Le meurtre d’une jeune fan de Harry Potter par le Hamas a des échos jusqu’à Boston
De retour aux États-Unis, Jason Greenberg pleure ses proches tués et capturés par le Hamas - notamment Noya Dan, autiste de 12 ans qui se passionnait pour l'univers du petit sorcier et qui a été abattue par les terroristes
BOSTON (JTA) — Jason Greenberg se souvient du petit déjeuner somptueux que servait Carmela quand lui et sa famille venaient rendre visite à leur cousine, au kibboutz Nir Oz. Il savourait avec gourmandise la shakshuka, les salades et le pain qu’elle préparait elle-même pour gâter sa famille américaine.
« Elle était une cuisinière hors-pair », se souvient Greenberg, qui est avocat à Boston, en évoquant les visites régulières qu’il faisait au kibboutz depuis plus de trois décennies.
Dan était adorée à Nir Oz, une petite communauté soudée installée sur la frontière avec la bande de Gaza, au sud, dont elle avait été l’une des fondatrices en 1955.
Le lien fort qu’elle entretenait avec sa petite-fille Noya Dan, qui vivait avec ses parents au kibboutz Kissufim, pas très loin, était particulièrement remarquable.
Noya, dont le large sourire charmait sa famille et ses amis, passait souvent le Shabbat auprès de sa grand-mère. L’enfant de douze ans souffrait d’un trouble du spectre autistique et au fil des années, sa grand-mère avait tenu un rôle déterminant dans son éducation.
Il y avait quelque chose que Noya, qui devait avoir treize ans le mois prochain, aimait par-dessus tout : l’univers de Harry Potter.
« Elle était une fan insatiable de Harry Potter. Cela la définissait, d’une certaine manière », explique Greenberg à la Jewish Telegraphic Agency lors d’un entretien téléphonique. « Si vous connaissiez Noya, vous le saviez forcément : Elle adorait Harry Potter ».
Une passion à laquelle Greenberg, entre autres souvenirs poignants, pense avec nostalgie et chagrin alors que lui et sa famille font le deuil de leurs proches.
Carmela et Noya avaient été enlevées en cette matinée de Shabbat, le 7 octobre, quand les terroristes du Hamas avaient envahi Israël, franchissant la frontière avec Gaza. Environ cent résidents de Nir Oz avaient été brutalement tués ou kidnappés ce jour-là – soit un quart de tous les résidents de la communauté, ont depuis fait savoir les autorités israéliennes. 241 personnes seraient actuellement retenues en otage au sein de l’enclave côtière et quatre personnes seulement ont été remises en liberté jusqu’à présent.
Ces tueries et ces enlèvements massifs survenus sur le sol israélien ont eu des répercussions bien au-delà – comme cela a été le cas au sein de la communauté juive de Boston, entre autres, où des proches, des amis ou des parents, comme Greenberg, entretenaient des relations personnelles profondes avec les victimes.
Greenberg s’inquiète aussi au sujet du bien-être de son cousin Ofer Kalderon et de deux de ses enfants, Erez et Shahar, qui ont eux aussi été pris en otage à Nir Oz.
Greenberg, 46 ans, a vécu la tragédie au fur et à mesure qu’elle se déroulait sur le terrain. Il se trouvait en Israël au moment de l’assaut barbare du Hamas puisqu’il était venu rendre visite à son père qui vit en Israël depuis 2019, au nord de Tel Aviv.
Sa sœur, Abbey Onn, et sa famille sont également installés dans le pays.
Quand les sirènes avaient été activées, en cette matinée de Shabbat, Greenberg et son père s’étaient rendus dans l’abri antiaérien de l’immeuble résidentiel où se trouve le logement paternel. Lorsqu’ils étaient revenus dans l’appartement familial, le téléphone de Greenberg avait immédiatement commencé à signaler l’arrivée de messages WhatsApp envoyés par la famille, avec le détail des enlèvements de ses proches du côté maternel (Roberta Greenberg s’est éteinte en 2015.)
Une série de messages transmis par Noya à sa mère, Galit Dan, depuis la pièce blindée de l’habitation de sa grand-mère, déchire le cœur.
