Israël en guerre - Jour 476

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Analyse

Le jugement Deri renforcera-t-il le bras de fer entre coalition et Haute cour ?

La décision, qui a estimé que la nomination de ce criminel financier récidiviste à de hautes fonctions était "déraisonnable à l'extrême", a entraîné le chaos dans la coalition

David Horovitz

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Le ministre de l'Intérieur et de la Santé Aryeh Deri, au centre, entre le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à droite, et le ministre de la Justice Yariv Levin, à gauche, lors d'une réunion du cabinet au bureau du Premier ministre de Jérusalem, le 8 janvier 2023. (Crédit : RONEN ZVULUN / POOL / AFP)
Le ministre de l'Intérieur et de la Santé Aryeh Deri, au centre, entre le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à droite, et le ministre de la Justice Yariv Levin, à gauche, lors d'une réunion du cabinet au bureau du Premier ministre de Jérusalem, le 8 janvier 2023. (Crédit : RONEN ZVULUN / POOL / AFP)

Le jugement qui a été rendu à une quasi-unanimité par la Haute cour, un jugement qui a estimé qu’Aryeh Deri ne pouvait pas siéger dans le gouvernement de Benjamin Netanyahu à une fonction ministérielle, n’a guère été surprenant.

Le chef du Shas est un criminel financier en état de récidive. Il avait été condamné pour pots-de-vin en 1999 et, après avoir purgé une peine de prison et s’être retiré de la vie publique pendant sept ans – un retrait décidé par la Cour, la peine prononcée à l’époque ayant été assortie de la reconnaissance qu’il s’était rendu coupable de « turpitude morale » – il avait initialement obtenu l’autorisation (à contrecœur) de la justice pour reprendre la tête d’un ministère.

Puis, il y a un an, il avait été reconnu coupable de fraude fiscale et il avait été condamné à une peine de prison avec sursis dans le cadre d’une négociation de peine – sous réserve, avait considéré la Cour des magistrats de Jérusalem, qu’il se retire définitivement de la vie publique.

La décision qui a été prise mercredi par la Haute cour par dix magistrats contre un et qui a été annoncée par la présidente de la plus haute instance judiciaire d’Israël, Eshter Hayut, a donc qualifié le retour à un poste de ministre d’un homme présentant des antécédents de « délits très graves… qui ont été commis dans le cadre de ses fonctions » de « déraisonnable à l’extrême » et elle a établi que sa nomination, par Netanyahu, « entre en contradiction avec les principes fondamentaux qui doivent orienter un Premier ministre lors de la constitution de son cabinet ».

Anticipant le concert immédiat des condamnations qui ont été émises par les défenseurs de Deri, qui ont notamment prétendu que les votes de centaines de milliers de partisans du Shas avaient été scandaleusement ignorés par un panel de juges interventionnistes et non-élus qui ont dépassé outrageusement leur champ de compétence et qui ont fait de la démocratie israélienne un sujet de raillerie, un autre magistrat, Alex Stein, a expliqué que la Cour n’avait pas choisi d’empêcher Deri de se présenter à la Knesset au mois de novembre mais qu’elle avait décidé de bloquer sa nomination à la tête d’un ministère, la barre étant placée plus haut en termes d’éthique pour les ministres que pour les députés.

Et comme on pouvait largement s’y attendre, le jugement a été un tremblement de terre qui a plongé dans le chaos la gouvernance israélienne et qui a renforcé les hostilités dans la bataille ouverte qui oppose la coalition majoritaire de Netanyahu et le système judiciaire.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu quitte le domicile d’Aryeh Deri à Jérusalem, après une décision de la Haute Cour disqualifiant le chef du Shas de ses fonctions, le 18 janvier 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Netanyahu, qui s’est rendu en voiture au domicile de Deri, traversant Jérusalem, pour afficher sa solidarité avec ce dernier peu après l’énoncé du verdict, n’a probablement guère d’autre choix que celui de suivre la décision prise par la Cour en renvoyant Deri, ce même Deri, fidèle entre les fidèles du Premier ministre, qui avait été temporairement désigné, il y a moins de deux semaines, Premier ministre en exercice alors que Netanyahu devait subir une courte anesthésie dans le cadre d’une coloscopie de routine.

