Israël en guerre - Jour 426

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Le budget de guerre mettrait en péril les prestations pour les olim, dans un contexte d’antisémitisme généralisé

Le gouvernement propose de supprimer les prestations aux personnes ayant plus de 500 000 shekels d'actifs et d'augmenter de 10 % celles des olim moins fortunés

Des immigrants en provenance de France à leur arrivée à l'aéroport Ben Gurion, dans le centre d'Israël, le 10 juillet 2017. (Nati Shohat/Flash90)
Des immigrants en provenance de France à leur arrivée à l'aéroport Ben Gurion, dans le centre d'Israël, le 10 juillet 2017. (Nati Shohat/Flash90)

JTA – Si les termes du budget de guerre proposé pour l’an prochain se concrétisent, de nombreux olim pourraient bien ne plus être éligibles aux prestations financières qui aident traditionnellement les nouveaux arrivants lors de leurs premiers moments en Israël.

Le gouvernement souhaite en effet réduire ces prestations, en plus des coupes budgétaires au sein des services publics et des augmentations d’impôts, dans le but de financer une guerre entrée dans sa deuxième année et sans point final à l’horizon.

Le déploiement de soldats à Gaza et au Liban requiert des milliards de shekels en dépenses militaires et prive l’économie israélienne des actifs appelés au service militaire.

Depuis des décennies, les olim touchent une aide financière de la part du gouvernement lors de leur première année en Israël. Mais avec cette loi, les futurs olim devraient déclarer leurs actifs et ceux disposant de plus de 500 000 shekels seraient exclus des prestations. En-dessous de ce seuil, les prestations seraient revalorisées de 10 %.

D’un montant maximum d’un peu plus de 56 000 shekels pour les olim venus en famille, ces prestations apportent des moyens de subsistance pour les premiers mois suivant l’arrivée en Israël. Les olim bénéficient par ailleurs d’une exemption temporaire de certains impôts, de cours de langue gratuits et d’une assurance-maladie.

Il est déjà arrivé que de telles limitations de l’aide aux olim soient évoquées, mais elles n’ont que rarement, sinon jamais, été mises en œuvre.

Il n’est pas certain que celles-ci le soient car, après avoir été approuvées par le Conseil des ministres ce mois-ci, elles devront être votées par le Parlement avant fin mars 2025.

Certains voient dans ce projet un test de la volonté d’Israël à continuer à encourager l’immigration juive – alyah en hébreu – en des temps particulièrement difficiles pour la communauté juive, partout dans le monde.

En vertu de la loi israélienne, toute personne ayant au moins un grand-parent juif est éligible à la nationalité israélienne et les autorités mettent régulièrement en avant le nombre de Juifs choisissant de s’installer en Israël comme preuve de la force du pays.

« Les baisses de prestations pour les olim soulèvent de sérieuses inquiétudes quant aux implications à long terme pour notre nation », analyse pour les besoins d’un article contre ces coupes, paru dans le Jerusalem Post, Robert Singer, ex-PDG du Congrès juif mondial. « En un temps où l’économie israélienne a besoin de croissance, le fait de saper le système d’aide aux olim est non seulement une décision à courte vue mais aussi une mesure préjudiciable à notre avenir à tous. »

« Le message que le gouvernement fait passer dans ces décisions budgétaires est crucial », a ajouté Singer.

Quelques députés sont défavorables aux dispositions du projet de loi relatives à la baisse des aides pour les olim.

Oded Forer, membre d’Yisrael Beytenu, parti d’opposition très apprécié des immigrants russophones, a critiqué le principe de ces coupes, le mois dernier, lors d’une réunion de la commission parlementaire de l’immigration, de l’intégration et des affaires de la diaspora, dont il assure la présidence. Il a expliqué qu’elles pourraient bien décourager l’immigration au moment où elle est particulièrement nécessaire, explique le site d’information Ynet.

« Nous sommes en guerre, en ce moment, et un grand nombre d’immigrants sont venus pour s’enrôler dans l’armée », poursuit Forer. « Le pays a besoin de tous les Juifs qui souhaitent venir »

Le député de Yisrael Beytenu, Oded Forer, appelle les législateurs à mettre en accusation le député de Hadash-Taal, Ofer Cassif, lors d’un débat au plénum de la Knesset, le 19 février 2024. (Crédit : Noam Moskowitz/Porte-parole de la Knesset)

Le directeur général du ministère de l’Immigration et de l’Intégration, Avichai Kahana, s’est lui aussi opposé à ces coupes budgétaires, affirmant qu’Israël devait être le plus accueillant possible pour les Juifs en raison du regain d’antisémitisme ailleurs dans le monde et de l’augmentation de la demande d’immigration en Israël.

