La nouvelle « bière de la bordure de Gaza » aidera les exploitants du sud d’Israël
Alexander Beer reversera les bénéfices des ventes de ses bières, fabriquées à partir de blé ayant survécu aux champs incendiés par des engins incendiaires lancés depuis Gaza
- Ori Sagi, fondateur et PDG de la brasserie Alexander Beer à Tel Aviv, août 2011. (Moshe Shai/ Flash90)
- Photo non datée d'un agriculteur israélien de la région de Gaza conduisant son tracteur près d'un champ apparemment incendié par un cerf-volant en feu venant de la bande de Gaza. (Autorisation)
- Employés travaillant à la brasserie Alexander Beer près de Hadera. (Autorisation)
- Des pompiers israéliens éteignent un incendie dans un champ de blé causé par des cerfs-volants incendiaires de manifestants palestiniens, près de la frontière avec la bande de Gaza, le 30 mai 2018. (Yonatan Sindel/Flash90)
Les amateurs de bière israéliens qui cherchent à se faire plaisir sans culpabiliser peuvent désormais siroter en solidarité avec les agriculteurs du sud assiégés d’Israël.
La brasserie artisanale Alexander Beer a récemment lancé une édition spéciale de la bière de blé « Otef Aza » (Bordure de Gaza), fabriquée en partie à partir de blé récolté dans les champs appartenant aux communautés israéliennes qui bordent Gaza.
Ce printemps et cet été, de vastes pans des champs de blé du sud ont été détruits par des incendies déclenchés par des engins incendiaires lancés par des Palestiniens depuis Gaza.
« J’ai grandi dans une famille d’agriculteurs au kibboutz Misgav Am, dans le nord, et voir les champs brûler me rend triste. J’ai décidé que je devais faire quelque chose pour les aider. Ce n’est pas une déclaration politique. C’est une question de solidarité », a déclaré le fondateur et PDG d’Alexander Beer, Ori Sagi, lors d’une récente interview à la brasserie de la zone industrielle d’Emek Hefer près de Hadera. Tous les bénéfices de la vente de la bière iront aux agriculteurs israéliens », a-t-il dit.

Depuis mars 2018, plus de 400 hectares de terres agricoles – principalement du blé – dans la zone frontalière de Gaza ont été incendiés. Cela s’est traduit par des pertes d’au moins 1,7 million de dollars pour les agriculteurs israéliens. De plus, plusieurs centaines d’hectares de forêts, de zones boisées et de réserves naturelles ont été détruits.
Afin d’éviter des pertes supplémentaires pour les producteurs de blé, à la fin du printemps dernier, le gouvernement israélien les a exhortés à faire leur récolte le plus tôt possible. Le gouvernement a offert aux agriculteurs 60 shekels (15 euros) pour chaque 1 000 m2 récolté. Le ministère de l’agriculture a annoncé à l’époque que 2 millions de shekels avaient été alloués pour l’indemnisation des agriculteurs, qui devaient être versés par le département des taxes foncières de l’État.
Pour certains agriculteurs, c’est une goutte d’eau dans l’océan.

« Il s’agit de faire prendre conscience au public de la situation déchirante dans laquelle se trouvent les agriculteurs », a expliqué M. Sagi.
Les amateurs d’Alexander Beer qui s’attendent à un goût unique pour cette édition spéciale seront déçus. Elle est très semblable à la bière de blé à 5 % d’alcool et au goût léger de la brasserie et est fabriquée à partir des ingrédients habituels : eau, orge maltée, blé, houblon et levure.
« Des gens m’ont demandé si la bière était censée avoir un goût fumé », raconte Sagi le plus sérieusement du monde. Cette journaliste l’a goûté et peut confirmer que ce n’est pas le cas.
Alexander Beer est l’une des microbrasseries qui a lancé le boom de la bière artisanale israélienne au cours de la dernière décennie. Après sa démobilisation de l’armée de l’air israélienne en 2007, après une carrière de 30 ans comme pilote, Sagi, 54 ans, a décidé de devenir maître-brasseur. Mettant à profit sa passion pour le brassage et son diplôme d’études commerciales, il a lancé Alexander Beer il y a huit ans avec l’appui d’investisseurs, dont les restaurateurs Yoram et Ari Yarzin.
Aujourd’hui, Alexander Beer compte 12 employés et produit régulièrement six sortes de bières différentes, ainsi que des bières en édition spéciale plusieurs fois par an. « Otef Aza » est la première pour une œuvre de charité.
La brasserie produit 50 000 litres de bière – bouteilles et fûts confondus – par mois, qui sont disponibles dans les bars, restaurants et supermarchés sélectionnés où les bouteilles de 330 ml se vendent environ 10 shekels (2,50 euros) chacune.

