L’infâme effort de Netanyahu pour faire entrer les racistes à la Knesset
Le Premier ministre a fait pression sur HaBayit HaYehudi pour qu'il s'unisse aux kahanistes d'Otzma Yehudit. Cynisme politique pour ses intérêts, et pour ceux d'Israël ?
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Le parti HaBayit HaYehudi, l’itération actuelle de ce qui était auparavant le Parti nationaliste religieux israélien, a voté mercredi soir une alliance pré-électorale avec Otzma Yehudit, un successeur raciste du parti interdit Kach de feu le rabbin Meir Kahane.
Kahane, qui a obtenu un siège à la Knesset il y a 35 ans sur la base d’un programme de révocation de la citoyenneté des Arabes israéliens et un engagement à « transférer » hors du pays ceux qui n’acceptent pas ce statut, et qui voulait interdire les relations sexuelles et le mariage entre juifs et non-juifs, a été interdit de se représenter aux élections pour racisme, quatre ans après.
La plate-forme de ses disciples à Otzma Yehudit (Puissance juive) – « Kach » et une itération ultérieure, « Kahane Chai », sont interdites en Israël en tant qu’organisations terroristes – envisage Israël non pas comme un Etat juif et une démocratie, mais plutôt comme ce qu’ils appellent une « démocratie juive ». Les frontières souveraines de la Terre d’Israël s’étendront de la Méditerranée au Jourdain, c’est-à-dire sur l’ensemble du territoire qu’Israël a conquis pendant la guerre de 1967. Les « ennemis d’Israël » n’importe où à l’intérieur de ces frontières élargies – Palestiniens de Cisjordanie, citoyens arabes israéliens, et autres – seront réinstallés de force ailleurs dans le monde arabe. La souveraineté juive sera « restaurée » sur le mont du Temple – où Israël revendique déjà la souveraineté, mais où les autorités musulmanes maintiennent le contrôle religieux, les musulmans y prient mais les juifs n’y sont pas autorisés.
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Interviewé sur la radio de l’armée mercredi après-midi, le chef du parti, l’ancien député Michael Ben Ari, a été invité à désavouer l’idéologie raciste de Kahane. Il a tourné l’idée en dérision. Kahane, a-t-il dit, était son maître, son rabbin.
Également à la direction du parti, se trouve l’avocat Itamar Ben Gvir, qui a fait la une des journaux en Israël en 1995 lorsqu’il a volé le sigle Cadillac de la voiture du Premier ministre Yitzhak Rabin et s’est dirigé vers une caméra télé en disant : « Nous avons atteint sa voiture et nous allons l’atteindre aussi ».
Il en va de même pour Baruch Marzel, un ancien assistant de Kahane, connu pour avoir organisé des fêtes en l’honneur de Baruch Goldstein, qui a massacré 29 Palestiniens en prière au Tombeau des Patriarches à Hébron en 1994.
Et Bentzi Gopstein, un ancien élève de Kahane et activiste de Kach dont le mouvement Lehava s’efforce d’empêcher les relations – romantiques ou autres – entre Juifs et Arabes.
La direction de HaBayit HaYehudi avait été réticente à unir ses forces à celles des Kahanistes, mais, apparemment, pour beaucoup de ses dirigeants, il faut faire ce qui est à faire, même lorsque ce qu’il faut faire est difficile à accepter. Le PNR d’origine était le représentant du courant dominant des sionistes religieux israéliens, l’allié orthodoxe des pionniers sionistes séculiers d’Israël. Largement centriste dans son orientation politique, il a progressivement évolué vers la droite dans les décennies qui ont suivi la guerre de 1967, s’est estompé politiquement et a été absorbé par HaBayit HaYehudi (lui-même une fusion de diverses factions) il y a dix ans. Lorsque son dirigeant Naftali Bennett et sa collègue ministérielle Ayelet Shaked quittèrent HaBayit HaYehudi fin décembre et fondèrent HaYamin HaHadash, cherchant à se frayer un chemin jusqu’à la direction nationale et se sentant encombrés par l’empreinte des rabbins des implantations, HaBayit HaYehudi était sur le point de disparaître complètement.
Bien que les sondages aient été inférieurs au seuil de 3,25 % fixé par la Knesset, son nouveau dirigeant, l’ancien grand rabbin de Tsahal Rafi Peretz (qui a accepté la semaine dernière une alliance avec la faction Ihoud Leoumi) résistait toujours aux pressions pour fusionner avec Otzma Yehudit… jusqu’à ce que le Premier ministre Benjamin Netanyahu mène une campagne personnelle d’appels téléphoniques, de réunions, de promesses de postes ministériels et – lors d’une réunion avec Peretz mercredi après-midi – toutes sortes d’autres accords politiques complexes, pour lui faire changer d’avis. M. Netanyahu devait se rendre mercredi à une réunion cruciale avec le président russe Vladimir Poutine, qui a été reportée afin qu’il puisse s’occuper de cet impératif manifestement plus important.
Qu’un parti rival du Likud de Netanyahu s’incline devant sa volonté, plutôt que de s’en tenir à ses propres principes, indiquerait que l’antipathie envers le centre-gauche l’emporte sur la haine du racisme chez les dirigeants de HaBayit HaYehudi. Le partenariat « technique » a été annoncé mercredi matin et, soutenu par Peretz, a été soumis aux membres de HaBayit HaYehudi pour une décision finale mercredi. Les partis n’ont que jusqu’à jeudi pour soumettre leurs listes finales pour les élections à la Knesset du 9 avril.
