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Le procureur de l’État réfute « la désinformation » autour des fuites au cabinet de Netanyahu

Il ne s'agit pas d'une "fuite" typique auprès des médias, dit le ministère public - une déclaration rare - dans un document publié après que le Premier ministre et ses partisans ont décrié une application sélective de la loi et l'incarcération des accusés

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à la Knesset à Jérusalem, le 13 novembre 2024. (Crédit : Chaïm Goldbergl/Flash90)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à la Knesset à Jérusalem, le 13 novembre 2024. (Crédit : Chaïm Goldbergl/Flash90)

Dans le cadre d’une initiative très inhabituelle, le bureau du procureur de l’État a réfuté, vendredi, les accusations laissant entendre qu’il pratiquerait une application sélective de la loi après les graves accusations qui ont été portées contre un porte-parole du Premier ministre Benjamin Netanyahu et contre un réserviste de Tsahal dont le nom n’a pas été révélé – des accusations en lien avec la fuite d’un document classifié qui avait été volé et dont le contenu avait été publié dans le journal allemand Bild.

Dans un document de trois pages qui a été posté sur les réseaux sociaux, le bureau du procureur de l’État a déclaré qu’il allait révéler un plus grand nombre d’informations que celles figurant dans l’acte d’accusation qui a été émis jeudi concernant Eli Feldstein, conseiller de Netanyahu, en réponse aux « questions et autres affirmations parues dans les médias et reprises dans le discours public dans l’affaire Feldstein, et en réponse à la désinformation généralisée qui a été propagée par des personnes qui ont des intérêts particuliers » dans ce dossier.

Feldstein est accusé d’avoir divulgué le document – qui avait été volé dans une base de données de Tsahal par l’autre accusé dans l’affaire – avec l’objectif d’influencer l’opinion publique, en la rendant défavorable à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza – accord qui ouvrirait la porte à la remise en liberté des otages israéliens. L’homme a été mis en examen pour transfert d’informations classifiées dans l’intention de nuire à l’État, un chef d’accusation qui est passible d’une peine de prison à vie. Il a aussi été inculpé pour possession illicite d’informations classifiées et pour obstruction à la justice.

Le second accusé, un sous-officier qui n’a pas été identifié, a été mis en examen pour transfert d’informations classifiées, un délit passible de sept ans de prison, ainsi que pour vol par une personne autorisée et pour obstruction à la justice.

Les deux hommes sont incarcérés depuis plus de trois semaines – il leur a été interdit, dans un premier temps, de faire appel à un avocat. Le bureau du Premier ministre a par ailleurs fait savoir, la semaine dernière, que « dans un pays démocratique, les gens ne sont pas détenus pendant 20 jours dans un sous-sol à cause d’une fuite d’informations ; on ne les empêche pas de rencontrer un avocat pendant des jours, dans le seul but de leur soutirer de fausses déclarations contre le Premier ministre ».

Les alliés de Netanyahu ont présenté les suspects comme des lanceurs d’alerte qui essayaient de tirer le signal d’alarme auprès du Premier ministre concernant le contenu du document et d’autres – des documents que l’officier anonyme avait illégalement retirés de l’armée israélienne. Ils ont estimé que l’accusation se livrait à une « chasse aux sorcières » contre le Premier ministre.

La députée Tally Gotliv lors d’une conférence d’Israel Hayom à Ashkelon, le 16 avril 2024. (Crédit : Oren Ben Hakoon/Flash90)

Tally Gotliv, une législatrice du parti Likud de Netanyahu qui a assisté jeudi à une audience du tribunal de Tel Aviv – au cours de laquelle les deux suspects ont été mis en examen – a déclaré sur X, sans avancer de preuve, que la présence d’un nom dans l’acte d’accusation montrait que le ministère public protégeait l’identité d’un officier de renseignement dont une trahison, avait conduit au pogrom du Hamas qui avait déclenché la guerre à Gaza.

