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La proportion de Juifs en Europe : aussi faible aujourd’hui qu’il y a 1 000 ans

L'étude menée par l'Institute for Jewish Policy Research a révélé que 1,3 million de personnes se disent juives en Europe continentale, au Royaume-Uni, en Turquie et en Russie

Une patrouille de commando para belge à proximité d'une synagogue au centre d'Antwerp en Belgique, le 17 janvier 2015.(AP Photo/Virginia Mayo)
Une patrouille de commando para belge à proximité d'une synagogue au centre d'Antwerp en Belgique, le 17 janvier 2015.(AP Photo/Virginia Mayo)

AMSTERDAM (JTA) – La proportion de Juifs dans la population européenne est aussi faible aujourd’hui qu’il y a 1 000 ans et elle diminue encore, selon une nouvelle étude démographique.

L’étude publiée mercredi par l’Institute for Jewish Policy Research, basé à Londres, a révélé que 1,3 million de personnes se disent juives en Europe continentale, au Royaume-Uni, en Turquie et en Russie.

Ce chiffre a diminué de près de 60 % depuis 1970, année où l’on comptait 3,2 millions de Juifs dans la même région, ont écrit les auteurs du rapport, Daniel Staetsky et Sergio Della-Pergola.

Ce déclin, qui prend en compte la mort d’environ 6 millions de Juifs européens lors de la Shoah, est notamment attribuable à l’émigration de plus de 1,5 million de personnes suite à la chute du Rideau de fer, selon leurs données.

Mais l’Europe occidentale a elle aussi perdu 8,5 % de sa population juive depuis 1970. Elle compte aujourd’hui un peu plus d’un million de Juifs, contre 1 112 000 en 1970.

Des hommes portant la kippas à la synagogue de Halle, à l’est de l’Allemagne, au lendemain d’une fusillade antisémite meurtrière, le 10 octobre 2019 (Crédit : Ronny Hartmann/AFP)

La communauté juive d’Allemagne est dans une phase « terminale » car plus de 40 % de ses 118 000 Juifs ont plus de 65 ans, contre moins de 10 % pour les moins de 15 ans, selon l’étude. Cette constatation s’applique également à la Russie et à l’Ukraine, et « laisse présager des taux de mortalité élevés et un futur déclin démographique inévitable », selon l’étude.

Ce projet est sans doute l’enquête sur la démographie juive la plus complète jamais réalisée en Europe. Sa portée est plus grande que celle d’une enquête de l’Union européenne de 2018 – bien que la nouvelle enquête reprenne certaines informations du projet de l’UE de 2018. Elle s’appuie également sur les données officielles du recensement et sur les chiffres fournis par les différentes communautés juives, qui sont souvent structurées en organisations dont les membres sont officiellement recensés.

« La proportion de Juifs résidant en Europe est à peu près la même qu’à l’époque du premier recensement de la population juive mondiale effectué par Benjamin de Tudèle, un voyageur juif du Moyen Âge, en 1170 », écrivent les auteurs.

L’étude note également qu’il y a aujourd’hui en Europe 2,8 millions de personnes supplémentaires en droit d’immigrer en Israël sur la base de leurs racines juives – au moins un grand-parent juif – mais qui ne sont pas nécessairement juives elles-mêmes ou ne s’identifient pas comme telles.

La démographie du judaïsme européen aurait été « totalement différente » sans l’impact de la Shoah, a déclaré M. DellaPergola à la Jewish Telegraphic Agency lors d’une interview au sujet du rapport. « Mais c’était il y a 75 ans, et certaines tendances que nous constatons aujourd’hui, qui sont à l’origine du déclin, n’ont pas grand chose à voir avec le génocide », a-t-il ajouté.

Parmi ces tendances, il y a l’augmentation du nombre de mariages mixtes et la baisse de la natalité des couples juifs, qui correspond à la baisse générale du taux de natalité dans toute l’Europe au cours des dernières décennies.

En 1900, les Juifs d’Europe représentaient 83 % de la population juive mondiale. Selon l’étude, ils ne représentent plus que 9 % du nombre total de Juifs dans le monde aujourd’hui.

De jeunes immigrants de France, d’Afrique du sud, du Royaume-Uni et de Russie tiennent leurs nouvelles cartes d’identité israéliennes lors d’une cérémonie organisée par l’Agence juive à Jérusalem, le 14 octobre 2009 (Crédit : Miriam Alster/Flash 90)

Les chiffres du nouveau rapport différent considérablement des chiffres sur les membres fournis par des organisations telles que le Congrès juif européen et le Congrès juif mondial, qui sont souvent cités dans les recherches et les rapports.

Le site web du Congrès juif européen parle de 1 929 650 juifs en Europe aujourd’hui, soit près de 33 % de plus que le nombre indiqué dans le nouveau rapport. Le Congrès juif mondial compte 1 438 000 Juifs en Europe.

La France, qui compte la deuxième diaspora juive la plus importante après les États-Unis, est en grande partie responsable du déclin de l’Europe occidentale. Selon le rapport, la France compte actuellement 449 000 Juifs, contre 530 000 en 1970. Depuis l’an 2000, 51 455 Juifs français se sont installés en Israël, un chiffre nettement supérieur à celui de toute autre nation d’Europe occidentale. La Belgique est très loin derrière, avec 2 571 Juifs qui se sont installés en Israël.

Un membre de la communauté juive devant les pierres tombales brisées après la profanation de quelque 250 tombes, suite à une cérémonie au cimetière juif de Sarre-Union, à l’est de la France, le 17 février 2015. (Crédit : Patrick Hertzog/AFP)

Au rythme actuel, le Canada – qui, selon le Congrès juif mondial, compte actuellement environ 391 000 Juifs – dépassera bientôt la France en tant que deuxième plus grande communauté de la diaspora juive au monde derrière les États-Unis, a déclaré M. DellaPergola.

