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Reportage

JO : Entre tragédie familiale et antisémitisme en ligne, la lutteuse Amit Elor vise l’or

Invaincue depuis 5 ans, la prétendante à la médaille d'or entrera sur le tatami lundi en tant qu'Américaine "qui lutte fièrement pour les États-Unis, mais dans mon cœur, je lutte aussi pour Israël"

Amit Elor célébrant sa victoire sur Davaanasan Enkh Amar de Mongolie, après avoir remporté la finale de la lutte libre féminine 72 kg lors des Championnats du monde de lutte, à Belgrade, en Serbie, le 21 septembre 2023. (Crédit : Darko Vojinovic/AP)
Amit Elor célébrant sa victoire sur Davaanasan Enkh Amar de Mongolie, après avoir remporté la finale de la lutte libre féminine 72 kg lors des Championnats du monde de lutte, à Belgrade, en Serbie, le 21 septembre 2023. (Crédit : Darko Vojinovic/AP)

JTA – Amit Elor n’a pas perdu un seul match de lutte depuis cinq ans. Lorsque la Californienne montera sur le tatami olympique lundi en tant que prétendante à la médaille d’or, elle portera les cicatrices nées de sa vie personnelle et de son patrimoine israélien.

Amit est la plus jeune lutteuse olympique américaine de l’Histoire. Elle a déjà remporté huit championnats du monde. Elle est également à la tête d’une nouvelle génération de lutteuses qui ont grandi avec des aspirations olympiques : la lutte féminine a été ajoutée aux Jeux en 2004, l’année de naissance d’Amit.

Comme beaucoup de jeunes athlètes, Elor a relaté ses efforts sur Instagram et TikTok, où elle met régulièrement en ligne son régime d’entraînement, ses blessures, ses tentatives de prise de poids et, bien sûr, ses nombreuses victoires internationales.

Elle s’est toutefois montrée plus subtile lorsqu’il s’est agi d’évoquer son identité juive, en particulier après le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre en Israël, le pays d’origine de ses parents et où vit encore sa famille élargie. Chacun de ses grands-pères est venu en Israël après la Shoah, l’un après avoir survécu aux camps de concentration alors qu’il était jeune adolescent et l’autre après avoir échappé de justesse aux nazis en fuyant en Russie avec sa famille alors qu’il n’était qu’un enfant.

« J’ai été choquée par l’attaque brutale du Hamas du 7 octobre et profondément attristée et préoccupée par tout ce qui s’en est suivi », a-t-elle déclaré à Ynet. « L’énorme douleur, la souffrance et la perte sont insupportables. Si ma lutte aux Jeux olympiques peut apporter ne serait-ce qu’un peu de joie en Israël, tous les efforts et les sacrifices en vaudront la peine et seront d’autant plus importants. Je suis une Américaine qui lutte fièrement pour les États-Unis, mais dans mon cœur, je lutte aussi pour Israël. »

Après avoir soigneusement posté quelques messages apolitiques destinés à transmettre l’espoir et la force après le massacre meurtrier, elle dit avoir reçu des « messages horribles et effrayants, jusqu’à des menaces de mort, des gens me disant qu’ils étaient mes fans mais qu’ils espéraient maintenant qu’il m’arriverait des choses. Après cela, la peur s’est un peu installée en moi. C’est très inquiétant ».

Elle a souligné que la lutte est une discipline populaire en Iran, ennemi juré d’Israël. Même les personnes qu’elle pensait être des fans se sont montrées négatives.

La délégation israélienne avec Peter Paltchik (2e à droite) et Andrea Murez (à droite) portant les drapeaux, sur un bateau pendant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris, le 26 juillet 2024. (Crédit : Damien Meyer/AFP)

« J’ai posté des choses simples, comme ‘Joyeux Hanoukka’ ou écrit mon nom en hébreu – sans rien dire de politique du tout – et j’ai aussitôt reçu pas mal de commentaires, tels que ‘Libérez la Palestine’, ou ‘Ô, votre peuple’. Je me souviens d’un commentaire : ‘Tu en as raté un.’ Je pense qu’ils trouvent ça drôle. »

Amit a indiqué qu’elle procédait avec prudence pour déterminer ce qu’elle allait publier et où elle allait le faire avant les Jeux olympiques.

« Il est important pour moi d’être fidèle à moi-même. Je veux être vraie », a déclaré Amit. « Tout en moi veut s’exprimer et dire ce que je pense de la situation, mais il y a des choses que j’évite complètement – surtout après 1972 à Munich, ce qui est arrivé aux athlètes israéliens. Ce ne serait tout simplement pas judicieux pour moi en ce moment. »

Onze athlètes et entraîneurs israéliens ont été tués après avoir été pris en otage par le groupe terroriste palestinien Septembre noir lors des Jeux de Munich ; les autorités parisiennes auraient décidé de ne pas divulguer le lieu d’une cérémonie commémorative lors des Jeux de cette année, 52 ans après l’attaque, pour des raisons de sécurité.

