Le CICR ne peut pas accéder de force aux otages, mais il pourrait en faire davantage
La Croix Rouge déclare ne pas être en mesure de voir les otages à Gaza sans autorisation du Hamas mais le gouvernement et les familles déplorent un manque de pressions de sa part
Les membres du gouvernement israélien et les familles des 240 otages détenus par le Hamas, à Gaza, ont demandé de manière répétée, depuis le 7 octobre, au Comité international de la Croix Rouge (CICR) d’accorder la priorité à une nécessité brûlante : accéder enfin aux otages enlevés par les terroristes qui ont commis un assaut meurtrier dans les communautés du sud d’Israël, massacrant plus de 1 200 personnes, des civils en majorité.
« Nous attendons de la Croix-Rouge qu’elle place cette question en tête de la liste des priorités de l’organisation ; qu’elle utilise tous ses leviers d’influence et qu’elle ne prenne pas de répit avant d’avoir rendu visite à tous les otages, avant d’avoir procédé à une évaluation de leur état de santé et de s’être assurée qu’ils bénéficient de tous les soins médicaux dont ils ont besoin », avait commenté le ministre des Affaires étrangères, Eli Cohen, après une rencontre à Genève avec la présidente du CICR, Mirjana Spoljaric Egger, le 14 novembre. Deux semaines auparavant, Cohen avait estimé que le Comité « n’a pas le droit d’exister s’il ne parvient pas à rendre visite aux otages ».
Les familles des otages, de leur côté, s’interrogent : pourquoi la Croix-Rouge n’est-elle pas en mesure d’arriver jusqu’à leurs proches retenus en captivité à Gaza ? Et pourquoi l’organisation n’entre-t-elle pas en contact avec elles, alors qu’elles attendent, dévorées par la souffrance et par l’angoisse, le retour de leurs êtres chers, sains et saufs ?
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Une partie de la réponse à ces questions réside dans la méthode de travail du CICR et dans la nature de la guerre qui oppose Israël et le Hamas.
Au mois d’octobre, le CICR a contribué à la logistique de la libération de quatre otages, Judith Raanan, Natalie Raanan, Yocheved Lifshitz et Nurit Cooper. Toutefois, il n’a eu aucun contact avec les autres captifs israéliens et étrangers qui sont encore détenus au sein de l’enclave côtière – 40 d’entre eux sont des bébés et des enfants.
« La Croix Rouge est une organisation humanitaire dont le mandat est d’intervenir dans les zones de guerre et dans les zones de conflit », explique Yehonatan Saban, porte-parole de l’équipe médicale et de résilience au sein du Forum des familles des otages et des portés-disparus.
« Le problème, c’est que rien ne peut fonctionner sans l’accord des deux parties en conflit et que le maintien de la neutralité est essentiel pour le bon déroulement du travail qui est effectué par l’organisation », ajoute Saban.
La présidente du CICR, Spoljaric, a fait savoir la semaine dernière que mettre en place des arrangements au préalable était indispensable pour pouvoir répondre aux besoins médicaux des otages et pour faciliter leur libération.
« Ce sont des choses qu’il nous est impossible de faire si nous sommes seuls ; il faut trouver des arrangements qui permettront au CICR de faire son travail en sécurité », a-t-elle expliqué. « Le CICR ne peut pas entrer de force dans les endroits où les otages sont détenus. Nous ne pouvons leur rendre visite que lorsque des accords – portant notamment sur un accès aux otages en toute sûreté – sont déjà mis en place ».
Selon Saban, la situation est plus simple lorsque les deux parties au conflit sont deux États – ce qui n’est pas le cas de la guerre en cours où l’État juif combat le Hamas, une organisation terroriste.
« C’est évidemment plus facile pour le CICR de travailler avec des États parce que ces derniers reconnaissent qu’ils sont soumis aux Conventions de Genève et à d’autres lois humanitaires internationales. Les États savent pertinemment qu’ils sont passibles de sanction de la part des Nations unies et autres instances internationales s’ils refusent de se conformer aux requêtes émises par la Croix Rouge », note-t-il.
