un score dépassant les 32 %, après une campagne dirigée contre la corruption et la « caste » politique italienne.
Le mouvement fondé par le comique Beppe Grillo en 2009 s’assure une position centrale au Parlement et vise désormais plus.
« Nous avons la responsabilité de donner un gouvernement » à l’Italie, a assuré son jeune chef de file, Luigi Di Maio, 31 ans, lors d’une déclaration à la presse à la mi-journée. « Il y a des régions entières où nous avons recueilli plus de 50%, des zones où nous avons obtenu 75% des voix », a-t-il fait valoir.
Alors que le M5S a toujours refusé toute alliance, il s’est dit prêt « à discuter avec toutes les forces politiques », mais sur la base du programme du mouvement : la pauvreté et le gaspillage, l’immigration et la sécurité, l’emploi et le développement.
Pari perdu pour Berlusconi
Le chef de la Ligue aussi a assuré qu’il parlerait « avec tout le monde » mais exclu devant la presse toute « majorité étrange » avec le M5S : « N, O, N, NON, et soulignez trois fois ! ».
Matteo Salvini, qui aura 45 ans vendredi, a transformé l’ancienne Ligue du Nord sécessionniste en une formation souverainiste et martelé un discours anti-immigration et défiant à l’égard de Bruxelles, qui semble avoir porté dans un pays en proie à l’euroscepticisme et qui a vu débarquer près de 700 000 migrants depuis 2013.
Silvio Berlusconi, qui s’était présenté à Bruxelles comme le seul rempart contre les populistes et les forces anti-euro, a donc perdu son pari.
A l’étranger, Marine Le Pen, présidente du FN, a adressé ses « chaleureuses félicitations » à M. Salvini, estimant que sa « progression spectaculaire » était « une nouvelle étape du réveil des peuples ».
Nigel Farage, ex-chef de l’Ukip, parti pro-Brexit en Grande-Bretagne, a pour sa part félicité sur Twitter ses « collègues » du M5S.
Le président français, Emmanuel Macron, a pour sa part mis en avant la « forte pression migratoire » pesant sur l’Italie, que l’UE a laissé gérer pratiquement seule les centaines de milliers migrants débarqués ces cinq dernières années.
A Bruxelles, la Commission européenne s’est dite « confiante » dans la possibilité de former un gouvernement stable.
Déroute de Renzi
Mais la possibilité d’une éventuelle grande coalition à l’Allemande s’éloigne cependant en raison de la déroute du Parti démocrate (PD, centre gauche) de Matteo Renzi, qui plafonne à moins de 19 % des voix, moins de la moitié des 40 % obtenus aux élections européennes de 2014.
C’est d’ailleurs l’ensemble de la gauche qui boit la tasse. Les frondeurs de Liberi e uguali (libres et égaux), sont à peine au-dessus du seuil des 3 % nécessaires pour entrer au Parlement.
« Les vainqueurs de cette bataille électorale sont Matteo Salvini et Luigi di Maio », le chef de file du M5S, mais « tout cela ne conduit à aucune forme de gouvernabilité », au moins à court terme, assure l’éditorialiste de La Stampa.
A la Bourse de Milan, les marchés financiers ont cependant pris la nouvelle avec une relative sérénité: l’indice FTSE Mib a ouvert en baisse de 2% avant d’osciller entre -0,5 % et -1 % toute la matinée. En revanche, Mediaset, l’empire médiatique de Berlusconi, et les valeurs bancaires perdaient plus de 5 %.
Il appartiendra désormais au président italien, Sergio Mattarella, de démêler l’écheveau dans les prochaines semaines. Mais ses consultations politiques officielles ne s’ouvriront pas avant la fin du mois, une fois élus les présidents des deux chambres, en principe le 23 mars.