« Maman, il y a eu un grand ‘Boum’ à la porte qui m’a fait peur », disait Noya en hébreu. « Toutes les fenêtres de la maison de Grand-mère ont été cassées à l’entrée. Parce qu’il y a eu un autre ‘Boum’, il y a beaucoup de fenêtres cassées. Maman, j’ai peur », disait-elle.
Au cours des premiers jours – avant la découverte de leurs corps sans vie – le gouvernement israélien avait partagé une photo de Noya portant le costume de Poudlard sur X, anciennement Twitter.
Un post qui avait attiré l’attention de l’autrice de Harry Potter, J.K. Rowling, qui avait partagé la publication.
Le 19 octobre, presque deux semaines après l’assaut du Hamas et deux jours après ce qui devait être le 80e anniversaire de Carmela, l’armée israélienne a finalement informé que les corps sans vie de l’octogénaire et de Noya avaient été retrouvés de l’autre côté de la frontière avec Gaza. Les dépouilles ont pu être identifiées grâce à des analyses ADN.
« C’est la pire nouvelle que vous puissiez recevoir », confie Greenberg à JTA.
Il a été horrifié par le caractère inhumain de ces meurtres, précise-t-il, avec des tueurs qui n’ont eu aucune pitié face à l’âge avancé de Carmela et face à une enfant à besoins particuliers.
« Elles ont été abattues à la frontière parce qu’elle ralentissaient leurs ravisseurs », explique Greenberg, qui dit avoir obtenu cette information auprès de l’armée.
Greenberg avait décidé de retourner à Boston pour retrouver son épouse et leurs deux jeunes enfants, ramenant avec lui son père dans ce qui avait été sa ville natale. Ce dernier désire dorénavant retourner au plus vite en Israël.
Les médias américains locaux ont beaucoup sollicité Greenberg pour avoir son témoignage.
« J’ai pensé que je pouvais utiliser ma voix pour dire aux gens ce qui est arrivé. J’ai ce double regard que d’autres ici, à des milliers de kilomètres, n’ont pas nécessairement », s’exclame-t-il. Il espère que son histoire saura donner des visages humains aux attaques terroristes.
Il affirme aussi vouloir contrer la désinformation et l’antisémitisme qu’il voit chez d’autres, note-t-il – comme c’est le cas dans des groupes universitaires de Harvard et sur des campus qui attribuent à Israël toute la responsabilité des massacres perpétrés par le groupe terroriste.
Greenberg espère pouvoir soutenir les efforts que sa sœur et d’autres livrent actuellement pour garantir le retour de tous les otages, sains et saufs, déclare-t-il. Il a aussi lancé une campagne sur GoFundMe qui vise à aider les familles israéliennes qui souhaitent que leurs membres puissent venir se réfugier aux États-Unis, pour une période temporaire.
Autre victime entretenant des liens avec les communautés juives du secteur de Boston, Igal Wachs, américano-israélien de 53 ans qui a été tué pendant l’assaut du Hamas aux côtés de son petit frère Amit, 48 ans, alors qu’ils tentaient de défendre le village où ils vivaient tous les deux, Netiv Haasara. Lui et Liat Oren-Wachs, qui vit dans la banlieue de Boston, ont eu un enfant ensemble, un fils qui a dorénavant onze ans.
« Nous expérimentons le chagrin, le deuil et la peur en raison de tout ce que nous entendons autour de nous. L’antisémitisme est réel et nous ne nous sentons pas en sécurité », écrit Oren-Wachs dans un message texto.
Igal « avait un sourire incroyable… et il voulait toujours se rendre utile, il était agréable, heureux. Il nous manque et nous le garderons à jamais dans nos cœurs », ajoute-t-elle.
Nombreux sont ceux qui, à Boston et dans toute la Nouvelle-Angleterre, ont des familles qui ont perdu un proche pendant la guerre, selon Meron Reuben, consul-général israélien en Nouvelle-Angleterre.
L’histoire de la passion pour Harry Potter de Noya et la nouvelle de son meurtre lui ont brisé le cœur, confie-t-il lors d’un entretien téléphonique accordé à JTA.
« Je me suis senti tellement ému quand j’ai entendu l’interview qui a été donnée par la mère de Noya quand on croyait encore qu’elle était en vie », explique Reuben.
« Tout ce que j’espère, c’est que les visages souriants de Carmela et de Noya ne seront jamais oubliés et que leur espoir d’une vie meilleure pour tous se concrétisera », ajoute-t-il.
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