Alors que les employés de la brasserie enfilaient des bottes en caoutchouc de haute qualité, pour rincer les cuves de fermentation et autres équipements pour le week-end, Sagi explique en quoi le nom et le logo de son entreprise – une tortue avec des ailes – représentent sa philosophie.
« La bière artisanale doit être liée à l’endroit où elle est fabriquée. Nous devons notre nom à la rivière Alexander qui coule près d’ici, et il y a des tortues dans la rivière », dit Sagi. Les tortues sont bien connues pour leur lenteur, et c’est exactement comme ça que Sagi estime que se fait une bonne bière.
« Une bière artisanale, c’est comme le pain. Il doit être frais et local », précise-t-il.
Le défi, bien sûr, est de brasser de la bière « locale » lorsque les ingrédients clés sont importés. Par exemple, l’orge maltée et le houblon utilisés par Sagi sont importés des États-Unis et d’Europe.
« Il fait tout simplement trop chaud en Israël pour cultiver du houblon », explique Sagi.

Afin d’être aussi israélien que possible avec sa bière, Sagi utilise du blé non malté local dans sa bière de blé, ce qui pose un défi technique pour le brassage. Pour l’édition spéciale « Milk and Honey », en collaboration avec la brasserie danoise Mikkeller, du lactose, du miel et des écorces d’orange israéliens locaux ont été utilisés.
Selon Sagi, ses bières non pasteurisées et non filtrées sont conçues pour offrir plus de saveur et d’arôme que la bière industrielle (qui représente encore 95 % du marché israélien). Plusieurs des bières d’Alexander Beer ont remporté des médailles d’or et d’argent à l’European Beer Star et à la World Beer Cup, mais l’entreprise se concentre principalement sur le marché israélien.
L’entreprise n’investit pas dans la publicité traditionnelle : « Notre façon de mettre en valeur notre histoire, c’est de la raconter, d’apporter de nouvelles bières et d’organiser des événements. Nous comptons sur les réseaux sociaux et le bouche-à-oreille », explique M. Sagi.
Pour l’édition spéciale de la bière « Otef Aza », Sagi a acheté du blé à un distributeur qui travaille spécifiquement avec les agriculteurs dont les champs bordent Gaza. Jusqu’à présent, 25 000 bouteilles et 1 600 litres en fûts de bière ont été brassés et conditionnés.

« La réaction a été énorme, plus grande que pour toutes nos éditions spéciales dans le passé. Nous avons reçu beaucoup de commentaires positifs », indique Sagi.
Sagi ne peut pas encore dire quelle sera la marge bénéficiaire exacte par bouteille ou par litre, mais il est certain que le don aux agriculteurs se chiffrera « en dizaines de milliers de shekels ».
Reuven Nir, responsable des terres du kibboutz Mefalsim et du kibboutz Kfar Aza, a indiqué que 100 des 700 hectares de blé qu’il avait récoltés avaient été détruits par des cerfs-volants incendiaires. Il s’est dit reconnaissant de l’initiative d’Alexander Beer et de l’argent supplémentaire que cela représente en plus de l’indemnisation octroyée par le gouvernement.
« Nous avons toujours vendu notre blé pour faire du pain, jamais pour de la bière. Il s’agit d’un nouveau produit dont nous pouvons tirer profit », a ajouté M. Nir.
Danny Rahamim, un agriculteur du kibboutz Nahal Oz, où 20 % de ses 500 hectares de blé ont brûlé, s’est dit impressionné quand il a rencontré Sagi et les autres membres d’Alexander Beer.
« Je ne suis pas naïf. Je sais qu’il y a un aspect de relations publiques à cela. C’est bien qu’ils nous aident, mais même si nous ne réalisons pas de bénéfices, c’est bien de savoir que les gens se soucient de nous », confie Rahamin.
Nir se réjouit que l’initiative vise à sensibiliser les gens. « Nous souffrons beaucoup de cette situation. Nous soutenons la paix, mais il semble que l’autre partie ne soit pas disposée à faire de compromis », a-t-il fait remarquer.
« Il est important que les gens sachent que nous faisons face à de grandes difficultés. Il n’y a pas que les dégâts causés par les incendies. Il y a eu des coups de feu de l’autre côté de la frontière, et il y a même eu des morts« , a déploré M. Rahamin.
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