L’appel au compromis d’un Palestino-américain trouve un écho sur les réseaux sociaux
La publication haute en couleurs de Mo Husseini - parent éloigné du mufti de Jérusalem de triste mémoire - n'épargne aucune des deux parties, séduisant "la majorité silencieuse" par son optimisme plein de bon sens
JTA — A l’automne dernier, Mo Hosseini avait écrit une série de propositions – intitulée « 50 choses qui sont complètement vraies » – au sujet de la guerre opposant Israël aux terroristes palestiniens du Hamas, dans la bande de Gaza, et il les avait publiées sur le réseau social Threads.
Se présentant comme « un Américano-palestinien qui en a marre des imbéciles », Husseini s’était donné pour mission de détruire tous les mythes, des deux côtés du conflit et il avait laissé entendre que ni les Palestiniens, ni les Israéliens n’avaient le monopole de la vérité, de la justice ou de la grandeur morale.
« Ce n’est pas un essai consacré aux affaires étrangères, vous le savez ? C’est un shitpost idiot, sur internet, qui s’efforce d’utiliser un brin d’humour pour souligner les délires des deux parties », déclare Hosseini dans un entretien accordé à la Jewish Telegraphic Agency, utilisant un mot d’argot utilisé sur internet pour parler des publications hargneuses et souvent ironiques qui peuvent être trouvées sur les réseaux sociaux.
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« Ce n’est pas à moi de décider ce qui arrivera entre les négociateurs israéliens et palestiniens », ajoute-t-il. « Ce qui est important pour moi, c’est d’aider les gens et de briser les illusions ».
Le post – à la fois drôle, grossier et angoissé – avait entraîné une réponse courtoise, assez peu remarquable, sur Threads, qui est la propriété de Meta.
Il y a trois jours, Husseini a fait paraître son post sur le site Medium, où les usagers peuvent publier les articles et autres essais qu’ils écrivent – et depuis, le nombre de lecteurs a grimpé en flèche. Husseini a ainsi vu son nombre d’abonnés sur Threads, un nombre initialement modeste, passer à plus de 16 000. Le texte a été partagé à d’innombrables reprises sur Facebook, une plateforme où Husseini était à peine présent avant le buzz de ce week-end.
Un grand nombre de ceux qui partagent le post sont des Juifs qui paraissent désireux de faire découvrir un texte qui cherche à trouver un terrain d’entente dans un débat profondément clivant et, comme l’a commenté un usager de Facebook, « qui cherche à aller au-delà du double langage et de l’extrémisme ».
Husseini n’hésite pas à provoquer les partisans des deux parties, des manifestants anti-israéliens sur les campus aux groupes pro-israéliens. Il remarque qu’il y a « beaucoup de pourris et de salopards » des deux côtés du conflit, que les Israéliens comme les Palestiniens se sont livrés « à des actes de terrorisme et de violence », ajoutant que les gouvernements des deux parties ne parlent pas nécessairement au nom des deux peuples.
Un grand nombre des courtes déclarations écrites par Husseini réfutent certains principes ancrés dans les esprits des plus convaincus : Il dément, par exemple, l’affirmation faite par l’extrême-gauche lorsqu’elle évoque un conflit qui se réduirait à un affrontement entre suprématistes blancs et peuples de couleur et il raille également le point de vue du sionisme d’extrême-droite, qui estime que les Palestiniens n’ont aucun droit légitime à un État qui serait le leur.
Concernant la guerre, Husseini condamne le massacre du 7 octobre – des milliers de terroristes placés sous l’autorité du Hamas, et aidés de complices civils, avaient massacré 1 200 personnes dans le sud d’Israël et ils avaient également enlevé 252 personnes, prises en otage dans la bande de Gaza. Il écrit que le Hamas a mérité « chaque put…ain de truc que les militaires leur jettent dessus ».
« Le Hamas a mérité « chaque put…ain de truc que les militaires leur jettent dessus. »
En même temps, il déplore le prix énorme payé par les civils, au sein de l’enclave côtière. « Ce qui arrive aux civils à Gaza est vraiment immonde et ce n’est pas ce qu’Israël avait à faire de plus intelligent ; certains aspects des actes commis par les militaires pourraient bien être des crimes de guerre, mais pas besoin qu’il s’agisse d’un génocide pour que ce soit une tragédie », continue-t-il.
Le texte rejette les appels – de plus en plus populaires au sein de la gauche propalestinienne – en faveur de l’établissement d’une seule démocratie libérale où coexisteraient Palestiniens et Juifs. « Cet avenir merveilleux a autant de chance d’arriver à long-terme que ce Palestinien de 53 ans et de 1 mètre 76 a de chance de devenir titulaire des Golden State Warriors », écrit Husseini. « Une solution à deux États est la seule qui puisse fonctionner. »
Josh Feigelson, président et directeur-général de l’Institute for Jewish Spirituality, a été tellement surpris par la viralité du post qu’il a demandé à ses abonnés, sur Facebook, pourquoi ils ont partagé ou recommandé la publication.
