Lapid : mieux vaut geler les constructions que libérer les prisonniers
Le ministre des Finances menace de quitter la coalition si le gouvernement se rend responsable de l’échec des négociations
TEL AVIV (JTA) – Le ministre israélien des Finances Yair Lapid est favorable à un gel des constructions dans les implantations pour aider au redémarrage des négociations de paix avec les Palestiniens. Il prévient également que son parti Yesh Atid (centre) quittera la coalition gouvernementale si le Premier ministre Benjamin Netanyahu se rendait responsable de l’échec du processus de paix.
Dans une interview avec JTA cette semaine – son premier entretien avec un média juif américain depuis son entrée à la Knesset l’an dernier – Lapid a évoqué le processus de paix comme la priorité numéro un de son parti.
Il y un an, le ministre des Finances avait annoncé au New York Times qu’Israël ne devait pas modifier sa politique dans les implantations pour faire progresser les négociations et ne devait pas non plus réfréner son « expansion naturelle » ni restreindre les incitations financières pour les Israéliens qui s’installent en Cisjordanie.
Mais lundi, Lapid a affirmé qu’il préférerait geler les constructions plutôt que de libérer des prisonniers palestiniens, comme Netanyahu l’a déjà fait à trois reprises depuis la reprise des pourparlers. Une quatrième série de détenus devait être libérée le 29 mars, mais Israël est revenu sur ses engagements.
« À n’importe quel moment, j’aurais choisi un gel des construction plutôt qu’une libération de prisonniers », dit Lapid. « Mais dans cette coalition, à ce moment spécifique, c’était la seule option envisageable. »
Ancien présentateur à la télévision, Lapid est entré en politique à l’occasion des élections législatives de janvier 2013 avec une plateforme centriste. Pendant la campagne, il ne s’est pas beaucoup exprimé sur les questions sécuritaires, défendant essentiellement des mesures domestiques comme la baisse du coût de la vie ou la conscription obligatoire pour les ultra-orthodoxes.
Mais courant 2013, Lapid a défendu à de multiples reprises sur la nécessité pour Israël de parvenir à une solution à deux États. Et s’il rejette clairement la faute de l’impasse actuelle sur les dirigeants palestiniens, il affirme qu’il ne pourrait rester dans un gouvernement qui ne ferait pas tout pour parvenir à un accord.
« Si je pensais que cette coalition n’avait pas épuisé toutes les options et que l’absence de progrès dans les négociations était de notre faute, je ne resterais pas dans ce gouvernement », déclare Lapid. « Nous avons décidé de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir les négociations. »
De manière générale, le ministre des Finances se dit satisfait de l’année écoulée. Il évacue les critiques contre la principale réalisation de son parti, une loi contraignant les ultra-orthodoxes à faire leur service militaire, que certains estiment très éloignée des objectifs initiaux.
Le texte reporte à 2017 les sanctions pénales à l’encontre des réfractaires à la conscription. Lapid estime toutefois qu’une loi plus stricte aurait été irréaliste.
« Si nous envoyions simplement des convocations militaires à tous les jeunes ultra-orthodoxes de 18 ans, nous serions probablement vainqueurs quelque part, mais rien n’aurait lieu », soutient Lapid. « De la manière dont nous avons fait les choses, cela [la conscription des ultra-orthodoxes] aura bien lieu. »
Un autre axe de campagne de Lapid a été la légalisation des unions civiles, une mesure qui mettrait fin au monopole du grand rabbinat sur les mariages juifs. Yesh Atid a proposé un projet de loi en ce sens en octobre dernier, mais le texte a rencontré l’opposition de Habayit Hayehudi, un parti religieux nationaliste qui fait aussi partie de la coalition.
Lapid se dit pourtant confiant sur la possibilité de surmonter cette opposition, en obtenant notamment l’appui des partis de gauche. Cependant, il ne précise pas si Yesh Atid quittera la coalition en cas d’échec.
« Je ne pense pas qu’un bon partenariat consiste à faire peser des menaces sur une coalition », explique-t-il.
Lapid souhaite également que toutes les obédiences juives soient représentées de manière équitable en Israël, ce qui, selon lui, renforcerait les liens d’Israël avec les Juifs américains.
S’il est pour la fin du monopole du grand rabbinat sur les mariages et les conversions, Lapid ne se déclare pas favorable à l’abolition de l’institution ni même à une séparation intégrale entre la religion et l’État qui, selon lui, nuirait au caractère juif d’Israël.
« Je ne pense pas que le modèle américain de séparation intégrale entre la religion et l’État est réalisable en Israël, car il a été fondé comme un État juif », dit Lapid. « Je ne veux pas abandonner cette identité. »
« Je suis favorable à la création d’institutions parallèles au rabbinat. Si quelqu’un veut se marier à la synagogue, il peut le faire. Si quelqu’un veut se marier à la mairie, il devrait aussi pouvoir le faire. »
Yesh Atid a surpris les experts et les analystes en obtenant 19 sièges au Parlement lors des dernières élections législatives, ce qui fait de lui le deuxième plus grand parti à la Knesset. Peu de temps après, Lapid a annoncé qu’il s’attendait à devenir Premier ministre lors du prochain scrutin.
Lundi, le ministre des Finances a confirmé que son parti était parti pour durer, mais il s’est bien gardé de faire des annonces aussi péremptoires sur son propre avenir politique.
« Je vais vous dire une chose que j’ai appris l’an dernier : ce n’est pas grave en politique d’être un idiot une fois. Mais c’est beaucoup plus grave d’être un idiot deux fois », confie Lapid. « J’ai appris ma leçon et je ne vais pas refaire ce genre de déclarations, parce que c’est stupide. »