« La peur est désormais dans notre ADN » : sans attaques du Hezbollah, deux villes frontalières se remettent peu à peu
Les 15 mois de guerre ont eu des conséquences "physiques et émotionnelles" sur les habitants évacués de Mattat et ceux qui sont restés dans la ville druze de Hurfeish

Karmit Arbel Rumbak compare le retour de sa famille à Mattat, dans le nord d’Israël, à l’histoire de Boucle d’or et des trois ours, qui demandent : « Qui a dormi dans mon lit ? »
Après leur évacuation et 15 mois passés loin de chez eux à cause de la guerre contre le Hezbollah, Rumbak dit que, dans le cas de sa famille, ils se demandent : « Quel animal a fait son nid dans nos lits ? »
Roquettes et drones du Hezbollah ont en effet endommagé une vingtaine de maisons au sein de cette communauté de 50 familles installée au sommet d’une colline, à 600 mètres seulement de la frontière libanaise. Les roquettes ont cassé une fenêtre de la maison de Rumbak, ce qui a permis à toutes sortes d’animaux sauvages d’entrer.
Mais Rumbak assure qu’elle a de la chance. Dans d’autres maisons, les rats ont rongé les fils électriques et uriné dans les murs, en laissant une odeur dont il est difficile de se débarrasser.
« C’est pire que les roquettes », assure Rumbak.
Les habitants de Mattat ont fait partie des 60 000 Israéliens vivant dans 32 communautés du nord du pays évacués par le gouvernement pendant les 14 mois de guerre contre le Hezbollah. Connus pour leur individualisme et leur mode de vie original, ils ont, en véritables symboles de résilience, pris le chemin du retour.

Le cessez-le-feu conclu fin novembre tient bien que le délai de 60 jours pour qu’Israël et le Hezbollah retirent leurs forces du sud du Liban soit désormais dépassé.
Des affrontements meurtriers ont eu lieu le 26 janvier dernier lorsque des centaines de Libanais, dont des membres du Hezbollah, se sont dirigés vers des soldats israéliens en faisant fi des tirs de sommation et des appels à rebrousser chemin.
Depuis, Israël et le Liban se sont accordés pour proroger jusqu’au 18 février prochain la date limite de retrait des soldats israéliens du sud-Liban.
Rumbak explique que la moitié des habitants de Mattat sont de retour après « des mois passés dans la diaspora ».
Des travaux sont en cours pour remettre en état la maternelle, le terrain de jeu et le centre communautaire.
Pendant la guerre, les Rumbak ont déménagé à 10 reprises en Israël : ils ont passé une partie de ce temps dans une structure temporaire, sur un terrain de camping, où elle faisait la vaisselle sous la pluie. Elle n’avait aucun doute sur le fait qu’elle reviendrait à Mattat en même temps que d’autres familles dont les enfants suivent les cours de l’École de la Forêt, une école primaire unique en son genre dont les cours – mathématiques, anglais, sciences – ont lieu dans une forêt toute proche.

« Je ne ferme toujours pas ma porte à clef », assure Rumbak, guide touristique pour groupes désireux de mieux connaitre les communautés de Galilée et de « savoir qui sont leurs voisins ».
« Druzes, chrétiens, Circassiens, musulmans et juifs vivent ensemble dans cette région », explique Rumbak. « C’est cet Israël que je veux voir. »
Solitude et obscurité durant la guerre
« Depuis le 7 octobre, la peur est dans notre ADN », confie Shay Herz, un habitant de Mattat, en parlant de ce jour de 2023 qui a vu des terroristes dirigés par le Hamas prendre littéralement d’assaut le sud d’Israël pour y tuer 1 200 personnes et faire 251 otages, essentiellement des civils, ensuite séquestrés à Gaza.
Dès le lendemain, 8 octobre, le Hezbollah commençait à attaquer sur une base quasi-quotidienne les communautés israéliennes et postes militaires situés le long de la frontière, officiellement en gage de soutien à Gaza en proie à la guerre. Ces attaques ont tué 46 civils ainsi que 80 soldats et réservistes de Tsahal lors d’escarmouches transfrontalières.