Par le passé, Gotliv avait prétendu, sans preuve, qu’il y avait des liens, avant le pogrom, entre le Hamas et les manifestants antigouvernementaux – lors de cette attaque meurtrière, des milliers de terroristes dirigés par le Hamas avaient pris d’assaut le sud d’Israël, massacrant plus de 1 200 personnes et prenant 251 en otage.

Dans son document présenté sous forme de questions et de réponses, le procureur de l’État a déclaré que la rédaction signalée par Gotliv dans l’acte d’accusation publié ne se référait pas à « une personne ou une organisation, mais à un acteur étranger ».

Parmi les autres affirmations que le document cherche à réfuter figurent les suivantes : le procureur de l’État applique la loi de manière sélective en ouvrant une enquête sur les fuites provenant du bureau du Premier ministre, alors que d’autres « fuites terribles et criminelles, qui causent un tort considérable à Israël », n’ont pas été examinées, comme l’a affirmé Netanyahu ; Feldstein fait l’objet d’une enquête « par le Shin Bet comme s’il était un terroriste » plutôt que par la police ; la fuite était mineure et visait à protéger Israël, contrairement à l’accusation qui affirme que le suspect avait l’intention de nuire à l’État.

Voici quelques extraits du document du ministère public :

« Pourquoi enquêter sur cette fuite alors que d’autres fuites n’ont pas fait l’objet d’investigations ? »

Le procureur écrit : « Il ne s’agit pas d’une ‘fuite’ typique vers les médias ». Feldstein et le second suspect, un sous-officier, sont « accusés d’avoir intentionnellement créé un canal direct qui contourne le système militaire qui est chargé d’examiner et de transférer les informations à la hiérarchie politique et ce, sans que ni l’un ni l’autre n’ait été autorisé à le faire ».

« La direction du renseignement ne peut accepter une situation où des renseignements hautement classifiés, bruts et sensibles sont retirés du système sans qu’il soit possible de contrôler où ils finissent », ajoute le communiqué. « Les informations publiées dans Bild ont été obtenues grâce à un outil de renseignement secret. Les responsables de la sécurité ont déterminé que la révélation de l’existence de cet outil, de ses capacités et de la manière dont il est utilisé pouvait gravement nuire aux intérêts d’Israël en matière de sécurité, en particulier en ce qui concerne la collecte de renseignements et la protection des sources de renseignements qui sauvent des vies ».

L’article de Bild du 6 septembre 2024 citant un document ostensiblement trouvé par les troupes sur l’ordinateur du chef du Hamas, Yahya Sinwar.

« Les journalistes affirment que contourner la censure en publiant des informations dans des médias étrangers est une pratique courante »

L’accusation déclare : « Si une telle pratique existe, elle est sans aucun doute inacceptable. En tout état de cause, chaque cas est examiné de manière individuelle. Dans le cas présent, le censeur militaire a complètement interdit la publication des informations, même après qu’elle a été publiée dans des médias étrangers, ce qui indique son caractère extrêmement sensible. » (La censure autorise souvent les médias locaux à citer des informations rapportées à l’étranger même lorsqu’elle ne peut pas publier elle-même l’information).

« Pourquoi Feldstein a-t-il été interrogé par le Shin Bet comme s’il s’agissait d’un terroriste plutôt que par la police ? »

L’accusation déclare que « en règle générale, les enquêtes sur les infractions portant atteinte à la sécurité de l’État sont menées conjointement par le Shin Bet et la police. Le Shin Bet est responsable de l’aspect sécuritaire de l’enquête. Feldstein n’est pas détenu dans les ‘cachots du Shin Bet’. Une fois l’interrogatoire du Shin Bet terminé, il a été placé en détention dans un établissement de l’administration pénitentiaire ».

