L’ ‘Intifada de Jérusalem’ est différente et plus compliquée à arrêter
Les barrages routiers et les mesures punitives utilisés pour mettre un terme à la vague de violence ont aussi leurs limites

Alors que les détails horribles de l’attentat du quartier Har Nof à Jérusalem commencent à être révélés, sa ressemblance tragique s’apparente avec les autres attaques.
Les terroristes étaient des Palestiniens vivant à Jérusalem-Est ; les victimes des habitants de l’ouest de Jérusalem qui débutaient leur journée en priant. C’est la cinquième attaque perpétrée par des habitants de Jérusalem Est depuis le 22 octobre.
Cette dernière vague de violence se place à part du fait du rôle majeur que tient les Palestiniens de Jérusalem dans l’instigation de la violence. Cela se révèle d’autant plus vrai lorsqu’on examine les données de la seconde Intifada, qui a commencé en septembre 2000 et s’est terminée en 2005.
Comme le souligne l’expert politique, Hillel Cohen, dans son livre The Rise and Fall of Arab Jerusalem [La Croissance et le Déclin du Jérusalem arabe] publié en 2007, même si les Palestiniens de Jérusalem étaient impliqués dans 20 % des attaques fatales entre 2000 et 2005, ils jouaient en général un rôle secondaire comparé aux terroristes de Cisjordanie. Dans de nombreux cas, ils ont soit conduit ou abrité des kamikazes, parfois ils leur ont même fourni des renseignements, mais ils ont rarement mené des attaques.
Sur la même période, le taux de décès des Palestiniens résidant dans le district de Jérusalem était aussi significativement plus bas que les habitants de Cisjordanie : ils ont compté 64 décès sur un total de 3 798 décès entre septembre 2000 et février 2005, soit 2 % du nombre de décès total. Et ce, sur une population qui compte 1/10 de la population palestinienne.
Mais tout ceci semble être révolu aujourd’hui. Depuis le mois de juillet – lorsque des extrémistes juifs ont kidnappé et tué l’adolescent palestinien Mohammed Abu Khdeir à Shuafat pour se venger du meurtre des trois adolescents juifs par des terroristes du Hamas en Cisjordanie – ce sont les Palestiniens de Jérusalem, et non plus leurs frères cisjordaniens, qui sont devenus les fers de lance du terrorisme palestinien.
Mardi, le chef du Shin Bet, Yoram Cohen, a soutenu à la Commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset que le meurtre d’Abu Khdeir et la colère des Palestiniens au sujet de ce qu’ils perçoivent comme un empiètement des Juifs sur le mont du Temple, alimentent les violences.
Il a aussi précisé que, contrairement à ce qu’affirment le Premier ministre et les membres clé de son cabinet, ce n’est pas tant les discours d’Abbas qui incitent à la violence. Cependant, il reconnait que sa rhétorique anti-Israël peut être compris par certains Palestiniens comme un appel à prendre les armes.
Sur le papier, si l’incendie qui embrase Jérusalem a été allumé par un certain nombre d’incidents clairement définis, on devrait pouvoir tout aussi facilement l’éteindre. Dans les faits, c’est plus simple à dire qu’à faire.
Les groupes palestiniens qui étaient à la tête des violences en Cisjordanie sont aux abonnés absents à Jérusalem. Ils ont été affaiblis par deux décennies de mesures anti-terroristes israéliennes et délaissés par les Palestiniens.
En 2014, les 300 000 résidents palestiniens de Jérusalem n’ont pas de leader. Les attaques ne sont pas menées par des factions armées et ne reçoivent les bénédictions de ces groupes qu’une fois qu’ils sont devant le fait accompli.
Le statut politique des résidents palestiniens de Jérusalem rendent les mesures antiterroristes plus compliquées à mettre en place. Ayant une carte d’identité israélienne et pouvant se rendre n’importe où dans la ville, les Palestiniens de Jérusalem ne se démarquent pas des Juifs de la Ville sainte.
Détecter et arrêter un loup solitaire serait – et est, dans les faits – une mission impossible pour les forces de sécurité israélienne.
Bien sûr, les postes de contrôle municipaux et les raids de la police dans Jérusalem-Est pourraient permettre de confisquer les armes comme les hachoirs et les pistolets utilisés durant l’attaque de mardi. Mais qu’en est-il des attaques du 22 octobre et du 5 novembre où les armes étaient des voitures ?

Un ancien chef de la sécurité certifie que seule la sévérité contre les Palestiniens de Jérusalem pourrait mettre un terme à cette vague de violence.
« On nous considère comme des pigeons », affirme Aryeh Bibi, qui était le chef de la police entre 1989 et 1991 et est ensuite devenu député du parti Kadima, au Times of Israel. « Nous devons modifier notre perception des choses. Plutôt que de nous barricader derrière des gardes placés à l’entrée de nos synagogues et nos écoles, nous devrions envoyer des forces armées dans les zones frontières (entre Jérusalem-Est et Jérusalem-Ouest) et les enfermer. Nous devrions mettre en place plus de barrages routiers et envoyer des collecteurs d’impôts à Jabel Mukaber. Démolir les maisons des terroristes et expulser [leurs familles] des villages après leur avoir retiré leur autorisation de résidence à Jérusalem auront un énorme impact ».
