“La vie ne sera plus jamais la même” pour cet ancien tennisman israélien
Aslan Karatsev, 1er novice à atteindre les demi-finales de l'Open d'Australie, où il a perdu contre le nº 1 mondial, est désormais au 42e rang mondial et a gagné 850 000 $

Le qualifié russo-israélien Aslan Karatsev a peut-être perdu en demi-finale de l’Open d’Australie jeudi, mais son jeu est désormais acclamé. Et grâce à ce tournoi, il a grimpé à la 42e place du classement mondial et a gagné un prix de 850 000 $.
Karatsev, premier novice de l’histoire à se qualifier pour les demi-finales d’un Grand Chelem, s’est incliné en trois sets face au numéro un mondial Novak Djokovic à Melbourne. Karatsev, 27 ans, a été battu 6-3, 6-4, 6-2 par le Serbe de 33 ans qui, sans montrer de faiblesse suite à une blessure à l’abdomen subie au troisième set, est parvenu à sa 28e finale du Grand Chelem.
« Cela m’a donné plus de confiance – j’ai commencé à y croire », a déclaré Karatsev à propos de son parcours. La chose la plus importante qu’il a apprise à Melbourne, a-t-il ajouté, c’est « que je peux jouer avec tout le monde – être là, rivaliser avec tout le monde ».
Karatsev n’était également que le deuxième qualifié à atteindre les demi-finales de l’Open d’Australie, après Bob Giltinan en 1977. Et il est aussi le joueur le moins bien classé, au 114e rang, à avoir atteint les demi-finales d’un Chelem depuis Goran Ivanisevic à Wimbledon en 2001, alors classé 125e.

Après le match, son entraîneur Yahur Yatsyuk a déclaré qu’il avait toujours dit à Karatsev qu’il était « capable d’atteindre le Top 20 s’il faisait son travail au maximum ».
« Nous continuerons à travailler avec lui, il reste encore des détails sur lesquels travailler », a déclaré Yatsyuk. « Nous allons maintenant participer à des tournois de haut vol et continuerons de progresser. »
« Je ne dis pas qu’il continuera certainement à gagner aux tournois du Grand Chelem, mais il peut se réserver une place dans le Top 20 », a déclaré Yatsyuk. « Il a le potentiel requis, mais il doit encore travailler dur quotidiennement. »
Karatsev « prendra maintenant une pause du tennis, car il était sous pression au cours des deux derniers mois et demi… Ce n’était pas facile pour lui psychologiquement d’atteindre ce succès », selon son entraineur.
Le parcours magique de Karatsev inclut des victoires contre la huitième tête de série Diego Schwartzmann, la 20e tête de série Felix Auger-Aliassime et la 18e tête de série Grigor Dimitrov, et un échec contre ce dernier au moment ultime.

Un reportage du Guardian sur l’ascension de Karatsev jeudi l’a qualifié de « l’une des histoires les plus fascinantes de l’année écoulée. Avant l’interruption du circuit en mars dernier à cause de l’épidémie de coronavirus, il était la définition du joueur de l’ombre. Alors classé 263e, il n’avait passé qu’un an de sa vie de nomade dans le top 200. Sa quête d’une carrière significative l’a amené sur différents terrains d’entraînement, de sa ville natale russe de Vladikavkaz jusqu’en Israël, en passant par diverses régions de Russie, d’Allemagne, d’Espagne, et à présent en Biélorussie. »
Mais le reportage note que, lorsque le tennis a repris à la fin de l’été dernier, Karatsev « a immédiatement commencé un parcours surprenant dans les épreuves de qualification sur les courts européens en terre battue, remportant 20 de ses 21 matchs et atteignant son classement (d’avant Melbourne) de 114e. Un modeste parcours en Grands Chelems, notamment sur la terre battue de Roland Garros, semblait possible, mais sa présence en demi-finale ici est sans précédent. Aucun joueur masculin de l’ère des opens n’a atteint une demi-finale de Chelem à ses débuts ; il l’a fait à l’âge de 27 ans, après avoir déjà passé une grande partie de sa vie ailleurs. »
Un Djokovic méfiant avait prédit que Karatsev aurait un jeu agressif, et il avait raison, vue l’approche en roue libre de l’intrépide outsider.
Le qualifié russo-israélien s’est accroché pendant les sept premiers jeux et a même effectué un retour de 5-1 à 5-4 dans le deuxième set, mais Djokovic a dominé le match.

Djokovic, le joueur le mieux classé, a un record de 8 victoires pour 0 défaites lors de ses précédents matchs de finale à Melbourne Park. Il est également invaincu dans les neuf demi-finales qu’il a disputées en Australie.
Karatsev joue pour la Russie mais a grandi et s’est entraîné en Israël et parle couramment l’hébreu. Il a quitté le pays dans sa jeunesse, et ces derniers jours, les dirigeants de l’Association israélienne de tennis se sont mordu les doigts d’avoir été incapables d’identifier et de cultiver son talent.
Dorénavant, note le Guardian, « la vie de Karatsev ne sera plus jamais la même ; son nouveau classement mondial au 42e rang lui permettra de participer à tous les tournois ATP s’il le souhaite. Son prix de 850 000 $ cette semaine représente davantage que ce qu’il a gagné au cours de sa décennie de compétition entière, et il aura probablement bien plus d’occasions de se mesurer à Djokovic et ses rivaux dans un avenir proche.

Interviewé mardi après sa victoire en quart de finale, Karatsev a été interrogé sur son passé, notamment sur son héritage juif et ses années en Israël.
« Votre famille est composée de Juifs russes ? », lui a-t-on demandé. « Oui », a-t-il répondu, « mon grand-père du côté de ma mère, oui. »
Karatsev est né à Vladikavkaz, en Russie. Mais « j’ai déménagé en Israël quand j’avais trois ans avec ma famille et j’ai commencé à m’entraîner là-bas, à Tel Aviv-Jaffa », a-t-il expliqué mardi. « J’ai grandi là-bas, je m’y suis entraîné jusqu’à l’âge de 12 ans, puis je suis retourné en Russie avec mon père. Ensuite, je vivais à Rostov… Je m’y suis entraîné jusqu’à 18 ans, puis je suis parti m’entraîner à Moscou. »
Il a ensuite déménagé à Halle, en Allemagne, puis à Barcelone, et s’entraîne depuis trois ans avec l’entraîneur Yatsyk à Minsk, en Biélorussie.

En tant que jeune joueur enthousiaste en Israël, il a rencontré et joué contre Amir Weintraub, qui allait devenir l’un des meilleurs joueurs de tennis professionnels israéliens (son meilleur rang au classement mondial a été 161e), selon le site Web israélien de sports One. Bien que son potentiel ait été évident, les difficultés financières ont empêché Karatsev de faire progresser son talent naturel, selon le site, et il est finalement retourné en Russie avec son père. Sa mère et sa sœur sont restées en Israël.
Ces dernières années, Karatsev a participé à des tournois à travers l’Europe mais, jusqu’à récemment, sans succès majeur.
Il y a environ un an, il s’est rendu en Israël pour régler certaines affaires personnelles, selon le site sportif One. Lors d’un entraînement à Tel Aviv, Karatsev, qui a toujours un passeport israélien, a montré aux locaux qu’en plus de ses compétences avec une raquette, il parlait toujours couramment l’hébreu.
En septembre, Weintraub a approché Avi Peretz, alors nouveau président de l’Association israélienne de tennis, à propos de Karatsev, et ensemble ils ont essayé de le convaincre de jouer pour Israël. Karatsev s’était cependant déjà inscrit pour la Coupe Davis en tant que joueur russe.