Le missile tombé sur une raffinerie de pétrole de Haïfa donne du grain à moudre au projet de fermeture
Pour les militants écologistes, favorables au projet des autorités de fermer Bazan et importer du pétrole, ce missile est un signe
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

La fermeture cette semaine de la principale raffinerie de pétrole du pays, à Haïfa, en raison de la chute d’un missile balistique iranien a ramené l’attention sur les dangers du maintien d’une telle installation au milieu de l’immense zone métropolitaine du nord d’Israël.
Habitants, militants écologistes et autres font pression depuis des années pour que le complexe de Bazan soit fermé et que les matériaux qu’il produit soient importés, en raison de la forte pollution qu’il occasionne – les taux de cancer et d’asthme sont élevés dans la région – et des craintes de conséquences désastreuses en cas de bombardement.
Dimanche, la société a signalé à la Bourse de Tel Aviv que des dégâts localisés avaient été occasionnés aux oléoducs et lignes de transmission reliant les installations, et que certaines installations en aval avaient été fermées.
Lundi, elle a interrompu sa cotation à la Bourse de Tel Aviv « en raison des incertitudes » (sur la reprise des activités mardi) et a annoncé que compte tenu des « importants » dégâts causés à l’usine, toutes les installations de la raffinerie et de ses filiales étaient fermées.
Il a également été révélé que trois travailleurs sont morts dans un bâtiment suite à l’attaque de ce dimanche. Un énorme incendie s’est déclaré, à l’intérieur duquel ils se sont retrouvés piégés, entre les flammes qui faisaient rage dehors et la fumée qui s’est rapidement introduite.

Deux des trois plates-formes gazières méditerranéennes d’Israël – Leviathan et Karish – ont également cessé la production depuis le début de l’attaque surprise d’Israël contre les infrastructures militaires et nucléaires de l’Iran, vendredi dernier, qui a déclenché des tirs de missiles balistiques iraniens contre Israël en représailles.
Ensemble, les trois plates-formes gazières produisent environ 70 % de l’électricité d’Israël.
L’autre raffinerie de pétrole d’Israël, située dans la ville côtière d’Ashdod, dans le sud du pays, a également cessé ses activités.
Son porte-parole a expliqué qu’elle était à l’arrêt pour des « travaux de routine » prévus de longue date, pour une durée de deux semaines, mais qu’avant de fermer, elle s’était assurée de l’existence de stocks suffisants, notamment en kérosène, histoire d’éviter toute pénurie.
Mardi, le ministère de l’Énergie a tenté de rassurer la population en annonçant qu’il « n’y a aucun risque de pénurie de carburant. Le ministère a anticipé et Israël a du carburant et des stocks : il n’y a pas de pénurie à craindre. »
« Lors d’une réunion, hier soir, entre les organismes professionnels de l’Administration des carburants et du gaz et les sociétés de carburant, il a été précisé aux entreprises que malgré les dommages causés à Bazan, aucune difficulté n’était à craindre au niveau de la fourniture de carburant aux entreprises », a-t-il poursuivi.
« Le ministère suit de très près la situation de façon à garantir le fonctionnement de l’économie du carburant en Israël, afin d’éviter que la chaîne d’approvisionnement n’en souffre. »

Doté d’une tour de refroidissement emblématique (et même deux, auparavant), le site de Bazan Group Oil Refineries Ltd. s’étend sur près de 231 hectares, à environ deux kilomètres de la baie de Haïfa.
L’an dernier, Bazan a fourni à Israël 65 % de son diesel pour le transport, 59 % de son essence et 52 % de son kérosène (utilisé pour l’aviation et le gaz de cuisine), selon des informations (en hébreu) fournies à la bourse en mars dernier.
La société appartient à Petrochemical Enterprises, qui a repris le contrôle d’ICL (anciennement Israel Chemicals Ltd.) en septembre 2022. Selon la bourse, 69 % de l’entreprise est détenue par le public par le biais de grandes institutions financières, ce qui signifie que la volatilité des actions affecte les fonds de pension et l’épargne des citoyens.
Le complexe est depuis longtemps une cible des ennemis d’Israël.
En juin, le Hezbollah a diffusé une vidéo supposée montrer l’un de ses drones en train de survoler la raffinerie et d’autres installations sensibles de la région.