Affronter Netanyahu au mauvais endroit
Dans un discours présentant sa propre liste de candidats à la Knesset mardi soir, Benny Gantz, le seul espoir réaliste des tout-sauf-Netanyahu, a lancé une spectaculaire attaque et personnelle contre le Premier ministre.
Ce n’était pas spectaculaire selon les critères de cette élection – Netanyahu et ses partisans ont fustigé Gantz comme un faible gauchiste incapable de diriger le pays ; le Premier ministre a accusé lundi Gantz d’avoir élaboré des plans pour un retrait israélien de Cisjordanie alors qu’il était à la tête de l’armée pendant les pourparlers de paix de 2013-2014, alors que c’est Netanyahu lui-même qui en aurait donné l’ordre à Gantz ; une campagne de diffamation anonyme contre Gantz promue sur les réseaux sociaux est remontée jusqu’au Likud.
Mais ce n’était pas dans le caractère de Gantz, qui parlait doucement lorsqu’il portait l’uniforme et qui avait promis de prendre les devants dans son premier discours politique le mois dernier.
Gantz a laissé entendre que Netanyahu n’était pas entièrement israélien – étant donné qu’il a passé des années à l’école et à travailler aux États-Unis, au cours desquelles il a changé de nom. Dans un coup bas, Gantz a fustigé le Premier ministre pour avoir également passé des années à perfectionner son anglais dans des cocktails américains glamour – une accusation qui a raté sa cible, puisque Netanyahu était à l’époque un diplomate israélien. Et dans le coup le plus bas de tous, Gantz a comparé ce style de vie américain chic dont jouissait Netanyahu avec ses propres décennies de service militaire, formant des générations de commandants et de soldats, dormant à la dure dans la boue des tranchées au cours d’innombrables nuits glaciales d’hiver, et risquant sa vie derrière des lignes ennemies. Netanyahu a riposté en disant que cette critique était particulièrement scandaleuse étant donné qu’il avait risqué sa propre vie plusieurs fois en tant que soldat et officier dans l’unité des forces spéciales la plus prestigieuse (la Sayeret Matkal) d’Israël.
Là où le feu vitupérant de Gantz a été le plus dommageable, c’est lorsqu’il a accusé Netanyahu d’“avoir gouverné le pays par l’incitation, la tromperie et la peur”, de provoquer des divisions internes, et lorsqu’il a fustigé le Premier ministre pour avoir cherché à affaiblir les piliers de la démocratie israélienne en luttant contre les accusations dans les trois enquêtes pour corruption dont il fait l’objet.
Gantz a déclaré, se référant au procureur général Avichai Mandelblit, qui doit décider ou non de porter plainte contre le Premier ministre, qui l’a nommé : « Un conseiller juridique nommé par le souverain est devenu un traître et un gauchiste quand il n’a pas fait ce que le souverain attendait de lui ». Gantz a dit au sujet de l’ancien chef de la police Roni Alsheich, une autre personne nommée par Netanyahu, qui a supervisé les enquêtes : « Le chef de la police nommé par le souverain a été traité de gauchiste et de traître parce qu’il a osé être loyal aux lois de l’État et non aux exigences du souverain ».
Gantz n’a cependant rien dit de la fusion alors imminente HaBayit HaYehudi-Otzma Yehudit que Netanyahu a si énergiquement et épouvantablement encouragée. Le jour même de l’élection de 2015, Netanyahu a cherché, de manière déshonorante et inexacte, à faire voter pour le Likud en affirmant que les citoyens arabes d’Israël affluaient en masse dans les bureaux de vote. Aujourd’hui, avant le scrutin de 2019, il s’est efforcé – avec succès – d’intégrer un groupe de racistes qui nieraient le droit de vote aux citoyens arabes d’Israël.
Ce n’est pas contre Netanyahu le diplomate ou le soldat que Gantz aurait dû faire campagne. Ce n’est pas contre Netanyahu le leader qui a essayé de protéger Israël de la menace extérieure. C’est contre le Netanyahu qui fait du tort à Israël de l’intérieur.
Il est parfaitement cynique sur le plan politique que Netanyahu encourage le retour des kahanistes à la Knesset. Un ticket HaBayit HaYehudi-Otzma Yehudit fusionné remporterait au moins quatre sièges, selon des sondages, alors que séparément, aucun des deux partis n’atteindrait le seuil électoral et tous les votes qu’ils obtiendraient seraient gaspillés. Ben Ari est prêt pour la cinquième place sur la liste fusionnée, et Ben Gvir pour la huitième place.
En ce qui concerne les valeurs d’Israël, son caractère, son essence, en revanche, la tactique du Premier ministre est répréhensible.
La fusion des deux partis verrait leurs représentants, les kahanistes potentiellement inclus, prendre leurs sièges dans la prochaine coalition gouvernementale de Netanyahu. À ce moment-là, Israël – qui boycotte les partis parlementaires d’extrême droite dans des pays comme l’Autriche, l’Allemagne et la France, et qui fustige la montée dangereuse des politiciens racistes à l’étranger – aurait lui-même coulé, à l’instigation insistante et intéressée de Netanyahu, au même degré contre quoi elle met en garde ailleurs dans le monde.
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