L’exode des Juifs de France est imputé, dans le rapport, à des opportunités économiques et la peur de l’antisémitisme.

« En France, aujourd’hui, un professeur d’histoire peut se faire décapiter dans la rue », a déclaré M. DellaPergola, évoquant l’assassinat de Samuel Paty, par un islamiste présumé près de Paris vendredi dernier. « Bien sûr, de nombreux juifs, y compris des Français, trouvent le Canada plus hospitalier. »

Le rapport montre également que la Turquie, qui comptait 39 000 Juifs en 1970, n’en compte plus que 14 600 aujourd’hui. Cette baisse est due à un faible taux de natalité et à un taux d’émigration élevé, sur fond d’antisémitisme croissant soutenu par le gouvernement, selon les Juifs turcs.

La Turquie n’est pas seule : « La faible fécondité est caractéristique des Juifs d’Europe, à l’exception des pays qui possèdent de grandes populations de Juifs strictement orthodoxes. Les mariages mixtes, qui viennent s’ajouter à la faible fécondité, complètent le tableau – ces deux facteurs combinés créent une situation où la capacité de reproduction de nombreuses populations juives européennes est faible et propice à un déclin numérique futur », indique le rapport.

Des femmes participent à une marche silencieuse en mémoire de Mireille Knoll, une survivante de la Shoah de 85 ans poignardée à mort dans son appartement parisien, pour dénoncer le racisme et l’antisémitisme, à Paris, le 28 mars 2018. (Crédit : AP/Thibault Camus)

Les taux de mariages mixtes sont les plus faibles en Belgique, où l’on estime que seulement 14 % des Juifs sont mariés à des non-Juifs. Ils sont les plus élevés en Pologne, où la proportion équivalente est de 76 %. Ce chiffre est de 24 % au Royaume-Uni, de 31 % en France et de plus de 50 % en Hongrie, aux Pays-Bas, au Danemark et en Suède.

Les conclusions du rapport sur l’Allemagne sont remarquables parce qu’elle a connu un afflux d’environ 200 000 Juifs de l’ex-Union soviétique après son effondrement en 1990. Cette vague, ainsi que l’immigration d’environ 10 000 Israéliens, ont revitalisé le judaïsme allemand. Mais les nouveaux arrivants n’ont pas réussi à modifier la trajectoire démographique de la communauté car beaucoup d’entre eux et leurs enfants se sont mariés entre eux, ont cessé de se considérer comme juifs, ont émigré ailleurs ou sont morts, montre l’étude.

Il y a quelques exceptions à ce tableau de déclin, et toutes se produisent dans des pays où la communauté juive compte un important contingent orthodoxe.

Les populations juives d’Autriche, de Belgique, du Royaume-Uni et de Suisse, qui comptent toutes d’importantes communautés strictement orthodoxes, « pourraient être en augmentation, ou du moins ne pas décliner », selon le rapport, qui se fonde sur les données officielles du recensement, les chiffres des communautés et l’enquête européenne de 2018.

En Belgique, où plus de la moitié des 29 000 Juifs du pays sont orthodoxes, 43 % des ménages juifs ont au moins quatre enfants, indique l’étude. Aux Pays-Bas, où les Juifs orthodoxes ne représentent qu’une infime minorité de la communauté juive de taille similaire, seuls 18 % des familles ont quatre enfants.

La Belgique connaît néanmoins ce que certains dirigeants de la communauté juive appellent un « exode silencieux », marqué par la vente d’anciennes synagogues et la fermeture d’écoles juives à Bruxelles.

Au Royaume-Uni, la minorité juive a diminué de 25 % depuis 1970 et compte désormais 295 000 membres, selon l’étude. Mais la communauté présente un potentiel de croissance, puisque 33 % de ses ménages ont au moins quatre enfants. (À titre de comparaison, ce chiffre est de 26 % en Allemagne et en France, de 25 % en Hongrie et de 21 % au Danemark).

Les conclusions du rapport sur le nombre d’Israéliens vivant en Europe sont également surprenantes, et elles sont en contradiction avec les estimations selon lesquelles des dizaines de milliers d’entre eux vivraient à Berlin. L’enquête affirme qu’il n’y a qu’environ 70 000 personnes nées en Israël qui vivent sur le continent européen, plus de la moitié d’entre elles résidant au Royaume-Uni (18 000), en Allemagne (10 000), en France (9 000) et aux Pays-Bas (6 000).

Un drapeau israélien brandi lors d’une manifestation pro-israélienne organisée pour dénoncer un rassemblement pour la Journée mondiale d’Al-Quds à Berlin, le 25 juillet 2014. (Crédit : AP Photo/Markus Schreiber)

Néanmoins, les Israéliens ont été une force stabilisatrice pour les communautés juives des pays où les communautés juives sont très petites. À titre d’exemple, ils représentent plus de 40 % de la population juive en Norvège, en Finlande et en Slovénie ; 20 à 30 % en Espagne, au Danemark, en Autriche et aux Pays-Bas ; et plus de 10 % au Luxembourg.

Dans l’ensemble, cependant, la tendance à la baisse qui restructure le judaïsme européen n’est pas susceptible de s’inverser, selon l’étude.

« Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que les tendances démographiques modifient radicalement leur cours », ont écrit les auteurs. Mais, ont-ils ajouté, « de telles modifications se sont en fait produites plus d’une fois dans la démographie juive européenne au cours des cent dernières années seulement ».

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