Des Israéliens manifestent en faveur d’Eli Feldstein et du soldat israélien accusé d’avoir divulgué des documents classifiés, devant le tribunal où les deux ont été inculpés à Tel Aviv, le 21 novembre 2024. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

« Pourquoi Feldstein est-il accusé d’avoir eu l’intention de porter atteinte à la sécurité de l’État ? Il pensait agir dans l’intérêt de l’État, et non contre lui »

L’accusation déclare : « Tout d’abord, Feldstein a publié les informations classifiées non pas dans l’intérêt de l’État, mais pour influencer le discours des médias. Cependant, ses intentions ne sont pas à la base des accusations portées contre lui ».

Le code pénal établit le « principe de prévisibilité ». Dans le cas d’infractions nécessitant l’intention de nuire de la part de l’accusé, le principe stipule que si une personne prévoit avec une quasi-certitude que ses actions peuvent potentiellement porter atteinte à la sécurité de l’État, elle peut être condamnée, même si elle n’a pas l’intention de parvenir à ce résultat ou si celui-ci ne s’est pas réellement produit.

« En d’autres termes, le motif des actions commises par Feldstein n’est pas pertinent. Ce qui compte, c’est que Feldstein aurait dû prévoir les conséquences potentielles de ses actes. Le fait qu’il ait su que la censure militaire interdisait la publication de l’information démontre qu’il comprenait la probabilité d’une atteinte à la sécurité de l’État ».

Le porte-parole Eli Feldstein lors d’un événement avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu pendant la guerre contre le Hamas à Gaza, déclenchée par le pogrom du 7 octobre 2023 par le Hamas. (Crédit : Armée israélienne)

Feldstein est le principal suspect dans cette affaire. Il est accusé d’avoir transféré des informations classifiées dans l’intention de nuire à l’État, un chef d’accusation passible d’une peine de prison à vie, ainsi que de possession illicite d’informations classifiées et d’obstruction à la justice.

L’avocat de Feldstein s’est plaint, dans une interview télévisée diffusée vendredi, que son client avait été abandonné par le cabinet du Premier ministre.

« Eli Feldstein n’a pas agi en son nom propre », a déclaré l’avocat Oded Savoray à la chaîne d’information N12, dans des propos extraits d’une interview qui sera diffusée dans son intégralité samedi. « Il a fourni des services de conseil au bureau du Premier ministre ».

« S’il y a des réclamations, elles doivent être adressées au bureau du Premier ministre », a poursuivi Savoray. « C’est le bureau du Premier ministre qui a agi ici. Il a agi par l’intermédiaire de Feldstein. Et aujourd’hui, Feldstein a été laissé seul, seul, seul ».

Un deuxième suspect mis en examen dans ce scandale, un sous-officier réserviste de Tsahal qui n’a pas été identifié, a été accusé jeudi de transfert d’informations classifiées, un délit passible de sept ans de prison, ainsi que de vol par une personne autorisée et d’obstruction à la justice.

Netanyahu lui-même n’est pas suspecté dans cette affaire.

Yisrael Einhorn (g) en compagnie de Jonatan Urich (c) et du Premier ministre Benjamin Netanyahu en 2019. (Autorisation)

Selon la Treizième chaîne, les procureurs envisagent également d’inculper Yonatan Urich, un autre porte-parole de Netanyahu que la police a interrogé sur l’affaire des documents sécuritaires.

« Il n’y a aucune raison de ne pas le mettre en examen », a déclaré un haut fonctionnaire du bureau du procureur de l’État à la chaîne.

Urich est soupçonné d’avoir aidé Feldstein à envoyer le document classifié à Srulik Einhorn, un ancien conseiller principal de campagne du parti Likud de Netanyahu basé à l’étranger, qui l’a à son tour transmis à Bild. L’acte d’accusation contre Feldstein indique qu’après la publication de l’article, Urich lui a écrit : « Le patron est content », dans une référence apparente à Netanyahu.

Jeremy Sharon a contribué à ce rapport.

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