La Haye : Israël affirme que les allégations de « génocide » sont « sans fondement »
"Si actes de génocide il y a eu, ils ont été perpétrés contre Israël" ; les avocats affirment que les propos des ministres sur lesquels s'appuient Pretoria ne sont pas pertinents
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
LA HAYE – L’équipe juridique d’Israël à La Haye a attaqué les revendications fondamentales des allégations de génocide de l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice (CIJ) vendredi, et a creusé les accusations selon lesquelles les organes de l’État d’Israël ont une intention génocidaire contre les Palestiniens de Gaza au cours de la guerre actuelle contre le groupe terroriste palestinien du Hamas.
Les six représentants légaux d’Israël ont affirmé que la CIJ n’était pas compétente pour examiner les plaintes déposées par l’Afrique du Sud, car elles portent sur le droit des conflits armés et non sur le génocide ; ils ont fait valoir que les propos incendiaires « aléatoires » tenus par des hommes politiques israéliens ne reflétaient pas la politique définie par les organes de l’État qui élaborent la politique de guerre ; et ils ont insisté sur le fait que les considérables préjudices causés aux civils palestiniens pendant la guerre résultaient de l’utilisation massive par le Hamas d’infrastructures civiles à des fins terroristes, et non d’actes génocidaires.
Ils ont également souligné en profondeur les mesures prises par Israël pour avertir les civils d’évacuer les zones opérationnelles et pour fournir une assistance humanitaire aux civils palestiniens, notamment en facilitant l’établissement d’hôpitaux de campagne à Gaza pour aider les Gazaouis et atténuer les dommages qu’ils subissent.
Exposant les arguments d’Israël au début de l’audience de vendredi, le conseiller juridique du ministère des Affaires étrangères, Tal Becker, a dénoncé les arguments présentés jeudi par l’équipe juridique de l’Afrique du Sud comme étant « une histoire grossièrement dénaturée », avec des allégations « tordues ».
« Si actes de génocide il y a eu, ils ont été perpétrés contre Israël », a insisté Becker en référence aux atrocités perpétrées le 7 octobre par le Hamas qui ont déclenché la guerre, et en condamnant l’affirmation de l’Afrique du Sud selon laquelle Israël ne jouit pas du droit à l’auto-défense contre le groupe terroriste.
« Si le requérant prétend qu’Israël doit être privé de la capacité de défendre ses citoyens, le résultat absurde est que, sous couvert d’allégations de génocide, ce tribunal tente d’empêcher Israël de défendre ses civils contre un groupe qui poursuit un programme génocidaire à leur encontre », a déclaré Becker.
Il a déclaré qu’Israël s’était engagé à respecter le droit au milieu de la guerre, « mais il le fait face au mépris total du Hamas pour le droit », et a fait valoir que les « souffrances effroyables » des civils, israéliens et palestiniens, étaient le résultat de la stratégie du Hamas consistant à se cacher derrière des innocents.
« Le requérant a malheureusement présenté à la Cour un tableau factuel et juridique profondément dénaturé. L’ensemble de son argumentation repose sur une description délibérément orientée, décontextualisée et manipulatrice de la réalité des hostilités actuelles », a affirmé Becker.
« Il est difficile de trouver une accusation plus fausse et plus malveillante que l’accusation de génocide portée contre Israël. »
Prenant la parole après Becker, le professeur Malcolm Shaw a cherché à saper le fondement même de l’argumentation de l’Afrique du Sud contre Israël, à savoir qu’il a une intention génocidaire contre les Gazaouis, malgré certains propos non spécifiques tenus par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le ministre de la Défense Yoav Gallant, le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir et d’autres que l’Afrique du Sud a cités comme preuve qu’Israël cherche à détruire le peuple palestinien.
Shaw a affirmé que Pretoria a présenté une « image déformée » de déclarations faites par les hommes politiques israéliens sur la guerre afin d’établir l’intention génocidaire d’Israël, et souligne que seules les décisions politiques du cabinet de guerre israélien restreint et du cabinet de sécurité plus large sont pertinentes pour déterminer la politique israélienne dans la guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas en cours à Gaza, et que les commentaires des ministres en dehors du contexte de ces organes n’étaient donc pas pertinents pour déterminer l’intention génocidaire.
« Ce sont les décisions collectives de ces organes qui ont des dispositions contraignantes (…). Pour déterminer la politique et les intentions du gouvernement d’Israël, il est nécessaire d’examiner les décisions du cabinet de sécurité et du cabinet de guerre », a-t-il souligné.
« Produire des citations aléatoires qui ne sont pas conformes à la politique du gouvernement est au mieux trompeur », a déclaré Shaw à propos des allégations de l’Afrique du Sud.
Il a cité à titre d’exemple une réunion du cabinet de sécurité du 29 octobre au cours de laquelle le Premier ministre déclare à maintes reprises que « nous devons empêcher une ‘catastrophe humanitaire’ et le Premier ministre indique des solutions possibles pour l’approvisionnement en eau, en nourriture et en médicaments, ainsi que pour l’augmentation du nombre de camions [d’aide humanitaire] » dans la bande de Gaza.