En Israël, habitants et ONG tentent depuis longtemps d’obtenir que Bazan, et les industries lourdes de la baie en général, ferment, en raison d’études faisant état d’une relation entre le fait de vivre dans la baie de Haïfa et la prévalence du cancer, sans oublier des troubles infantiles comme un moindre périmètre crânial ou un faible poids à la naissance.
Le conglomérat a été, à plusieurs reprises, condamné à des amendes pour pollution de l’air. Il y a de cela trois ans, le gouvernement avait décidé de fermer sous dix ans les raffineries ainsi que les installations de stockage de pétrole. Une Direction pour le développement de la baie de Haïfa a même été créée au sein du Cabinet du Premier ministre, qui a sorti une feuille de route jusqu’en 2030.

L’idée est de faire de la baie, dans les 20 prochaines années, une zone durable composée de logements, de commerces et d’emploi, d’industrie propre, de tourisme et d’espaces ouverts.
Mais tout repose sur la fermeture de Bazan, et rien ne sera possible tant que de nouvelles infrastructures n’auront pas été construites pour importer, transporter et stocker les distillats produits par la raffinerie de pétrole. Sur ce plan, l’avancement est variable suivant les domaines.
A cause de retards de quelques mois dans le travail de la direction, la fermeture de Bazan a été retardée de six mois, soit jusqu’au premier semestre 2030.
Bazan, qui n’a pas répondu au Times of Israel au moment de la publication, refuse la fermeture. Selon le site d’investigation Shakuf (Transparent) (en hébreu), le syndicat des employés a discrètement fait pression sur les députés de la Knesset contre cette décision et organisé l’an dernier, tout aussi discrètement, une visite de Bazan pour les membres de la commission économique de la Knesset, dont son président, David Bitan.
(La publication sur Facebook ci-dessous, de la main du député du Likud Shalom Danino, retrace cette tournée).
תעשיית בזן- עוצמה כלכלית ישראלית.היום קיימתי סיור מקיף בתעשיית בזן היושבת במפרץ חיפה יחד עם חבריי לועדת הכלכלה, ח״כ…
Posted by שלום דנינו on Monday, September 2, 2024
La Direction du développement de la baie de Haïfa n’a pas souhaité commenter les dernières actualités relatives à Bazan.
Lors d’une conférence organisée par la direction l’année dernière, son président, le professeur Avi Simhon (qui est également le conseiller économique en chef du Premier ministre Benjamin Netanyahu) a noté que la haute-hiérarchie de la Défense était l’un des tout premiers partisans de la fermeture de Bazan, de crainte de devoir un jour fermer le complexe à cause d’une guerre de grande ampleur et de se retrouver avec du pétrole non distillé.

« Si cette guerre a fait quelque chose [il fait allusion à la guerre contre le Hamas à Gaza déclenchée par le pogrom commis dans le sud d’Israël par l’organisation terroriste le 7 octobre 2023], c’est de rendre plus urgente que jamais la fermeture de Bazan ; et si quelqu’un dit le contraire, c’est probablement qu’il est payé pour le faire », a-t-il déclaré.
Au cours de la conférence, Simhon a déclaré au Times of Israel qu’une fois les installations de stockage terminées, l’entreprise fermerait « avec ou sans son accord », et une compensation limitée de l’État.
Le ministère de la Protection de l’environnement a déclaré qu’il n’y avait « aucun danger pour les habitants de la baie de Haïfa et de la région » suite aux frappes de missiles.
Elad Hochman, PDG de l’organisation environnementale Green Course, a toutefois déclaré que « Bazan est un désastre qui n’attend qu’une chose : exploser. La question n’est pas de savoir si, mais quand. »