L’ADL demande à Adidas de se dissocier de Kanye West
Le rappeur s'est vanté de pouvoir tenir des propos antisémites en toute impunité, tandis que la marque est appelée à renoncer à un parrainage valant plusieurs milliards de dollars
JTA – L’Anti-Defamation League (ADL) a exhorté jeudi le géant des vêtements de sport Adidas à mettre fin à son partenariat avec le rappeur Kanye West en raison de ses récents commentaires antisémites, alors que West a participé à un podcast sur lequel il s’est vanté de « pouvoir littéralement dire des ‘conneries’ antisémites sans être lâché ».
Ces commentaires sont intervenus peu de temps avant que la marque de mode de luxe Balenciaga n’annonce jeudi qu’elle avait rompu ses liens avec West, sans en donner la raison.
West, qui se fait désormais appeler « Ye », a été mêlé à une controverse depuis le défilé de Balenciaga à la Fashion Week de Paris au début du mois, au cours duquel il a présenté une ligne de tee-shirts « White Lives Matter ». Le slogan controversé a été décrit par l’ADL comme une « phrase suprémaciste blanche ».
Depuis lors, le rappeur et magnat de la mode s’est livré à un déluge de commentaires antisémites sur les réseaux sociaux et dans des interviews, jurant notamment qu’il allait s’attaquer aux Juifs et affirmant qu’il est la cible d’une « mafia médiatique souterraine juive ». Il a été exclu de plusieurs comptes de réseaux sociaux à la suite de ses messages.
La rupture entre Balenciaga et West est d’autant plus notable que la marque a entretenu une relation de plusieurs années avec lui. West a rencontré pour la première fois le directeur artistique de Balenciaga, Demna, en 2014, et les deux ont régulièrement correspondu depuis ; il a dépensé des millions de dollars pour des articles Balenciaga et a commencé à collaborer régulièrement avec la célèbre marque en 2019 sur des spectacles, des labels et d’autres projets.
La relation d’Adidas avec West s’étend sur près d’une décennie. Dans une lettre adressée jeudi au PDG et au président du conseil d’administration d’Adidas, le chef de l’ADL, Jonathan Greenblatt, a poussé l’entreprise à y mettre un terme au plus vite.
« À ce stade, qu’avez-vous besoin d’examiner de plus ? », leur a demandé Greenblatt, ajoutant qu’il était « particulièrement alarmé » qu’une nouvelle collaboration de chaussures soit prévue à l’approche de l’anniversaire de la fusillade de la synagogue Tree of Life de Pittsburgh, au cours de laquelle un suprémaciste blanc a assassiné 11 juifs pendant les offices du Shabbat.
Quelques jours avant la lettre de Greenblatt, West est apparu sur le podcast populaire « Drink Champs » et s’est vanté qu’il pourrait maintenir son partenariat avec Adidas, peu importe le nombre de propos antisémites qu’il tiendrait.
« Le fait est que c’est Adidas. Je peux littéralement dire des ‘conneries’ antisémites et ils ne pourront pas me lâcher », a-t-il dit. « Vous allez faire quoi maintenant ? » (Le podcast a depuis retiré son dernier épisode avec West, et l’hôte N.O.R.E. s’est excusé d’avoir relayé l’interview).
D’autres groupes, dont Campaign Against Antisemitism, se sont joints à l’ADL pour demander publiquement à Adidas de laisser tomber West, qui, lors de son apparition dans le podcast, a également fait référence à des controverses antisémites antérieures impliquant d’autres célébrités afro-américaines comme Ice Cube et Nick Cannon, qui se sont tous deux excusés après avoir dit ou tweeté des déclarations à caractère antisémite.
Adidas, dont le partenariat avec West a rapporté à l’entreprise 2 milliards de dollars de revenus l’année dernière, soit 10 % du total, a gardé ses projets sous silence. La société a annoncé le 6 octobre que son partenariat avec le rappeur était « en cours de révision », après ce qu’elle a qualifié d’efforts répétés « pour résoudre la situation en privé », mais elle n’a pas fait de commentaires publics sur West depuis lors.
La société de vêtements de sport a été fondée en Allemagne par des membres du parti nazi et a transformé ses usines de chaussures en usines de munitions nazies pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle a également équipé le légendaire coureur américain noir Jesse Owens lors des Jeux olympiques de 1936 qui se sont déroulés en Allemagne nazie ; la bonne volonté des Alliés a aidé Adidas à entrer sur le marché américain après la guerre. Adidas elle-même, se montre discrète sur l’histoire de la société jusqu’en 1949.
L’année dernière, la société a fait d’un marathonien américano-israélien ultra-orthodoxe le visage de sa nouvelle campagne.
Sur Twitter, Greenblatt a critiqué Adidas pour avoir tardé à l’égard de West, alors qu’il avait rapidement mis fin à son partenariat avec le joueur de football français Kurt Zouma au début de l’année, après l’apparition de preuves vidéo montrant que Zouma avait maltraité ses chats.
Depuis ses débordements, West a en outre annoncé son intention d’acheter le site de réseaux sociaux d’extrême droite « Parler », qui a des antécédents d’antisémitisme. Le talk-show de LeBron James sur HBO, « The Shop », a également décidé de ne pas diffuser un épisode auquel West avait participé, les producteurs ayant déclaré qu’il avait tenu des propos plus qu’haineux au cours de l’interview.
Alors que certains conservateurs, dont Meghan McCain et Ben Shapiro, ont dénoncé les commentaires de West, d’autres se sont montrés plus cléments, notamment l’animateur de Fox News, Tucker Carlson, qui a supprimé les commentaires de West sur les Juifs dans une récente interview.