L’autodiscipline d’Amit en ligne correspond à la façon dont elle a abordé sa carrière de lutteuse. Mesurant 1m90 et coiffée de tresses blondes, Amit est la plus jeune des six enfants d’Elana et Yaïr Elor, nés il y a plus de 20 ans.

Ses parents ont grandi à Ashkelon, en Israël, et se sont installés aux États-Unis en 1980 lorsque Yaïr a obtenu une bourse d’athlétisme à l’Université d’État de Boise en tant que lanceur de poids et de disque. Ils se sont finalement installés à Walnut Creek, en Californie, à environ 45 minutes à l’est de San Francisco, où ils ont encouragé tous leurs enfants à être actifs.

« Chaque jour, pendant des semaines, j’accompagnais ma mère et je regardais mon frère [Orry] et ma sœur [Ronny] faire de la lutte. Cela me tuait. C’était la chose la plus amusante que j’avais jamais vue. Je ne supportais pas de rester sur le côté à les regarder », s’est souvenue Amit.

Finalement, sur les conseils de sa mère, Elor, qui était âgée de 4 ans et qui était timide, a trouvé le courage d’approcher l’entraîneur et l’a convaincu de la laisser lutter.

En 2016, à l’âge de 12 ans, Amit Elor a remporté un championnat national de lutte folklorique pour garçons à Cedar Falls, dans l’Iowa. (Crédit : Famille Elor via JTA)

« J’ai senti que c’était ma vocation », dit Amit aujourd’hui.

Pourquoi un tel attrait ? « Pouvoir contrôler quelqu’un, le mettre à terre, le manipuler physiquement », a expliqué Amit. « Je voulais apprendre à le faire. J’ai trois grands frères. Je les ai toujours vus être physiques. Cela ressemblait à ce que je faisais déjà à la maison. »

Seize ans plus tard, après s’être consacrée non seulement à la lutte mais aussi au judo, au jujitsu et au taekwondo, Amit a trouvé un style unique qui, selon son entraîneuse actuelle, est impossible à reproduire en s’entraînant, ce qui la rend extrêmement difficile à battre.

De manière générale, Amit aime initier l’action et marquer rapidement. Son entraîneuse, Sara McMann, médaillée d’argent aux Jeux olympiques de 2004, a déclaré qu’Amit n’avait pas de faiblesses et qu’elles s’efforçaient avant tout de comprendre comment ses adversaires réagiraient à ses points forts.

« S’inspirant de différents sports, elle a plus de moyens de marquer des points qui ne sont pas ceux d’une lutteuse freestyle traditionnelle », a souligné McMann. « Elle possède des lancers [techniques de lutte] de judo, elle est ceinture violette de jujitsu, elle mélange la lutte gréco-romaine et la lutte libre. Elle empêche ses adversaires d’anticiper où elle va et ce qu’elle veut faire. »

En 2016, à l’âge de 12 ans, Amit a vu son frère aîné Orry se classer quatrième dans la catégorie des 98 kg en lutte gréco-romaine lors des essais olympiques américains et a vu les olympiens de Rio être célébrés avec des ballons et des confettis. Cela l’avait impressionnée. (Orry est à Paris pour la soutenir ce mois-ci).

À un moment donné, les entraîneurs ont dit à Amit qu’elle avait du potentiel. « Je ne pense pas que j’ai compris que cela signifiait que j’étais douée », a-t-elle déclaré. « Mais si quelqu’un m’avait demandé, quand j’étais petite, ‘Pourrais-tu démolir ce petit garçon ?’, je lui aurais répondu en toute confiance : ‘Oui.’ J’ai cru en moi, en mes forces et en mes capacités dès mon plus jeune âge. »

En 6e, alors que de plus en plus de femmes se lançaient dans cette discipline, Amit a commencé à affronter des filles.

« Une partie de moi pensait que c’était étrange parce que j’étais tellement habituée à la façon dont les garçons se déplacent », a-t-elle expliqué. « Les garçons sont plus robustes et forts, mais moins souples au niveau des hanches, des épaules et du dos. »

La toute jeune adolescente était conduite à travers San Francisco par sa mère pour qu’elle s’entraîne et participe aux compétitions – parfois pendant huit ou neuf heures jusqu’à Las Vegas, où Amit luttait dans différentes catégories de poids et d’âge pour que le long trajet en vaille la peine.

Elle s’est souvenue d’avoir disputé quatre divisions dans un tournoi, jusqu’à 12 matchs par jour. « Plus de temps sur le tatami, plus d’expérience », a noté Amit. « Cette époque me manque ! »

À l’époque, elle ne se blessait pas non plus. « Je pensais que j’étais incassable. »

Amit Elor (à gauche) et la Mongolienne Davaanasan Enkh Amar participant à la finale de la lutte libre féminine 72 kg lors des Championnats du monde de lutte, à Belgrade, en Serbie, le 21 septembre 2023. (Crédit : Darko Vojinovic/AP)

Jusqu’au 7 avril 2018.