« Cela n’a pas de sens que les Juifs aient peur de marcher dans les rues alors qu’eux peuvent traverser la ville librement », s’insurge Bibi. Il propose aussi d’augmenter la pression sur les potentiels terroristes grâce à un savant mélange de mesures bureaucratiques et sécuritaires, comme la clôture et l’augmentation du contrôle de la sécurité sociale.
« La pression sociale dans leur village est importante et nous devons faire en sorte qu’ils soient sous pression. Il n’y a pas d’autres moyens ».
La frustration politique
La frustration commence à se faire sentir au sujet de la situation. Certains politiciens reviennent sur l’idée d’une séparation politique de Jérusalem. L’ancienne dirigeante du parti travailliste, Shelly Yachimovich, a exhorté mardi au retrait israélien de Jabel Mukaber, un village arabe dans le sud qui a été annexé en 1967. C’est là où habitaient les cousins Abu Jamal, les terroristes qui ont attaqué la synagogue d’Har Nof mardi.
« Jabel Mukaber ne fait pas partie de l’Etat d’Israël et ne devrait pas être dans l’Etat d’Israël », a-t-elle écrit sur son mur sur Facebook. « C’est un village arabe où nous avons insisté pour que ses résidents aient la carte d’identité bleue (israélienne) et que nous avons transformé en un quartier de Jérusalem. Les meurtriers sont arrivés de Jabel Mukaber aujourd’hui. C’est de là aussi que venaient les meurtriers à l’origine du massacre de Merkaz Harav (en 2008), de l’attaque au tracteur, de la terrible explosion de bus au croisement de Patt. Après chacun de ses actes terroristes, il y a eu des fêtes dans ce village pour célébrer ces actes. J’aimerais que les fanatiques de droite me donnent une raison valable pour m’expliquer comment en les forçant à devenir des résidents israéliens vivant dans un quartier de Jérusalem cela contribue à la sécurité d’Israël et garantit le statut de capitale de Jérusalem ».
Même le maire de Jérusalem, Nir Barkat, avait exhorté Israël à abandonner son contrôle des trois quartiers dans le nord de Jérusalem qui se trouvent au-delà de la barrière de sécurité.
« Je recommande que l’on déploie des forces armées le long de la barrière », avait préconisé Barkat lors d’une réunion du cabinet en 2011. Le journal israélien Maariv avait repris ses propos. « Nous ne devons abandonner les municipalités au-delà de la barrière et annexer les zones qui sont du côté israélien et qui ne sont pas actuellement sous la juridiction de la municipalité de Jérusalem ». Mardi, après l’attaque d’Har Nof, Barkat a souligné qu’il s’opposait à ce que l’on cède le pouvoir dans les quartiers à l’est de Jérusalem. « Nous ne devons pas diviser la ville, cela empirerait les choses », a-t-il affirmé.
Les accusations pavloviennes du gouvernement israélien à l’encontre d’Abbas, à qui il reproche d’inciter à la violence après chaque attentat à Jérusalem, peut également être considérée comme une expression de désespoir concernant leur absence d’influence sur les Palestiniens vivant dans les limites de la capitale d’Israël. Ils sont exposés au système éducatif israélien et à ses services municipaux, mais ne partagent aucune des valeurs de la société israélienne.
La guerre des rhétoriques
La déconnexion qui existe entre les deux communautés qui vivent à Jérusalem se voit aussi dans leur interprétation divergente des événements actuels.
Pour beaucoup d’Israéliens, les visites des politiciens au mont de Temple sont soit une affirmation de la souveraineté israélo-juive sur le site le plus saint du judaïsme soit une provocation injustifiée. Pour les Palestiniens, ces visites équivalent à une désacralisation de l’un des sites saint de l’islam et une déclaration de guerre.
Alors que les Israéliens ont accepté les résultats du rapport d’autopsie relatif au décès du chauffeur de bus Egged, Youssef Hassan al-Ramoni, qui a conclu à un suicide, le consensus dans les rues palestiniennes est de considérer sa mort comme un meurtre prémédité par les « colons juifs ». Cette rhétorique est reprise par les leaders palestiniens.
Mardi, le major-général Yoav Mordechai, le Coordonnateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), a adressé (et publié) une lettre peu habituelle au ministre des Affaires civiles palestinien Hussein a-Sheikh. Dans cette missive, il critique le leadership palestinien pour avoir présenté le décès d’al-Ramouni comme un meurtre et lui demande de rétablir publiquement la vérité.
« Il est évident que ce genre de proclamations peuvent inciter à la haine et entraîner la violence et le terrorisme contre Israël et ses citoyens », écrit Mordechai.
« A la lumière de ce qui vient d’être dit, nous vous exhortons à prendre toutes les mesures appropriées pour mettre fin à ces incitations à la violence et à attirer l’attention de la population palestinienne sur les véritables faits concernant les circonstances de la mort du défunt ».
Même dans le cas peu probable où a-Sheikh répondrait favorablement à la requête de Mordechai, cela ne changerait pas grand-chose. Les faits n’ont probablement plus d’importance.
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