Kakhol lavan : un bouleversement majeur, mais pas encore une révolution
Trois ex-chefs de Tsahal affrontent désormais Netanyahu. Difficile de les faire passer pour des gauchistes faibles. Mais reste à voir si les votes s'éloigneront de la droite
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Alors que la date limite pour l’enregistrement des listes de partis pour les élections du 9 avril approchait à grands pas, Israël s’engageait sur la voie d’une révolution politique. Une partie du chemin.
Hossen LeYisrael de Benny Gantz s’est uni à Yesh Atid de Yair Lapid pour se présenter ensemble, sous l’impulsion d’un autre ancien chef de Tsahal, Gabi Ashkenazi, et monter ce qui semble être le défi le plus puissant auquel Benjamin Netanyahu a dû faire face en une décennie en tant que Premier ministre. On ne survit pas en tant que Premier ministre d’Israël pendant une décennie sans faire face à des défis, aussi puissants soient-ils, mais la campagne de réélection de Netanyahu vient certainement de devenir beaucoup plus difficile.
Un avantage majeur de Netanyahu sur ses rivaux centristes et de centre-gauche tout au long de ce qui est aujourd’hui le plus long mandat consécutif d’un Premier ministre israélien est sa crédibilité et celle de son parti sur le plan sécuritaire. Ancien officier de l’unité d’élite des forces spéciales du Sayeret Matkal, Netanyahu s’est présenté aux élections de 2015 après avoir dirigé un conflit avec le Hamas des mois auparavant, où son ministre de la Défense était Moshe Yaalon, ancien chef de Tsahal, très expérimenté. Son adversaire Isaac Herzog n’avait pas de gages de sécurité comparables, pas plus que le nouveau venu centriste Yair Lapid. Dans un tout petit pays aux prises avec des menaces sécuritaires à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières, l’électorat apprécie énormément la sagesse que les militaires sont censés apporter au gouvernement.
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La fusion Gantz-Lapid, sous le nom de « Kakhol lavan », modifie cette équation. Gantz était le chef de Tsahal nommé par… Netanyahu. Yaalon était le bras droit de… Netanyahu, le ministre de la Défense du Likud. Et maintenant Ashkenazi est aussi entré en politique. Il s’agit autrement dit e trois anciens chefs d’état-major qui disent tous qu’il est temps que le Premier ministre s’en aille, et qu’ils s’occuperont très bien des problèmes de sécurité d’Israël sans lui.
La présence de Yaalon complique également une stratégie anti-Gantz majeure de Netanyahu à ce jour. Le Premier ministre a assidûment fait passer Gantz pour un gauchiste, malgré le discours d’ouverture politique de Gantz le mois dernier, dans lequel il a exclu l’existence d’un État palestinien en insistant pour qu’il conserve le contrôle global de la sécurité en Cisjordanie et maintienne une Jérusalem unifiée comme capitale d’Israël.
Dans une allocution prononcée à la conférence de Munich sur la sécurité il y a quelques jours à peine, Gantz a d’ailleurs fait écho aux profondes préoccupations de Netanyahu au sujet de l’Iran. (Echo étant le terme adéquat, puisque certaines des phrases de Gantz étaient pratiquement identiques à celles des discours de Netanyahu lui-même).
Alors que Netanyahu peut faire valoir que Gantz est un politicien néophyte non expérimenté dont les déclarations ne sont peut-être pas son point fort, Yaalon, avec sa longue expérience politique, est plus difficile à faire passer pour une quelconque colombe. En effet, Yaalon est manifestement plus à droite que Netanyahu sur certaines questions de sécurité, y compris sa totale incrédulité quant à la possibilité de négocier tout accord acceptable avec les Palestiniens.
Là où Netanyahu marque encore avec emphase des points contre l’alliance dirigée par Gantz, c’est dans la sphère de l’expérience – dans la gestion du pays, et dans la victoire aux élections. Gantz est un néophyte politique. Jusqu’à ce jour, il a fait beaucoup de promesses et peu de propositions concrètes. Et il a fait des erreurs – notamment une attaque peu judicieuse plus tôt dans la semaine sur le passé militaire de Netanyahu et ses années passées aux États-Unis.