Alors âgée de 14 ans, Amit était en 4e et participait à un tournoi de lutte de deux jours accompagnée de sa mère à Reno. Après sa victoire, sa mère lui a annoncé une nouvelle dévastatrice : son frère aîné Oshry, alors âgé de 23 ans, avait été tué par balle à son domicile lors d’une tentative de vol.

Mesurant 1m98 et pesant plus de 145 kg, Oshry était un joueur de football doué et « une âme douce dans un corps de géant », a déclaré Elana Elor. « Il était très, très, très proche d’Amit. »

Amit a assisté à l’intégralité du procès, au cours duquel deux hommes ont finalement été reconnus coupables de crimes liés au meurtre d’Oshry lors de la tentative de cambriolage ratée à son domicile.

« Je l’ai fait pour lui », a-t-elle déclaré. « Je voulais le soutenir. J’avais besoin de le faire. Cela m’a vraiment fait mal de ne pas avoir été là et de ne pas l’avoir vu les jours précédents, à cause de mes combats, à cause du voyage. »

Le verdict est tombé deux ans plus tard, via Zoom, en pleine pandémie. Le tireur a été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle.

À cette époque, Amit avait déjà remporté son premier titre mondial, à 15 ans, lors des Championnats du monde des moins de 17 ans. Elle n’avait pas participé aux essais olympiques de Tokyo parce qu’elle est née un jour après la limite d’âge. Au lieu de cela, elle avait regardé les Jeux olympiques de Tokyo sur son téléphone et son ordinateur portable en Californie et avait vu Tamyra Mensah-Stock remporter la seule médaille d’or de l’équipe américaine de lutte féminine – en 68 kg, la même catégorie dans laquelle Amit concourt à Paris.

« J’ai beaucoup de responsabilités en étant dans [cette catégorie de] poids », a déclaré Amit par rapport à son amie charismatique et à son mentor, qui est devenue professionnelle l’année dernière.

Amit Elor avec son père, Yaïr Elor, lors d’un spectacle à Berkeley, en Californie, en 2014 ou 2015. (Crédit : Famille Elor via JTA)

Un autre traumatisme est survenu pendant Pessah en 2022 lorsque son père est subitement décédé, quelques jours après le quatrième anniversaire du meurtre d’Oshry. Amit a appris la nouvelle alors qu’elle se trouvait avec sa mère à Jersey City, s’entraînant et se préparant à se qualifier pour ses premiers championnats du monde seniors.

La cause du décès de Yaïr n’a jamais été déterminée. Il s’était isolé après avoir contracté le COVID sur leur propriété en Californie. N’ayant pas honoré un rendez-vous, quelqu’un était allé le voir, mais il était trop tard. Il avait 64 ans.

La publication d’Amit après la mort de Yaïr a été la seule fois où elle a écrit sur Instagram exclusivement en hébreu, exprimant son amour pour son père et sa reconnaissance pour tout ce qu’il avait fait pour la famille. En avril dernier, elle a posté une photo de sa visite sur les tombes de Yaïr et Oshry au cimetière de Gan Shalom en Californie.

« Ce qui est vraiment, vraiment difficile et qui me dérange encore, c’est qu’il était seul, il y a donc beaucoup d’inconnues », a déploré Amit concernant les circonstances de la mort de son père.

« Dans le cas de mon frère, j’ai assisté au procès et c’était horrible, mais j’ai appris tout ce qui s’était passé et tout ce qui y avait conduit. Pour ce qui est de mon père, je sais qu’il avait des problèmes de santé. Il n’a pas voulu d’aide parce qu’il ne voulait pas se faire remarquer. »

Deux mois plus tard, sans que beaucoup de ses coéquipiers ne sachent ce qu’elle avait vécu, Amit a remporté un tournoi crucial au Madison Square Garden pour se qualifier pour ses premiers Championnats du monde seniors. Puis, en octobre, Amit, âgée de 18 ans, est non seulement restée invaincue, mais elle est également entrée dans l’Histoire en devenant la plus jeune lutteuse américaine – homme ou femme – à remporter un titre de championne du monde senior.

« À l’époque, qu’il ne m’ait pas vue m’a affligée », a déclaré Amit en parlant de son père. « Il aurait été tellement fier. »

Il en aurait été de même si elle avait fait partie de l’équipe olympique américaine de 2024.

« Je sais que cela l’aurait rendu tellement heureux », a-t-elle déclaré.

À Paris, ses premiers matchs olympiques sont prévus le 5 août, jour de l’anniversaire de son père.

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