Le CAIR et Palestine Legal portent plainte contre l’Université du Maryland
Evoquant des violations du premier amendement, les associations pro-palestiniennes se battent contre l'annulation de leur projet de "veillée conjointe" à l'occasion des un an du pogrom du Hamas
Le Conseil des relations américano-islamiques (CAIR) controversé, qui avait salué le pogrom du 7 octobre contre les Israéliens, et Palestine Legal ont intenté mardi une action en justice à l’échelon fédéral à l’encontre de l’Université du Maryland pour son interdiction générale de tout événement étudiant le 7 octobre prochain.
Le président de l’Université du Maryland, Darryll Pines, a pris cette interdiction après la demande de réservation de la pelouse principale du campus par la branche universitaire du groupe anti-israélien Students for Justice in Palestine (SJP) pour un événement le 7 octobre prochain, à l’occasion du premier anniversaire de l’attaque du Hamas contre Israël et du début de la guerre.
Face au tollé soulevé au sein de la communauté juive du Maryland, les autorités universitaires ont décidé d’interdire à toute organisation étudiante de réserver des espaces appartenant à l’université pour le 7 octobre, même la veillée organisée par une coalition d’organisations juives du campus en réponse à la demande de réservation de Students for Justice in Palestine.
Lors d’une conférence de presse, mardi, non loin du campus de l’Université du Maryland, les avocats de Students for Justice in Palestine ont estimé que la décision – entrée en vigueur sur les 11 campus du système universitaire du Maryland – enfreignait les droits des étudiants couverts par le premier amendement.
« Le système universitaire du Maryland, l’Université du Maryland et le Dr Pines, président de cette université, font tous une grave erreur : ils oublient que le premier amendement s’applique », a indiqué Gadeir Abbas, avocat du CAIR.
Abbas a ajouté que l’université avait vocation, avec son interdiction totale, d’ « empêcher Students for Justice in Palestine de plaider et de promouvoir son message sur le campus ».
Selon Palestine Legal, organisation de défense pro-palestinienne associée à cette plainte, cette interdiction « est illégale et constitutive d’une discrimination fondée sur les contenus ».
« Cette décision impulsive de l’université de restreindre la liberté d’expression en réponse à la pression de groupes ou d’individus opposés aux droits des Palestiniens est flagrante et illégale, et nous allons la contester devant les tribunaux », a déclaré l’avocate de Palestine Legal, Tori Porell.
La branche de Students for Justice in Palestine a déposé plainte dans l’espoir de forcer les autorités de l’université à revenir sur leur décision par le biais d’une injonction du tribunal, ce qui permettrait à l’organisation d’organiser sa veillée du 7 octobre, comme prévu.
En apprenant la demande de réservation de la pelouse du campus au moment de la rentrée, les principales organisations juives se sont fermement opposées à la tenue d’un tel événement, de crainte qu’il ne glorifie la violence contre les Israéliens. A ce moment-là, Students for Justice in Palestine est resté vague sur la nature de sa réservation.
Pour la plupart des organisations juives, la perspective de la tenue d’un événement anti-israélien en plein campus, un an jour pour jour après le massacre du Hamas – au cours duquel des terroristes se sont infiltrés en Israël pour assassiner plus de 1 200 personnes et en enlever 251 – est inadmissible.
Une lettre ouverte a rapidement circulé au sein de la communauté juive, appelant les administrateurs de l’université à « prendre des mesures à la fois proactives et réactives pour protéger la communauté juive du campus ».
« Tout initiative destinée à célébrer la mort de 1 200 membres de notre communauté le 7 octobre 2023, ou les ‘combattants de la liberté’, ‘martyrs’, etc., sera considérée par la communauté juive de l’Université du Maryland comme une menace directe pour la sécurité de la communauté juive de cette même université », peut-on lire dans la lettre.
Le rabbin Ari Israel, directeur de Maryland Hillel, a dénoncé fin août la demande de réservation de Students for Justice in Palestine, selon lui un « affront à cette journée de tragédie et de deuil juifs », ajoutant que « les dirigeants étudiants pro-israéliens ont réservé un grand espace à eux le même jour ».
Le week-end suivant, Students for Justice in Palestine est sorti du silence et a annoncé son intention d’utiliser cette réservation pour une veillée coparrainée par la section du campus de Jewish Voice for Peace (JVP), organisation juive antisioniste.
Students for Justice in Palestine a expliqué que, pour les Palestiniens, cette date était celle du début de la riposte israélienne à Gaza, qui a réduit de vastes étendues de l’enclave en ruines. Selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, les combats ont coûté la vie à plus de 41 000 personnes dans la bande de Gaza – chiffre qui ne fait pas le distinguo entre civils et hommes armés.
Le soir-même, Pines, le président de l’université, envoie un courriel à l’ensemble du campus pour annoncer que d’autres présidents du système universitaire du Maryland et lui-même ont décidé « de n’autoriser que les événements parrainés par l’université susceptibles d’encourager la réflexion » à la date anniversaire du massacre.
Selon la plainte de Students for Justice in Palestine, l’université est revenue sur sa décision par souci de sécurité des étudiants avant d’informer l’organisation de sa décision d’annuler toutes les réservations étudiantes le jour du 7 octobre.
Cette décision a été un soulagement pour Hillel et d’autres organisations juives, qui ont félicité l’administration d’avoir veillé à ce que la « sécurité physique et psychologique de la communauté juive du campus soit protégée en ce jour de deuil ».
Les organisations pro-palestiniennes du campus ont, elles, très mal pris cette décision et promis d’organiser la veillée, le 7 octobre, malgré tout. Elles ont rapidement contacté le CAIR pour plaider en leur nom.
Le dépôt de plainte, cette semaine, est le premier pas concret des organisations pour s’opposer à la décision de l’administration.
« Ces étudiants veulent marquer le début d’un génocide, commis par un pays étranger avec des armes américaines. Ceci est protégé par le Premier amendement, et ce, que le Dr Pines soit ou non d’accord avec cela », a expliqué Abbas, l’avocat du CAIR, lors de la conférence de presse. « Ce n’est pas à eux de décider. C’est la Constitution qui le dit. »
Les droits des étudiants sont, certes, garantis par le premier amendement, mais l’affaire est loin d’être aussi simple et son issue dépendra probablement de la capacité de Students for Justice in Palestine à convaincre le tribunal que l’interdiction de l’université découle d’un parti pris contre le message politique du groupe.
« L’université était tout à fait dans son droit d’imposer des restrictions, prises sur une base neutre, en ce qui concerne le temps, le lieu et la manière », a expliqué mardi au Times of Israël Alyza Lewin, présidente du Centre Brandeis pour les droits de l’homme en vertu de la loi.
« S’ils décident que, pendant un certain temps, il n’y aura pas d’événements autres que ceux parrainés par l’université, ils ont le droit de le faire. Il ne s’agit pas là de s’en prendre à Students for Justice in Palestine ou un autre groupe ; tous les événements sont interdits, dans tous les domaines », a-t-elle ajouté.
Abbas a, pour sa part, adopté la ligne opposée, insistant sur le fait que l’université avait clairement la volonté de réduire Students for Justice in Palestine au silence.
« Même pour ce type de restrictions, il faut un intérêt légitime : et ce n’est pas un intérêt légitime d’exclure un point de vue du campus », a-t-il conclu.