Shaw a également cité des directives de l’armée israélienne en vigueur depuis le 7 octobre, dont l’une affirmant que « les attaques seront uniquement dirigées vers des cibles militaires [terroristes] tout en adhérant aux principes de distinction, de proportionnalité, en prenant des précautions dans les attaques pour réduire les dommages collatéraux ». Le professeur a souligné qu’il s’agit d’une directive qui lie tous les soldats de Tsahal.
« Si les allégations de génocide devenaient la monnaie courante des conflits armés, où qu’ils se produisent, l’essence même de ce crime serait perdue », a-t-il déclaré.
Dans une autre partie critique de la défense d’Israël, la Dr. Galit Raguan a insisté auprès du tribunal sur le fait que les politiques israéliennes consistant à avertir les civils palestiniens d’évacuer les zones de guerre, ainsi qu’à fournir une aide humanitaire, démontraient qu’il n’y avait même pas de plausibilité aux affirmations de l’Afrique du Sud selon lesquelles Israël se livre à un génocide.
Listant de nombreux efforts israéliens pour faciliter l’acheminement d’aide humanitaire, notamment des ambulances, des incubateurs hospitaliers, la fourniture de nourriture, d’eau et de médicaments, l’établissement de quatre hôpitaux de campagne et de deux hôpitaux flottants en mer Méditerranée, et le fait que le Hamas vole l’aide humanitaire, Raguan a expliqué que cela va à l’encontre de l’idée qu’Israël cherche à détruire le peuple palestinien à Gaza.
« À elle seule cette [liste] non-exhaustive suffit à démontrer à quel point les allégations des Sud-Africains sont tendancieuses et à quel point les allégations de génocide sont sans fondement », a-t-elle déclaré.
Raguan a également passé en revue de manière détaillée l’utilisation tous azimuts par le Hamas des infrastructures civiles de Gaza à des fins terroristes, montrant des photos de roquettes tirées depuis l’intérieur d’écoles de l’ONU et à côté d’usines de dessalement de l’eau, de lance-roquettes cachés dans les locaux d’une branche des scouts à Gaza et de tunnels à l’intérieur de complexes hospitaliers, et décrivant l’utilisation par le groupe terroriste de mosquées et d’installations de l’ONU pour ses opérations terroristes.
Elle a également pris l’Afrique du Sud à partie pour son allégation selon laquelle une partie du génocide supposé d’Israël consistait en ses attaques contre des hôpitaux et des établissements de soins de santé à Gaza, sans mentionner pourquoi Tsahal menait de telles opérations.
« Dans chaque hôpital que Tsahal a fouillé à Gaza, il a trouvé des preuves que le Hamas l’utilisait », a souligné Raguan.
Elle a notamment noté que le Hamas avait retenu des otages israéliens dans le sous-sol de l’hôpital Rantisi, tiré des roquettes sur les troupes israéliennes depuis les marches de l’hôpital al-Shifa, creusé un système de tunnels militaires sous al-Shifa dans Gaza City, mené des opérations terroristes depuis un hôpital à Jabaliya, et que lors d’une opération, 80 terroristes du Hamas retranchés à l’intérieur de l’hôpital al-Shifa s’étaient rendus aux soldats israéliens.
« Il s’agit d’une grave violation du droit international qui met en danger les patients et le personnel (…). Oui, des dommages et des préjudices ont été causés, parfois par des tirs de Tsahal, parfois par des tirs du Hamas, mais toujours en conséquence directe de la méthode de guerre odieuse du Hamas », a insisté Raguan.
Elle a également dénoncé les affirmations de l’Afrique du Sud selon lesquelles les avertissements d’Israël aux civils pour qu’ils évacuent leurs maisons constituaient un effort pour détruire la vie des Palestiniens à Gaza et donc un acte génocidaire.
« Le requérant prétend étonnamment que ces efforts [d’avertissement d’évacuation] sont eux-mêmes génocidaires, une mesure destinée à atténuer les dommages causés aux civils, est la preuve, selon le requérant, de l’intention d’Israël de commettre un génocide, alors qu’elle prouve en fait exactement le contraire », a-t-elle déclaré.
« Israël retarderait-il son incursion terrestre pendant des semaines, investirait-il des ressources massives pour dire aux civils où, quand et comment aller [évacuer], pour quitter les zones de combat ? Si Israël cherchait à commettre un génocide, maintiendrait-il une équipe d’experts dévoués dont le seul rôle est d’apporter de l’aide alors qu’ils sont eux-mêmes attaqués », a demandé Raguan.
À la suite de ces arguments, Christopher Staker a rejeté une à une les neuf mesures provisoires que l’Afrique du Sud a demandé à la Cour de prendre à l’encontre d’Israël, en particulier la demande visant à ce que la Cour ordonne à Israël de cesser ses opérations militaires.
Staker a fait valoir que cette demande visait à protéger le Hamas de la réponse d’Israël aux atrocités qu’il a perpétrées le 7 octobre, et qu’elle encouragerait le groupe terroriste à répéter ces outrages.
