Les remarques du rabbin Riskin reflètent la méfiance envers Obama
La crique de la politique américaine vis-à-vis de l'Iran dépasse largement les courants sionistes-religieux
JTA – Pendant des années, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a comparé l’Iran à la Perse biblique, le royaume antique où le peuple juif a presque été anéanti par les mauvais desseins diaboliques du méchant Haman.
Mais quand un rabbin d’origine américaine, largement considéré comme un religieux modéré, qui a bâti l’une des synagogues orthodoxes les plus innovantes des États-Unis, a comparé Obama à Haman dans un discours samedi soir dernier, la réaction ne s’est pas faite attendre.
Des rabbins américains libéraux ont critiqué très durement Shlomo Riskin et l’association pour les droits de l’homme en Amérique du Nord, Truah, a recueilli plus de 260 signatures pour une pétition en ligne demandant qu’il présente des excuses.
« Le président des Etats-Unis tire à boulets rouges sur Israël comme Haman s’en était pris aux Juifs, avait déclaré Riskin, l’actuel rabbin d’Efrat, une implantation religieuse de Cisjordanie où vivent de nombreux immigrants anglophones. Et je ne fais pas une déclaration politique. J’essaie de faire une déclaration juive. »
Riskin a corrigé son propos mercredi dans une interview au JTA, en disant que c’est l’Iran – et non Obama – qui devrait légitimement être comparé à Haman. Mais son point de vue reflète la méfiance croissante des Israéliens envers Obama – d’autant plus au moment où le président fait tout ce qu’il peut pour parvenir à un accord sur le programme nucléaire de l’Iran -, qui amène occasionnellement à des comparaisons avec les pires ennemis du peuple juif.
En 2013, le Pew Research Center avait rapporté que 61 % des Israéliens avait un peu ou beaucoup confiance en Obama. Près de deux ans plus tard, seulement un tiers des Israéliens le perçoivent favorablement, selon un sondage réalisé par le Times of Israel. En 2014, un sondage du Times of Israel avait révélé que 64 % des Israéliens ne faisaient pas confiance à Obama pour empêcher l’Iran de se doter de l’ arme nucléaire iranienne. Un an plus tard, ils 72 % à ne pas faire confiance à Obama.
« Il y a une peur généralisée et une indignation par rapport au fait que Barack Obama permette à l’Iran de devenir un pays de seuil nucléaire, estime Yossi Klein Halevi, chercheur à l’Institut Shalom Hartman, un centre d’éducation et de réflexion pluraliste à Jérusalem. Les propos extrêmes comparant Obama aux ennemis historiques des Juifs viennent d’un sentiment répandu parmi les Israéliens que ce président nous a trahis. »
Les critiques sévères d’Obama parmi les résidents des implantations juives ne sont pas quelques chose de nouveau, pas plus que l’évocation de Haman à son propos.
Par exemple, en 2009, Shlomo Aviner, chef de file sioniste religieux et rabbin de l’implantation de Beit El, avait invoqué l’histoire de Pourim pour critiquer l’opposition d’Obama à l’expansion de la présence israélienne en Cisjordanie. Israël devrait agir comme Mordechaï, qui « ne se serait pas incliné ni prosterné » devant Haman, avait-il affirmé.
En 2012, la radio militaire israélienne a rapporté que Dov Lior, le rabbin de Kiryat Arba en Cisjordanie, avait également comparé Obama à Haman.
Alors qu’un accord avec l’Iran devient plus probable – malgré de fortes objections israéliennes -, les critiques contre Obama se sont même propagées jusqu’aux dirigeants du mouvement de la paix israélien. En mars, David Grossman, un auteur influent et éminent critique de Netanyahu, a défendu l’opposition du Premier ministre à propos de l’accord avec Iran, qualifiant Obama de « maladroit » et de « naïf » dans sa gestion des négociations.
« Il démontre même une naïveté criminelle en cherchant à tâtons de comprendre les complexités du Moyen-Orient », avait déclaré Grossman au journal italien La Repubblica.
Les remarques faites samedi par Riskin ont ajouté une dimension biblique à la critique d’Obama. Mais même si Riskin s’est exprimé devant un public religieux, les allusions à des histoires juives fondamentales résonnent également aux oreilles des Israéliens laïcs.
« En Israël, les comparaisons avec des héros ou des personnages de la Bible, ont une portée générale », explique Ilan Geal-Dor, le directeur exécutif de Gesher, une organisation de coopération entre religieux et laïcs. « Ce n’est pas spécifiquement religieux. »
Le public israélien n’a pas toujours perçu Obama défavorablement. L’étude Pew de 2013, publiée deux mois après la visite d’Obama en Israël, a révélé que 82 % des Israéliens croyait que la politique américaine au Moyen-Orient était juste ou favorable à Israël. Près de la moitié voulait voir Obama jouer un rôle plus important dans la résolution du conflit israélo-palestinien. La gestion par Obama de la situation en Iran, estime Halevi, a provoqué la chute de la réputation du président.
« Il n’y a pas de véritable débat quant à savoir si on peut faire confiance en Obama. Ce n’est pas vrai que les Israéliens étaient hostiles au président américain depuis le début. Plus nous nous rapprochons d’un accord, plus il va nous perdre. «