L’Académie de Madrid définit le mot « juif » comme une personne « cupide ou usurière »
Une vingtaine d'organisations juives US et de pays hispanophones demandent aux autorités linguistiques espagnoles de retirer deux définitions antisémites de son dictionnaire
JTA — Une vingtaine d’organisations juives des États-Unis et de pays hispanophones ont demandé aux autorités linguistiques espagnoles de retirer deux définitions antisémites de son dictionnaire officiel.
Du haut de ses trois siècles d’existence, l’Académie madrilène – RAE -, supervise l’évolution de la langue espagnole à travers son dictionnaire éponyme. La cinquième acception du mot « juif » évoque une personne « cupide ou usurière ».
Le mot « judiada » – accompagné d’une note expliquant que le terme « est d’intention antisémite » – a deux définitions : « un sale tour ou une action préjudiciable à quelqu’un » ou « un groupe de Juifs ».
« Les définitions des mots judío et judiada ne reflètent en aucun cas le véritable sens de ces termes », peut-on lire dans une lettre envoyée à la RAE cette semaine et signée par des organisations comme la Fédération des communautés juives d’Espagne, l’Anti-Defamation League (ADL) et le Centre Simon Wiesenthal.
« Ces descriptions sont le produit d’une terminologie médiévale et de la Renaissance empreinte de rejet, d’envie et de haine contre les Juifs qui, en raison de leur travail, avaient les revenus les plus élevés, ce qui a été l’un des facteurs déclencheurs de leur expulsion d’Espagne par les monarques catholiques. »
À l’époque, les Juifs n’étaient autorisés qu’à exercer ce type d’emploi.
C’est l’avocat espagnol Borja Luján Lago qui coordonne l’action des organisations juives. Il a été contacté par la communauté juive du Panama après avoir demandé à la RAE, en février dernier, de modifier la définition du mot « avocat », qui comprenait le terme « bavard ».
La RAE a confirmé à l’agence de presse espagnole EFE que la demande avait été reçue et qu’elle « serait traitée selon les procédures habituelles ».
« Nous pouvons supposer que ces termes cristallisés dans le dictionnaire sont le signe d’un préjugé antisémite bien antérieur à l’édit d’expulsion de 1492 et qui a survécu au passage du temps », a déclaré Ariel Gelblung, directeur du Centre Wiesenthal pour l’Amérique latine, à la Jewish Telegraphic Agency. Il s’agit d’une référence à l’Inquisition, qui a expulsé les Juifs d’Espagne ou forcé ceux qui restaient à se convertir au catholicisme.
Le dictionnaire du RAE modifie des définitions chaque année. En 2017, il a ajouté les mots « casher » et « houmous ».
En 2019, la RAE a contribué à la création d’une académie en Israël dédiée à l’étude et à la préservation du ladino, ou judéo-espagnol, langue qui s’est développée et s’est transformée lorsque les Juifs ont quitté l’Espagne suite à l’Inquisition.