« Les Juifs du monde entier sont confrontés à un antisémitisme que l’on avait plus vu depuis des dizaines d’années, ce qui pousse de plus en plus de personnes à demander à immigrer », aurait dit Kahana, cité par Ynet. « En ce moment plus que jamais, les aides devraient être revalorisées. »

Depuis le début de la guerre qui a commencé lorsque le Hamas a attaqué Israël, le 7 octobre 2023, en tuant près de 1 200 personnes, certains Juifs de la diaspora disent vouloir s’installer en Israël. Ils admirent la façon dont les Israéliens ont réagi à la crise et entendent témoigner de leur soutien en devenant eux-mêmes Israéliens. D’autres se disent désireux de fuir un environnement de plus en plus hostile envers les Juifs, en divers endroits un peu partout dans le monde, notamment en raison des manifestations contre Israël ou des actes antisémites qui se sont multipliés face à la guerre.

Alison Keehn, une juive américaine de 58 ans qui vit dans le Montana, fait partie de cette vague post-7 octobre. Elle est en train de faire sa demande d’alyah, en raison d’un climat politique qui, selon elle, lui a fait revenir le souvenir des persécutions des Juifs au fil de l’Histoire.

« Être juif a toujours été quelque chose de normal, jusqu’à ce moment-là », explique Keehn dans une interview. « Des gens comme moi ont vécu jusque-là en se disant que ces choses-là appartenaient au passé. Nous avons été élevés dans l’idée du ‘Plus jamais ça’, que cela ne se reproduirait pas. Mais aujourd’hui, nous ne savons pas. Nous ne savons pas trop quoi penser. »

La mort récente de ses parents n’a fait que renforcer son désir de partir s’installer en Israël. « La seule famille que j’aie dorénavant, c’est le judaïsme », confie-t-elle.

Elle dit ne pas être sûre de son éligibilité à l’aide dans le cadre de ce qui pourrait être les nouvelles conditions de ressources, mais qu’elle partira vivre en Israël quoi qu’il arrive.

Pour autant, elle se dit consternée qu’Israël décide de baisser les aides en un pareil moment, alors que d’autres secteurs, comme celui des institutions orthodoxes haredim, voient leur budget augmenter. « Ce serait ridicule », affirme-t-elle.

« Je peux tout à fait comprendre que l’on veuille encadrer les conditions d’éligibilité à cette aide », ajoute-t-elle. « Mais malheureusement, tout le monde n’est pas honnête et les gens pensent qu’on leur doit quelque chose. »

Le nombre d’Américains ayant déposé une demande d’alyah a presque doublé dans les douze mois qui ont suivi le pogrom du Hamas, explique Nefesh B’Nefesh, organisation à but non lucratif qui assiste les olim originaires des États-Unis et du Canada. Depuis l’attaque, près de 11 700 demandes auraient été déposées.

En réponse à une enquête de la presse, le porte-parole de Nefesh B’Nefesh a expliqué qu’il était prématuré pour le groupe de commenter l’effet possible de ces coupes budgétaires dont le détail n’est pas encore connu avec précision.

Illustration : Des olim originaires d’Amérique du Nord arrivent à bord d’un vol spécialement affrété par l’organisation Nefesh B’Nefesh pour l’alyah, à l’aéroport international Ben Gurion, le 14 août 2019. (Crédit : Flash90)

Un membre du ministère des Finances en charge de la rédaction du projet de loi de finances, a expliqué que cette mesure était rendue nécessaire par le creusement du déficit budgétaire. Le gouvernement a en effet entrepris de réduire le déficit de 40 milliards de shekels en revoyant à la baisse les dépenses de la plupart des ministères et en relevant le taux de TVA de 17 % à 18 %.

Tair Rabukhin, ce membre du ministère des Finances, a ajouté que la refonte avait vocation à protéger les plus vulnérables. « Nous faisons en sorte d’en limiter l’impact sur les populations les plus défavorisées en en transférant la charge sur les plus aisées », a précisé Rabukhin, selon Ynet.

Israël avait déjà connu un fort regain d’immigration juste après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022, avec un afflux d’olim venus d’Europe de l’Est. Cette vague a considérablement diminué après l’attaque du Hamas. L’année précédant l’attaque, selon les chiffres des autorités, près de 63 000 personnes ont fait leur alyah et l’année suivante, 30 500, sensiblement la moitié.

Selon les statistiques gouvernementales, l’immigration en provenance de pays hors Europe de l’Est est la plus faible depuis au moins une dizaine d’années. Mais ces trois derniers mois sont marqués par une nette augmentation des chiffres, signe peut-être de l’arrivée d’olim ayant déposé leur demande suite à l’attaque d’octobre dernier.

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