(Le gouvernement ne va pas s’effondrer mais le Premier ministre devra rapidement trouver un remplaçant pour Deri aux ministères de la Santé et de l’Intérieur. Habituellement, ces portefeuilles reviendraient immédiatement entre les mains du Premier ministre. Mais Netanyahu, actuellement jugé pour corruption, est autorisé à être Premier ministre mais pas ministre).

A LIRE – Etat d’Israël vs. Netanyahu : détails de l’acte d’accusation du Premier ministre

En même temps, Netanyahu et d’autres ténors de la coalition ont immédiatement promis de trouver un moyen qui permettra à Deri de reprendre ses fonctions. Le ministre de la Justice Yariv Levin, architecte de la réforme qui placerait, entre autres, la Haute cour dans une quasi-incapacité d’intervenir dans les législations et dans les décisions gouvernementales, s’est engagé « à faire tout ce qui sera nécessaire pour réparer pleinement l’injustice terrible qui a été faite au rabbin Aryeh Deri, au Shas et à la démocratie israélienne ».

La coalition pourrait tirer la conclusion que l’intervention de la Cour renforcera le soutien public à la réforme judiciaire proposée par Levin. Et elle pourrait avoir raison.

Une idée qui s’est immédiatement imposée dans les cercles de la coalition a été d’accélérer l’adoption d’une partie de la refonte envisagée par Levin – ôter le droit aux juges d’utiliser la notion juridique de « caractère raisonnable » lors de leur réexamen judiciaire des actions entreprises par le gouvernement et par la Knesset.

Mais les magistrats n’ont pas seulement considéré que la nomination de Deri était « déraisonnable à l’extrême ». Un grand nombre d’entre eux ont aussi évoqué le « principe d’Estoppel » en déterminant que le chef du Shas était revenu sur sa promesse faite devant la Cour des magistrats de Jérusalem concernant son retrait de la vie publique.

Des sources de la coalition ont alors rapidement changé de tactique, déclarant que ce serait la totalité du plan de refonte judiciaire qui serait dorénavant accélérée – et que les magistrats seraient ainsi rapidement dans l’incapacité d’invalider des lois ou des décisions, sauf dans des circonstances exceptionnelles et seulement avec l’aval de l’ensemble des quinze juges qui siègent à la Cour suprême.

Le problème avec cette approche – pas seulement dans le cas de Deri, mais dans le cas de la refonte judiciaire toute entière – est qu’il est évident que les magistrats de la Haute cour rejetteront la loi visant à contenir leur autorité, transformant les hostilités actuelles entre les deux camps en crise constitutionnelle pleine et entière.

Une autre idée qui a rapidement circulé a été de demander à Netanyahu de nommer Deri « Premier ministre d’alternance » – un poste de pouvoir qui était assumé jusqu’à une date récente par Naftali Bennett dans le cadre de la coalition Bennett-Lapid. Tout comme Netanyahu a le droit d’occuper la fonction de Premier ministre malgré son procès pour corruption en cours, un Premier ministre d’alternance peut être autorisé à tenir ce rôle en dépit d’éventuels déboires judiciaires.

Néanmoins, la désignation de Deri à cette fonction nécessiterait apparemment que la coalition vote sa dissolution, puis qu’elle vote son retour au pouvoir, un processus susceptible d’entraîner une vague de recours en justice.

Exacerbant potentiellement cette crise dans son intégralité, le fait que Deri, né au Maroc, et le Shas se sont souvent présentés comme la voix et les défenseurs de la communauté séfarade israélienne face à la discrimination tyrannique des élites ashkénazes ; Deri a cité, dans le passé, ses origines pour justifier ses déconvenues judiciaires, affirmant qu’il avait été pris pour cible de manière injuste. La seule voix qui a fait dissension parmi les magistrats, mercredi, a été celle de Yosef Elron, fils d’immigrants irakiens.

Non pas qu’Even Elron ait approuvé la nomination de Deri – il a recommandé l’organisation de consultations avec le chef de la commission centrale électorale concernant l’éligibilité de Deri à un poste ministériel. Une procédure qui aurait dû entreprise avant sa nomination comme ministre par Netanyahu.

Toutefois, si Deri, le Shas et par extension Netanyahu devaient faire le choix de faire de ce jugement un exemple de discrimination ethnique, le jugement minoritaire rendu par Elron pourrait fournir une sorte de base, rendant potentiellement l’épisode encore plus clivant pour l’électorat déchiré d’Israël et ses branches de gouvernance rivales.

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