« Ces mesures provisoires empêcheraient Israël de défendre ses citoyens, mettraient un plus grand nombre de citoyens en danger d’être attaqués, violés et torturés [par le Hamas], et les mesures provisoires empêcheraient Israël de faire quoi que ce soit », a-t-il expliqué.
« Si elles sont autorisées, cela impliquerait qu’en cas d’attaques terroristes commises par un groupe terroriste reconnu contre un autre État, une tierce partie demandant des mesures provisoires pourrait empêcher l’État attaqué de se défendre », a déclaré Staker.
« Les morts et les souffrances humaines inévitables dans tout conflit ne constituent pas en soi un modèle de comportement démontrant une intention génocidaire. Ces mesures conservatoires ne relèvent donc pas des statuts de la Cour », a-t-il ajouté.
Résumant la défense israélienne, le Dr. Gilad Noam a insisté sur le fait que la Cour n’avait pas de « compétence prima facie » puisque Pretoria n’avait pas suivi les procédures diplomatiques et bureaucratiques correctes, un point soulevé plus tôt par Shaw qui a décrit le comportement de l’Afrique du Sud à cet égard comme étant « fallacieux ».
Plus substantiellement, il a déclaré à la Cour que si elle acceptait les revendications de l’Afrique du Sud, cela enhardirait les groupes terroristes et leur fournirait une couverture pour commettre des crimes contre l’humanité à l’avenir, comme l’a fait le Hamas le 7 octobre.
« Faire droit à la demande du requérant affaiblirait les efforts déployés pour punir le génocide et, au lieu d’être un instrument de prévention des horreurs terroristes, la Cour deviendrait une arme aux mains de groupes terroristes qui n’ont aucune considération pour l’humanité et l’État de droit », a affirmé Noam.
Accéder à la demande de mesures conservatoires de l’Afrique du Sud « signalerait aux groupes terroristes qu’ils peuvent commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité et demander ensuite la protection de cette Cour », a ajouté Noam.
« Nous sommes témoins d’un effort concerté et cynique pour pervertir la signification du génocide lui-même », a souligné Noam à propos du recours déposé par Pretoria auprès de la CIJ.
« La foi qui a été placée dans le droit international est un atout trop précieux pour être gaspillé. Nous demandons à la Cour de ne pas s’engager sur cette voie dangereuse. »
L’Afrique du Sud, qui a saisi la CIJ en décembre, a demandé jeudi aux juges d’imposer des mesures d’urgence ordonnant à Israël de mettre immédiatement fin à son opération militaire à Gaza.
Israël a rejeté les accusations de génocide comme étant sans fondement et a déclaré que l’Afrique du Sud agissait en tant qu’émissaire du groupe terroriste du Hamas, qui cherche à éliminer l’État juif. Il affirme que les forces israéliennes ciblent les terroristes du Hamas, et non les civils palestiniens, mais que les pertes civiles dans les combats sont inévitables car les terroristes opèrent au sein de la population.
L’allégation de l’Afrique du Sud selon laquelle Israël commet un génocide contre les habitants de Gaza repose en grande partie sur l’affirmation selon laquelle les commentaires incendiaires de ministres israéliens de haut rang ayant un droit de regard sur la politique de guerre démontrent l’intention de tuer des civils.
Toutefois, le dossier n’a pas présenté de preuves de faits sur le terrain pour étayer l’allégation d’intention génocidaire.
La Convention sur le génocide de 1948, promulguée à la suite de l’assassinat massif des Juifs lors de la Shoah, définit le génocide comme « des actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».
L’Afrique du Sud post-apartheid défend depuis longtemps la cause palestinienne, une relation forgée lorsque la lutte du Congrès national africain (ANC) contre la domination des minorités blanches était encouragée par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat.
La Cour devrait se prononcer sur d’éventuelles mesures d’urgence dans le courant du mois, mais ne se prononcera pas à ce moment-là sur les allégations de génocide – cette procédure pourrait prendre des années.
Les décisions de la CIJ sont définitives et sans appel. La Cour n’a aucun moyen de les faire appliquer, mais les ignorer pourrait avoir d’importantes ramifications internationales.
La guerre a été déclenchée par le massacre du 7 octobre perpétré par le Hamas, lorsque quelque 3 000 terroristes ont fait irruption à la frontière par voie terrestre, aérienne et maritime, tuant quelque 1 200 personnes et prenant plus de 240 otages de tous âges.
Se jurant de détruire le groupe terroriste après cet assaut dévastateur, Israël a lancé une vaste opération militaire à Gaza, qui, selon le ministère de la Santé dirigé par le Hamas, aurait fait plus de 23 000 morts depuis lors. Les chiffres publiés par le groupe terroriste sont invérifiables, et ils incluraient ses propres terroristes et hommes armés, tués en Israël et à Gaza, et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza. Tsahal a éliminé 8 500 terroristes palestiniens dans la bande de Gaza, en plus des quelque 1 000 terroristes qui se trouvaient à l’intérieur d’Israël le 7 octobre.