Lapid demande aux fonctionnaires de s’opposer au « blanchiment » des fonds publics au profit des Haredim
Le chef de l'opposition a annoncé la création d'une équipe pour s'opposer au budget 2025 et à l'octroi de prestations aux ultra-orthodoxes malgré la décision de la Cour Suprême

Prêt à se lancer dans un important combat politique contre le budget 2025, le chef de l’opposition Yair Lapid s’est adressé lundi aux fonctionnaires des Finances et d’autres ministères pour leur demander de s’opposer aux mesures prises par le gouvernement pour contourner les restrictions légales aux subventions pour la communauté ultra-orthodoxe.
« Je dis aux fonctionnaires, aux professionnels du ministère des Finances, du ministère de l’Éducation, du ministère de l’Intérieur : ne participez pas aux transferts de fonds destinés à blanchir cet argent, sinon vous finirez sur le banc des accusés », a déclaré Lapid.
« Nous allons suivre la trace de cet argent et nous n’hésiterons pas à porter plainte et intenter des poursuites devant les tribunaux. »
S’adressant aux députés de son parti Yesh Atid lors d’une session stratégique à Tel Aviv avant la prochaine session législative d’hiver, Lapid s’est par ailleurs insurgé contre les mesures prises par le gouvernement pour faire exempter de service militaire – pourtant obligatoire – les hommes de la communauté ultra-orthodoxe, et ce, en dépit du manque criant de soldats et de l’alourdissement du bilan humain de Tsahal.
« Que le gouvernement israélien ose regarder nos blessés ou les familles endeuillées dans les yeux dans les yeux et leur dire que pendant qu’ils se faisaient tirer dessus pour défendre le pays, pendant que leurs enfants se faisaient tuer, le Premier ministre promettait aux partis ultra-orthodoxes d’adopter une loi leur garantissant que les jeunes Haredim resteraient en sécurité dans les yeshivot, » a ajouté Lapid.
« Le ministre des Finances [Bezalel] Smotrich les a assurés qu’il trouverait le moyen de leur verser des fonds par des circuits souterrains et des voies détournées, pour qu’ils continuent tranquillement à échapper [à la conscription] à nos dépens. »
Cet été, la Cour Suprême a pourtant rendu une décision historique en statuant que le gouvernement devait enrôler dans l’armée les étudiants ultra-orthodoxes des yeshivot, en l’absence de cadre juridique permettant de poursuivre la pratique pluri-décennale ayant permis de leur accorder une exemption générale du service militaire.
Cette même décision interdit par ailleurs de manière permanente à l’État de financer les yeshivot ultra-orthodoxes dont les étudiants devraient être dans l’armée, ces fonds dépendant de dispositions militaires aujourd’hui caduques.

Le ministre du Logement, Yitzhak Goldknopf, chef du parti ultra-orthodoxe Yahadout HaTorah, aurait menacé la semaine dernière de bloquer l’adoption du budget 2025 à moins qu’un projet de loi d’exemption des haredim du service militaire ne soit adopté dans les trois prochaines semaines.
L’échec de l’adoption du budget ferait tomber le gouvernement.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu aurait réagi en s’engageant à faire adopter d’ici la fin du mois un projet de loi permettant d’exempter de service les hommes haredim.
Au-delà de ce projet de loi sur l’enrôlement, le gouvernement de Netanyahu est également en butte à des coupes budgétaires concernant les ultra-orthodoxes qui découlent de cette même décision de la Cour Suprême.
En août dernier, le procureur général adjoint Gil Limon a informé le ministre du Travail et des Affaires sociales, Yoav Ben Tzur, que son ministère devait, d’ici le 30 novembre, cesser de subventionner les garderies des enfants des étudiants ultra-orthodoxes des yeshivot jusqu’ici exemptés du service militaire.
Toutefois, le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a défié les services du procureur général en faisant savoir à Limon et à la procureure générale Gali Baharav-Miara qu’il « maintenait les subventions aux garderies, conformément aux dispositions du ministère de l’Industrie, du Commerce et du Travail ».
« Si vous pensez que ma décision est illégale, libre à vous de saisir la Cour suprême », a-t-il écrit, cité par le quotidien Israel Hayom.

S’adressant à ses députés lundi matin, Lapid a accusé Smotrich d’avoir enfreint la loi au profit des Haredim à des fins politiques.
« Smotrich a promis aux ultra-orthodoxes qu’il leur verserait des centaines de millions de shekels prélevés sur les budgets de l’aide sociale et de l’éducation, en échange de leur soutien au budget [2025] », a-t-il poursuivi.
« C’est un pot-de-vin. C’est illégal et totalement inapproprié et cela n’a pas d’autre but que de leur garantir d’échapper à l’armée tout en continuant à percevoir des fonds.
L’ex-Premier ministre a annoncé la formation d’une équipe spéciale, dirigée par le député de Yesh Atid Vladimir Beliak, destinée à fédérer l’opposition au budget et « suivre les fonds » afin de s’assurer qu’ils ne soient pas illégalement divertis.

Au-delà des experts de la question, cette équipe sera également composée des députés Moshe Tur-Paz et Naor Shiri, a déclaré le député Beliak au Times of Israel.
Beliak a précisé que son équipe ferait en sorte d’identifier les transferts de fonds opérés en faveur des ultra-orthodoxes en infraction aux dispositions légales, au besoin en examinant la totalité des mesures prises par le gouvernement et en s’y opposant devant la commission des Finances de la Knesset – et, le cas échéant, devant les tribunaux.
En début de mois, Smotrich a présenté un premier projet de cadre budgétaire pour 2025 adossé à un objectif de déficit allant jusqu’à 4 % du produit intérieur brut.
Afin de contrebalancer l’augmentation des coûts militaires et civils liés à la guerre, le gouvernement devra procéder à des coupes budgétaires sévères au niveau des dépenses et de la fiscalité de façon à augmenter les revenus de l’État et faire face à un déficit qu devrait s’élever en 2025 entre 30 et 40 milliards de shekels.
Le ministère des Finances aurait des projets de modification de la fiscalité, à commencer par le gel ou la suppression de prestations d’épargne-retraite et des fonds d’études avancées, afin de réduire un déficit budgétaire pour le moins conséquent et de financer la guerre contre les organisations terroristes du Hamas à Gaza et du Hezbollah au Liban.
Smotrich aurait par ailleurs proposé de fermer cinq ministères afin d’économiser de l’argent.
Interrogé sur les chances du gouvernement de faire adopter ce budget, M. Beliak a répondu que même s’il était adopté, le budget ne serait probablement pas du goût des agences de notation internationales.
Jeremy Sharon et Sharon Wrobel ont contribué à cet article.