La fracture en Israël menace son avenir, dit une Travailliste britannique
Victime d'antisémitisme pendant les années Corbyn, Luciana Berger dit son inquiétude face à la réforme judiciaire et ne cache pas sa joie face à l'engagement des manifestants
Mardi, alors que des dizaines de milliers de manifestants descendaient dans les rues en Israël, l’ex-députée juive de premier plan qui avait quitté le parti britannique du Labour à cause de l’antisémitisme qui sévissait dans ses rangs a déclaré que le bras de fer autour de la réforme judiciaire l’inquiétait pour l’avenir du pays.
« C’est la première fois que je me trouve en Israël à un moment de grande inquiétude pour le pays et comme jamais auparavant », a confié Luciana Berger au Times of Israel depuis Jérusalem.
« Le pays est totalement polarisé », a poursuivi la londonienne, âgée de 42 ans.
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« Israël est plus divisé que jamais sur le plan intérieur, avec tout ce que cela suppose pour l’avenir du pays et de l’Etat juif,» a-t-elle continué.
La police s’est heurtée à des manifestants lors de rassemblements organisés un peu partout dans le pays, émaillés de barrages routiers pour protester contre le projet de réforme judiciaire du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Les manifestations ont eu lieu quelques heures après le vote par la Knesset, en première lecture, d’un projet de loi visant à limiter les pouvoirs de surveillance de la Cour suprême.
Mais Berger a dit également entrevoir une lueur d’espoir dans ces manifestations.
« Je suis impressionnée par la vigueur de la société civile israélienne et par sa façon de réagir à ce qui se passe. Enormément de personnes se sentent indignées et parmi elles, il y a des gens qui n’ont jamais été aussi politiquement engagés. »
En février, Berger avait fait savoir qu’elle rejoindrait les rangs du parti Travailliste, dans l’opposition, à l’invitation de son chef, Keir Starmer.
Elle avait alors tweeté : « Le Labour a franchi une étape importante sous la direction de Keir ».
« Je suis heureuse de revenir à ma base politique », avait-elle écrit, se disant « impatiente de rejoindre le parti ».
En 2019, elle avait démissionné du parti Travailliste, alors placé sous la direction Jeremy Corbyn, auquel elle reprochait de ne pas faire le nécessaire pour en finir avec l’antisémitisme institutionnalisé qui régnait au sein du parti. Elle s’était par la suite présentée au suffrage des électeurs sous une autre étiquette, sans succès.
Berger a expliqué avoir été particulièrement la cible de la haine antisémite en sa qualité de présidente du mouvement Travailliste juif et en tant que députée de Liverpool.
« Sous la direction de Corbyn, des partis locaux ont été autorisés à rejoindre les rangs du parti Travailliste : or ces gens, des membres importants de la tendance militante, avaient précédemment été mis à l’index », a-t-elle expliqué. « Ils siégeaient aux mêmes réunions que moi. Toute cette expérience a été somme toute assez désagréable. »
Berger a indiqué que le parti était devenu « une sorte de secte » du temps de Corbyn.
« Il n’y avait aucune humanité. C’était fou. »
C’est, selon elle, en 2017 qu’elle s’était entretenue pour la dernière fois avec Corbyn des menaces antisémites qu’elle avait reçu, sans qu’il n’en fasse rien.
« Depuis 2013, six personnes ont été condamnées pour menaces de mort et antisémitisme à mon égard », a confié Berger. « Quatre d’entre eux ont écopé de peines de prison. »
Avant de quitter le Parti Travailliste, Berger avait fait l’objet d’un vote de défiance – révoqué par la suite – à l’initiative de membres du parti qui avaient estimé qu’elle « critiquait constamment » Corbyn en raison de la vague d’antisémitisme qui s’était abattue sur le Labour. Elle avait été alors qualifiée de « sioniste perturbatrice ».
« C’était une période très sombre. J’ai fini par quitter le Parti Travailliste parce qu’il n’avait plus rien à voir avec le parti que je connaissais, il n’avait plus les valeurs qui m’avaient attirée à l’origine, » a-t-elle raconté.
Après s’être séparée du Parti travailliste, elle avait formé The Independent Group avec six autres députés démissionnaires du Labour en 2019 – un groupe qui avait ensuite pris le nom de Change UK et qu’elle avait ensuite quitté au mois de juin de la même année.
En 2020, la Commission pour l’égalité et les droits de l’homme du Royaume-Uni avait reconnu le parti Travailliste coupable de harcèlement et discrimination.
Corbyn avait nié certaines de ces conclusions – ce qui avait conduit à sa suspension du parti.
Starmer avait ensuite fait savoir que Corbyn ne serait pas autorisé à se présenter sous les couleurs travaillistes aux élections suivantes.
Berger a assuré que sa décision de revenir dans les rangs du parti a été grandement liée aux mesures prises par Starmer pour mettre un terme à l’antisémitisme au sein du Labour.
« Il n’a pas hésité à le faire », dit-elle. « Il en parle régulièrement dans de nombreux forums, devant des publics différents. »
Starmer avait pris la tête du parti Travailliste en 2020, suite à la démission de Corbyn après sa défaite aux élections.
« La procédure a été respectée : le service juridique interne a mené l’enquête et il a conclu à l’expulsion de certains membres, ou tout du moins à leur départ volontaire », a-t-elle déclaré, évoquant les membres antisémites du Labour. « La composition du Parti travailliste aujourd’hui est très, très différente de ce qu’elle était auparavant. »
Berger a effectué le déplacement en Israël avec six autres députés et candidats travaillistes dans le cadre d’une délégation des Amis travaillistes d’Israël. Ils se sont entretenus avec le président Isaac Herzog, le chef du comité d’amitié israélo-britannique de la Knesset, Hanoch Milwidsky, du Likud, et un haut responsable de l’Autorité palestinienne à Ramallah.
Ils se sont également rendus dans les locaux du service d’urgence du Magen David Adom pour voir en quoi la technologie médicale israélienne pouvait s’appliquer dans le cadre du National Health Service, au Royaume-Uni.
« Un médicament sur sept fourni par le NHS vient d’Israël », a-t-elle noté. « C’est la preuve du rôle important qu’Israël joue en matière de santé et de bien-être dans notre pays. »
Elle a estimé que les relations entre le Royaume-Uni et Israël vont continuer à s’améliorer sous la conduite de Starmer, rappelant qu’il avait à plusieurs reprises parlé d’inscrire le Corps des gardiens de la révolution iranienne dans la liste des organisations terroristes.
Après les années Corbyn, Berger est optimiste quant-à l’avenir de la communauté juive britannique.
« Trois ans après toute cette histoire, les choses ont radicalement changé et nous avons maintenant, dans notre système bipartite, deux partis qui, je pense, soutiennent la communauté juive britannique. »
La JTA a contribué à cet article.
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