La liste fusionnée présentée par Gantz et Lapid jeudi est également très décevante en ce qui concerne les femmes dans les hauts postes ; beaucoup de chefs de la sécurité est un plus, mais ce n’est pas tout ce que doit offrir un parti gouvernemental crédible.
Alors que Netanyahu est dans son élément derrière la plupart des micros et devant la plupart des caméras, Gantz est rigide, parfois clairement mal à l’aise. Netanyahu connaît les dirigeants du monde d’égal à égal depuis des années, est à l’aise sur la scène mondiale et peut parler un anglais sans faille. Gantz ne sait pas, n’est pas et ne peut pas.
Au moment d’écrire ces lignes, on ne sait pas très bien ce qui a poussé Gantz et Lapid à maîtriser suffisamment leur ego pour fusionner leurs listes à la Knesset. Lapid, qui fait maintenant partie du paysage politique, était réticent à mettre de côté ses ambitions initiales pour le poste de Premier ministre. La décision finale a-t-elle été prise lorsque Netanyahu a négocié un accord mercredi entre le parti sioniste-religieux HaBayit HaYehudi et les kahanistes d’Otzma Yehudit ? Était-ce à ce moment que Lapid a ravalé sa fierté, et a consenti à servir comme ministre des Affaires étrangères de Gantz et n°2 jusqu’en novembre 2021 s’ils remportent les élections ?
Mais ne nous emballons pas trop vite. Jusqu’à présent, les sondages, même ceux qui ont demandé aux Israéliens comment ils voteraient si Gantz et Lapid unissaient leurs forces, n’ont pas montré de mouvement significatif des votes de la droite dirigée par Netanyahu vers le centre du spectre politique. Ces sondages indiquent que les partis fusionnés obtiennent plus de sièges que le Likud. Mais si les nouveaux partenaires centristes ne recueillent pas les voix de la droite, ils ne formeront tout simplement pas la prochaine coalition. C’est pourquoi le grand bouleversement politique de jeudi n’est qu’une révolution partielle.
Ce qui se passera à partir de là est la question que tout le monde se pose. Est-ce que le parti Gesher d’Orly Levy-Abekasis et le parti Koulanou de Moshe Kahlon tomberont maintenant en dessous du seuil de 3,25 % de la Knesset, et si oui, où ira leur vote ? Est-ce qu’Ashkenazi sera capable d’attirer davantage les électeurs de droite ? Est-ce que l’alliance de HaBayit HaYehudi avec Otzma Yehudit va les hisser au-dessus du seuil, ou leur faire perdre des électeurs, et avec quel impact sur HaYamin HaHadash de Naftali Bennett et Ayelet Shaked ?
Et la possibilité que le procureur général Avichai Mandelblit annonce son intention d’inculper Netanyahu dans une ou plusieurs des trois affaires de corruption contre lui risque d’éclipser toutes ces questions. Des rapports non confirmés indiquent que Mandelblit publiera sa décision la semaine prochaine ou la semaine suivante. Jusqu’à présent, les sondages indiquent que le soutien à Netanyahu se maintiendrait même si Mandelblit décide de l’inculper, en attendant une audience. Mais c’était avant que l’alliance Gantz-Lapid ne soit scellée et que l’alternative ne devienne concrète. Maintenant qu’ils ont finalisé leur accord, certains électeurs pourraient-ils reconsidérer leur décision ?
Soit dit en passant, les analystes politiques ont noté jeudi après-midi, que M. Gantz aurait assuré M. Lapid, dans le cadre de leur entente, qu’il ne participerait pas à une coalition dirigée par Netanyahu. Le nouveau partenariat n’a cependant pas exclu la possibilité d’une coalition avec le Likud sous la direction d’un autre dirigeant. Le fait même que de tels scénarios potentiels fassent actuellement l’objet de discussions souligne que la campagne électorale d’Israël est devenue beaucoup plus intéressante jeudi.
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