« J’ai eu l’impression de trouver une nouvelle voix palestinienne que j’ai voulu amplifier – cette affirmation publique de l’existence d’Israël et cette reconnaissance ouverte des atrocités du Hamas, avec les échecs qu’il y a eu des deux côtés », a répondu un rabbin originaire du Massachusetts.
« J’ai choisi de le partager parce qu’il parle vraiment au centre, au sens large, qui représente, selon moi, ‘la majorité silencieuse’ des sionistes et des Palestiniens et qui représente aussi la seule porte de sortie possible dans ce conflit », a écrit un éducateur juif.
Ok, I'm going to ask people to think hard before they continue to comment, not because I'm right and you are wrong, but…
Posted by Sharon Astyk on Sunday, May 5, 2024
Husseini avait aussi reçu un coup de pouce, au début du mois, de la part du rabbin Sharon Brous, dirigeante de premier plan de la congrégation IKAR, à Los Angeles. Elle avait cité une autre publication de Husseini dans son sermon, lors du service du Shabbat, en date du 4 mai, un sermon à écouter sur YouTube. Dans cet article, Husseini affirmait que « la liberté, la sécurité à long-terme et l’auto-détermination pour les Palestiniens ne peuvent pas exister sans la création d’une réalité réciproque pour les Israéliens ».
Brous a estimé que cet article « a été l’un des plus captivants que j’ai pu lire au sujet de ce conflit au cours de la dernière décennie » (le romancier Michael Chabon a, pour sa part, partagé le sermon de Brous, le présentant à ses 27 000 abonnés sur Threads.) Brous a comparé Husseini au représentant John Lewis, feu membre du congrès et militant pour les droits civils de premier plan.
Husseini, toutefois, n’est ni politicien, ni militant – il est directeur artistique et il vit dans le secteur de Seattle. « Tout ça n’a rien à voir avec mon travail », dit-il, évoquant ses écrits sur la guerre.
Le père de Husseini est né à Jérusalem – il est le descendant d’une branche de cette famille palestinienne musulmane liée au mufti, de triste mémoire. Mo Husseini, de son côté, a passé son enfance au Koweït et à la sortie du pensionnat, au Royaume-Uni, il a fait des études d’économie politique à l’Université de Californie, sur le campus de Berkeley. Après avoir obtenu son diplôme, il s’est tourné vers la réalisation cinématographique et il a travaillé au sein d’Industrial Light & Magic, la firme de George Lucas, avant de réaliser des publicités. Il est actuellement employé dans une entreprise spécialisée dans l’événementiel pour de grandes marques.
« Je ne représente aucune organisation. Je ne m’exprime pas pour les Palestiniens », déclare-t-il dans un entretien accordé depuis son bureau, dans la banlieue de Seattle. « Et je ne m’exprime certainement pas au nom des Juifs ».
Le texte de « 50 choses qui sont complètement vraies », indique-t-il, « est né de mon sentiment profond de frustration face au fait que tout le monde semble savoir quelle est la bonne réponse, en particulier sachant que la bonne réponse à apporter serait un seul État démocratique accordant des droits à tout le monde. Ce qui serait fantastique dans un monde idéal où la Nakqa ne se serait pas produite et où la Shoah ne serait jamais arrivée. Mais la réalité, c’est que tout le monde sait très bien quelle est la solution – et que la solution est fondamentalement la création de deux États ».
« La réalité, c’est que tout le monde sait très bien quelle est la solution – et que la solution est fondamentalement la création de deux États. »
« Cette idée que les Juifs vont simplement faire leurs bagages et partir commence à être une lutte symbolique contre la réalité », ajoute-t-il. « Personne, ici, n’a les mains propres et dans ce contexte, je pense qu’il revient aux gens de trouver une solution qui tienne vraiment compte de la réalité ».
Husseini indique que 90 % des réponses à son article ont été positives.
« Je n’ai pas besoin de ‘normaliser’ Israël », déclare-t-il. « L’État d’Israël est normalisé. Il est là. Est-ce que je préférerais qu’il existe différemment de ce qu’il est aujourd’hui, est-ce j’ai des problèmes avec Israël, politiquement parlant ? La réponse est oui. Mais j’ai ce genre de sentiment au sujet de pratiquement tous les États du monde. Mais si la question consiste à savoir où les gens pourront simplement vivre leur vie, alors il est nécessaire de reconnaître la réalité ».
Les points de vue et les opinions exprimées dans cet article sont ceux de l’auteur et ils ne reflètent pas nécessairement ceux de JTA et de sa compagnie-parente, 70 Faces Media.
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