On craint toujours que le Hezbollah prépare une attaque contre Israël semblable au pogrom commis par le Hamas le 7 octobre. Les deux organisations terroristes souhaitent la destruction d’Israël dont ils considèrent le territoire souverain comme étant « occupé ».
Pendant la guerre, Herz est resté à Mattat, où il vit depuis 2004. Il a lui-même construit sa maison et deux tzimmers – des gîtes touristiques – à partir de matériaux de chanvre, au beau milieu des arbres. En moins de temps qu’il ne le faut pour le dire, un arbre a poussé à travers la chambre du deuxième étage.

Depuis son salon, on a une vue plongeante sur la cime des arbres puis, au loin – pas si loin que ça -, sur le Liban. Herz dit avoir passé de nombreuses et longues nuits, seul, pendant cette guerre. Pour ne pas allumer la lumière, c’est à la lueur de la lampe de poche de son téléphone portable qu’il cuisinait et lisait.
« C’était très difficile d’être seul sans mes proches », confie Herz. « Maintenant, j’éprouve davantage d’espoir et d’optimisme. »

Supporter la guerre
Les 7 000 habitants de la ville druze voisine de Hurfeish, à 5 kilomètres de la frontière libanaise, n’ont pas été évacués et ont donc supporté la guerre sur place.
Les hommes druzes servent dans l’armée israélienne et deux soldats originaires de cette ville très unie sont morts au combat.

En temps normal, Hurfeish est une destination prisée des touristes, mais pendant la guerre, ses rues étaient vides et la plupart des entreprises avaient fermé. La ville a souvent été la cible du Hezbollah, notamment lors d’une attaque, en juin 2024, par des drones chargés d’explosifs qui ont tué un soldat et blessé 10 personnes.
« La guerre nous a affectés physiquement mais aussi émotionnellement », confie Haifa Amer, propriétaire des Confitures & Autres Douceurs d’Hurfeish, boutique située dans une rue pittoresque, tout près de la rue principale.
« Nous ne pouvions ni travailler, ni sortir de chez nous et les enfants ne pouvaient pas aller à l’école », se rappelle Amer.

Petit à petit, les clients reviennent dans sa boutique, là où elle donne des conférences sur la façon de préparer des confitures maison, de moudre les épices et de faire des tisanes, des savoirs hérités de son grand-père, Ali Amer.
Elle montre au Times of Israel des mélanges pour infusions et herbes locales qui, selon elle, aident à lutter contre les congestions et autres maux de ventre, sans oublier un mélange à base de gingembre et cannelle pour les femmes après l’accouchement.

Fondée au 10ème siècle, la religion druze est une branche de l’islam. Un million de Druzes vivent en Syrie et au Liban – lieu de plus forte population – et près de 150 000 en Israël. La communauté est particulièrement unie.
Vêtue de la traditionnelle robe noire et du voile blanc qui lui recouvre la tête, Amer se présente comme une femme indépendante qui fait des études tout en dirigeant sa propre entreprise.
« C’est la foi qui me donne la force de vivre », confie-t-elle. Ce qui ne l’empêche pas d’ajouter que la situation dans le nord demeure incertaine.
« Je ne pense pas que la guerre soit finie », dit Amer.
À quelques pâtés de maisons de là, Nassem Faris, qui gère avec son mari Monib la pâtisserie/café Nassem, dans la rue principale, évoque les difficiles mois de guerre.
Pendant plus d’un an, elle n’a eu aucun client, si ce n’est les soldats stationnés dans les environs qui venaient manger les desserts faits maison de Nassem dans ce café lumineux, décoré d’œuvres d’art et de photos de stars hollywoodiennes.
« Même quand c’était dangereux, nous restions debout toute la nuit pour les soldats », explique Monib en évoquant l’abri souterrain à l’intérieur duquel ils allaient souvent se réfugier lors des tirs de roquettes.

C’est la « guerre la plus dure de tous les temps » qu’ait connu Israël, estime Monib, ancien journaliste de télévision qui a, de ce fait, couvert de nombreux événements dans le pays.
« Comment l’armée a-t-elle pu laisser les terroristes entrer dans le sud ? », demande-t-il à voix haute, sans pour autant attendre de réponse.
« Les Druzes de Syrie et du Liban sont en danger », estime Monib. « Les Druzes d’Israël vivent au paradis. Il est important pour nous, Druzes, de sentir que l’État juif est derrière nous. »
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