La famille d’Abu Akleh demande une enquête américaine indépendante à Blinken
En visite à Washington, les proches de la journaliste d'Al-Jazeera tuée à Jénine ont déploré un manque de réponse de l'administration américaine à ses demandes de justice

WASHINGTON — La famille de la journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh a estimé que les États-Unis n’avait pas « véritablement répondu » à leur appel en faveur de la justice suite à une réunion, à Washington, avec le secrétaire d’État américain Anthony Blinken qui a eu lieu mardi. Elle a ajouté que Blnken était resté sourd à leurs demandes d’une enquête indépendante.
« Même s’il a pris des engagements concernant le meurtre de Shireen, nous attendons encore de voir si cette administration saura véritablement répondre à nos appels », a écrit sur Twitter Lina, la nièce de feu la journaliste d’Al-Jazeera.
Lina avait été invitée à Washington avec plusieurs autres proches d’Abu Akleh pendant un entretien au téléphone avec Blinken, au début du mois.
Lina a expliqué que Blinken leur avait dit, pendant leur rencontre, qu’il « avait le devoir de protéger les citoyens américains… Nous allons le prendre au mot. Seule une enquête américaine qui déterminera les responsabilités est acceptable et nous ne lâcherons pas avant d’avoir la certitude qu’aucune famille américaine ou palestinienne n’aura à endurer la souffrance que nous endurons nous-mêmes ».
« Nous continuons à demander des comptes et à réclamer justice pour Shireen », a déclaré à l’AFP la nièce de la journaliste, Lina Abu Akleh, à sa sortie du département d’Etat après un entretien de près d’une heure avec Blinken.
« Si personne n’est tenu responsable du meurtre de Shireen, c’est une sorte de feu vert donné à d’autres gouvernements pour tuer des citoyens américains », a ajouté la jeune femme de 27 ans, qui était notamment accompagnée du frère de la journaliste, Tony.
Lina Abu Akleh a indiqué que le secrétaire d’Etat américain avait compris les inquiétudes de la famille et promis « d’établir un meilleur canal de communication ».
La famille d’Abu Akleh a refait part de son désir de s’entretenir avec Biden, atteint de la COVID-19.
« Un entretien avec lui sera la démonstration, pour notre famille, que ce qui est arrivé à Shireen est une priorité pour cette administration. Dans la mesure où nous ne l’avons pas rencontré à Jérusalem, nous sommes venus à Washington. Nous avons besoin qu’il entende directement ce que nous avons à dire », a écrit Lina Abu Akleh qui a ajouté que Blinken avait promis de faire preuve de transparence sur les évolutions dans le dossier.

Mais la famille devrait malgré tout être déçue du positionnement adopté par les Américains dans la mesure où avant son atterrissage à Washington, un haut-responsable de l’administration a expliqué au Times of Israel que les États-Unis ne feraient pas leur propre enquête sur la mort de la journaliste, survenue à Jénine en date du 11 mai.
Les proches d’Abu Akleh ont fait savoir qu’ils allaient rencontrer des députés américains pendant leur séjour à Washington et ils ont appelé les États-Unis, dans une déclaration, à « lancer leurs investigations, des investigations minutieuses, crédibles, indépendantes et transparentes » sur le meurtre de la journaliste.
« Depuis bien trop longtemps, les États-Unis permettent à Israël de tuer en toute impunité en fournissant des armes, l’immunité et une couverture diplomatique », a noté un communiqué écrit par Lina, le frère de la journaliste décédée, Tony, et son neveu Victor.
« L’immunité entraîne la répétition. Nous sommes ici pour faire notre devoir, celui de garantir que ce cycle va se rompre », a expliqué la famille.
« Si nous permettons que le meurtre de Shireen soit balayé sous le tapis, ignoré, nous envoyons le message que la vie des citoyens américains à l’étranger ne compte pas, que les vies des Palestiniens sous l’occupation ne comptent pas, et que les vies des journalistes les plus courageux dans le monde, les vies de ces journalistes qui couvrent l’impact humain des conflits et des violences, n’ont aucune valeur ».
Washington a annoncé, au début du mois, qu’après réexamen des éléments du dossier, il n’était pas possible de déterminer de manière définitive qui avait été à l’origine de la mort d’Abu Akleh, ajoutant qu’il n’y avait aucune raison de penser que les tirs meurtriers avaient été délibérés – tout en indiquant que les militaires israéliens avait été probablement responsable de ces coups de feu.

Cette annonce avait été faite par le Département d’État après l’examen du Coordonnateur à la sécurité américain à Jérusalem, Mike Fenzel, des investigations qui avaient été faites par Israël et par les Palestiniens – en plus de l’étude par les experts balistiques de son bureau de la balle à l’origine de la mort d’Abu Akleh, des experts qui avaient estimé que la balle était trop endommagée pour permettre de tirer des conclusions définitives.
Ces résultats avaient entraîné la vive colère de la famille de la défunte, qui avait évoqué une « trahison ». Plus d’une dizaine de membres démocrates du congrès ont eux aussi affirmé que s’en tenir aux enquêtes israélienne et palestinienne était insuffisant et que les autorités américaines devaient mener leurs propres investigations, en examinant les éléments de preuve et en interrogeant les personnes impliquées. Cette requête avait été soumise dans une lettre adressée au président des États-Unis Joe Biden.
Et une formulation bien plus forte, réclamant des investigations américaines, avait été utilisée dans une législation coparrainée par treize démocrates progressistes, au début du mois, qui demandait au FBI de déterminer si des armes américaines avaient été utilisées dans le meurtre d’Abu Akleh. Un haut-responsable israélien qui avait échangé avec les journalistes avant l’arrivée de Biden pour une visite officielle au Moyen-Orient, ce mois-ci, avait déclaré que les soldats israéliens et les hommes armés palestiniens qui avaient pris part aux affrontements, survenus le 11 juillet, qui devaient entraîner la mort la journaliste d’Al-Jazeera utilisaient tous des armes américaines.
Mais un haut-responsable de l’administration a expliqué, jeudi, que la Maison Blanche était satisfaite du travail effectué par Fenzel sur les investigations palestiniennes et israéliennes.
L’officiel a répété l’appel lancé par l’administration Biden à Israël. Les Américains ont demandé à l’État juif de terminer son enquête dans les meilleurs délais et de rendre publics ses résultats.
L’AP, pour sa part, a affirmé que ses investigations prouvaient que la journaliste d’Al-Jazeera avait été tuée intentionnellement par l’armée israélienne pendant un raid organisé à Jénine, une ville du nord de la Cisjordanie, après une série d’attentats terroristes commis contre des Israéliens – certaines attaques avaient été menées par des Palestiniens résidant dans cette ville. Israël avait rapidement rejeté ces mises en cause en évoquant « des mensonges flagrants » et en soulignant qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour déterminer de manière définitive laquelle des deux parties avait tiré la balle fatale.
Blinken avait appelé la famille d’Abu Akleh, la veille du départ de Biden en Israël. La demande soumise par cette dernière, qui souhaitait rencontrer le président alors qu’il se trouvait au Moyen-Orient, avait été refusée mais Blinken a invité les proches de la journaliste à Washington.
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