Saban, qui connaît bien les méthodes utilisées dans son travail par le Comité international de la Croix-Rouge, ne pense pas qu’il y ait un manque de volonté de la part de l’organisation humanitaire de mener à bien sa mission. Il suppose que la Croix-Rouge tente, tant bien que mal, d’amorcer le dialogue avec le Hamas.
« Mais à cause de la politique de confidentialité mise en place par la Croix-Rouge sur ses échanges avec les parties, nous n’avons aucun moyen de savoir véritablement quels ont été ses contacts avec le Hamas ou si des progrès ont été réalisés dans ce contexte », déplore-t-il.
Le chef de l’équipe médicale et de la résilience au sein du Forum des familles des otages et des portés-disparus, le professeur Hagai Levine, a rencontré à plusieurs reprises des responsables de la Croix-Rouge en Israël.
Nous n’avons aucun moyen de savoir véritablement quels ont été ses contacts avec le Hamas
Levine et son équipe ont établi des dossiers médicaux sur chaque otage, avec des informations sur leur état de santé et sur leurs pathologies, leurs allergies ou sur les médicaments, les vitamines et les régimes divers qu’ils doivent suivre dans le cadre de leur alimentation. Un document contenant toutes ces informations a été transmis à la Croix-Rouge et le Forum a demandé qu’il soit utilisé pour préserver l’état de santé de tous les captifs. L’équipe de Levine a aussi réclamé des soins appropriés pour les otages blessés.
Le gouvernement israélien et le Forum des Familles des otages et des portés-disparus continuent aussi à appeler le CICR à exercer plus de pressions diplomatiques et à se faire davantage entendre.
« La Croix-Rouge doit œuvrer en faveur d’une rencontre avec les otages – enfants, femmes, personnes âgées ; avec tous les détenus de l’organisation terroriste du Hamas et ce par tous les canaux possibles et dans les meilleurs délais », a estimé Cohen à l’issue de la rencontre du 14 novembre à Genève.
Spoljaric a répondu que le CICR a continuellement défendu les intérêts des otages retenus en captivité à Gaza, notamment par le biais de contacts directs avec le Hamas et avec d’autres parties influentes.
Saban affirme que la Croix-Rouge pourrait faire plus, dans ses relations diplomatiques, face à des pays déterminants comme l’Égypte et le Qatar, et face aussi à des organisations internationales qui, tous, ont les moyens d’exercer des pressions sur le Hamas.
« Si cela ne se fait pas, alors toutes les situations de conflit dans le monde en subiront les conséquences parce que la Croix-Rouge perdra de sa pertinence et de sa crédibilité », avertit Saban.
Il fait remarquer que le Forum des familles des otages et des portés-disparus n’ont reçu aucune information réactualisée de la part de la Croix-Rouge. Il ajoute ignorer si c’est le cas aussi avec le gouvernement, dont les contacts avec l’organisation peuvent être plus étroits.
Même si certaines familles ont publiquement déploré avoir le sentiment d’être ignorées ou d’avoir été abandonnées par la Croix-Rouge, Saban estime qu’il est inhabituel que les représentants de l’organisation humanitaire interagissent directement avec les familles dans les pays dont le gouvernement est opérationnel.
« La Croix-Rouge travaille directement avec les familles dans les pays où l’État et où la société civile ne tiennent pas leur rôle, où ils ne peuvent pas les soutenir. De plus, dans les endroits où c’est nécessaire, tout se passe par le biais du partenaire local du CICR – qui, dans le cas d’Israël, pourrait être le Magen David Adom », explique Saban.
« Malgré tous les bouleversements subis, nous sommes encore une société qui fonctionne et nous pouvons soutenir les familles en Israël. Nous prenons soin d’elles et nous faisons en sorte qu’elles gardent espoir mais nous savons tous que le temps est compté et qu’il est nécessaire que la Croix Rouge passe à l’action », indique-t-il.
L’AFP et l’équipe du Times of Israel ont contribué à cet article.
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