La synagogue d’Elbeuf parmi les 18 sites sélectionnés au Loto du patrimoine 2023
Le lieu a ouvert après l’arrivée dans la région de drapiers alsaciens juifs qui ont fui leur région après la guerre franco-prussienne de 1870 et l’annexion de l’Alsace
La synagogue d’Elbeuf (Seine-Maritime) figure, avec plusieurs abbayes, une ancienne cathédrale, une église, un moulin ou encore un pont-aqueduc, parmi les 18 nouveaux sites choisis par la Fondation du patrimoine pour l’édition 2023 du Loto du patrimoine, permettant leur sauvetage, a annoncé jeudi la Mission du patrimoine.
C’est la sixième édition de la Mission pour la sauvegarde du patrimoine en péril, confiée à l’animateur Stéphane Bern.
L’abbaye de Saint-Antoine à Saint-Antoine-l’Abbaye (Isère) et celle de Saint-Jean à Sorde-l’Abbaye (Landes) ainsi que l’ancienne cathédrale Saint-Vincent à Mâcon (Saône-et-Loire) sont parmi les autres heureux élus.
Parmi les autres sites aussi choisis cette année : la maison-atelier de potier Wingerter-Ruhlmann à Betschdorf (Bas-Rhin), le pont-aqueduc romain à Ansignan (Pyrénées-Orientales), le moulin du Pavé dit de Brissac aux Garennes-sur-Loire (Maine-et-Loire), l’institut de biologie marine Michel Pacha à La Seyne-sur-Mer (Var) ou l’ancienne sucrerie de l’Habitation Belleville à Trois-Rivières en Martinique.
Les dotations accordées grâce au Loto du patrimoine seront annoncées lors des prochaines Journées européennes du patrimoine, en septembre.
Depuis la première édition en 2018, la Mission du patrimoine a aidé 762 sites pour leurs travaux de restauration, dont 108 projets emblématiques du patrimoine régional et 654 sites départementaux.
Aujourd’hui, plus de 60 % sont d’ores et déjà sauvés ou sur le point de l’être : 230 sont terminés et 240 chantiers sont en cours.
L’édition 2021 du Loto avait battu un record en collectant plus de 28 millions d’euros. Depuis son lancement, ce Loto a apporté plus de 125 millions d’euros, dont plus de 26 millions en 2022.
La synagogue de la rue Grémont à Elbeuf, en Seine-Maritime en région Normandie, a ouvert en 1909. Fermée il y a une dizaine d’années, elle n’accueille plus aucune cérémonie et se trouve aujourd’hui en état d’abandon : les pigeons y ont élu domicile, les plafonds tombent et s’aventurer à l’étage peut s’avérer périlleux.
Afin de sauver l’édifice religieux, reconnu officiellement « Monument historique » en 2009, un mouvement citoyen s’était lancé il y a peu afin de récolter les fonds nécessaires à sa rénovation – un projet qui coûterait au moins 3 millions d’euros, selon un devis établi avant l’inflation, a rapporté le journal Paris-Normandie.
« J’ai découvert la synagogue à la faveur des Journées du patrimoine en 2019 », a expliqué au journal Steve Jullien, conseiller municipal délégué à la culture et aux patrimoines. « Elle avait été nettoyée, le toit était intact. »
Depuis, « les pigeons ont fait beaucoup de dégâts », explique Magali Adam, adjointe au maire et membre de l’Association des amis de la synagogue d’Elbeuf. Elle ajoute que sa cousine, Juive, qui vit aux États-Unis, s’intéresse au lieu. Elle a d’ailleurs participé au financement des plaques pour protéger les étoiles jaunes, peintes pendant l’Occupation, sur la façade arrière du bâtiment. « Les étoiles jaunes peintes sur ce mur (1940-1944) témoignent de la haine antisémite des fascistes. Elles ont été protégées afin de perpétuer la mémoire des périls mortels du racisme », indique une plaque mémorielle dévoilée en 2014, lors d’une cérémonie ayant notamment rassemblé Beate Klarsfeld, Djoudé Merabet, maire d’Elbeuf, Marie Lippman, présidente de l’association « American Friends of the Elbeuf Synagogue », Guillaume Bachelay, député de Seine-Maritime, Robert Tate, consul des États-Unis en poste à Rennes, Simon Sender, président de la synagogue d’Elbeuf, et Marc Benhaim, président de la communauté juive de Rouen.
Nassim Lévy, président de l’Association culturelle des amis de la synagogue d’Elbeuf et président du Consistoire régional, a rappelé que la synagogue appartenait au Consistoire de Normandie. « L’an dernier, nous avons fait réparer la toiture parce qu’il y avait des infiltrations d’eau », a-t-il expliqué. « Mais les pigeons continuent à entrer et il faudrait nettoyer. J’ai fait faire un devis et il faut compter de 7 à 10 000 €. Nous n’en avons pas les moyens et comptons sur la Ville pour s’en charger. »
Après avoir été retenu par la Mission du patrimoine, face à deux autres projets normands emblématiques, la Direction régionale des affaires culturelles devrait prendre en charge 20 % des travaux de la première tranche estimée à 500 000 €, et le complément serait pris en charge par la Fondation. Le montant sera connu en septembre. « Pour le reste, nous irons tirer les sonnettes comme nous l’avons fait pour La Maison sublime », explique M. Klein. Cela se fera ainsi notamment auprès des collectivités locales, de la Région, du Département, de la Métropole et de la Ville d’Elbeuf.
Il explique ainsi que la synagogue a un intérêt « patrimonial car c’est le dernier exemple architectural du style judéo-mauresque à la mode au XIXe siècle ; historique car elle est représentative de l’histoire économique, sociale et religieuse de cette même époque ; mémoriel car les étoiles jaunes sur le mur rue Fraenckel, les dernières en France, témoignent de l’histoire du judaïsme contemporain et de la Shoah ».
La synagogue devrait ainsi être transformée en lieu culturel.
Un musée du judaïsme normando-alsacien retraçant l’histoire des industriels du textile qui se sont installés à Elbeuf dans le dernier tiers du XIXe siècle verrait le jour sur les deux étages de la synagogue. Un « lieu œcuménique » lié à la diversité de la population elbeuvienne et qui pourrait abriter un atelier de calligraphie juive et arabe s’installerait dans la salle du rez-de-chaussée. Enfin, un lieu de spectacle accueillerait des prestations musicales et chorégraphiques juives et arabes.
Aussi, un projet touristique viendrait lier la synagogue d’Elbeuf à la Maison sublime, plus ancien monument juif de France, et à la synagogue de Rouen, chacun de ces lieux symbolisant le judaïsme normand. Un circuit de visites pourrait être proposé aux touristes étrangers.
La synagogue d’Elbeuf a ouvert après l’arrivée dans la région de drapiers alsaciens juifs qui ont fui leur région après la guerre franco-prussienne de 1870 et l’annexion de l’Alsace par l’Allemagne. La communauté juive d’Elbeuf a alors été multipliée par quatre. Ils sont aujourd’hui bien peu nombreux dans la région.