L’envoyée US pour la Shoah soutient Dani Dayan, que le gouvernement veut évincer
Ellen Germain souligne l'importance de "maintenir l'indépendance de ces institutions", alors que Netanyahu souhaite nommer un proche à la présidence du Mémorial de la Shoah
Dani Dayan, le directeur du musée de la Shoah Yad Vashem que le gouvernement Netanyahu voudrait évincer, a reçu samedi un message public de soutien d’une responsable au sein de l’administration Biden.
« Les États-Unis apprécient le travail déterminant de Yad Vashem et de son directeur en matière d’éducation, de transmission de la mémoire et de recherche sur la Shoah. Le maintien de l’indépendance de ces institutions, partout dans le monde, est essentiel en des temps où certains tentent de déformer / nier les faits de la Shoah », a écrit sur X (anciennement Twitter) Ellen Germain, l’envoyée spéciale des États-Unis pour les questions liées à la Shoah au Département d’État.
Le tweet, qui fait semble-t-il écho aux tentatives pour limoger Dayan et nommer à sa place un proche politique de Netanyahu, illustre les difficiles relations qu’entretiennent Jérusalem et Washington en raison de la refonte judiciaire initiée par la coalition radicale et des mises en garde répétées qu’elle lui a values.
Dayan, ancien chef du conseil de Yesha pour les résidents d’implantations de Cisjordanie et ex-consul général d’Israël à New York, s’était présenté à la Knesset dans les rangs du parti d’opposition Tikva Hadasha de Gideon Saar, sans succès. C’est en 2021 qu’il a été nommé à la tête de Yad Vashem par le gouvernement précédent et son Premier ministre, Naftali Bennett.
Selon des informations parues dans les médias israéliens, ces derniers mois, le ministre de l’Education Yoav Kisch, membre du parti au pouvoir, le Likud, a fait savoir qu’il souhaitait limoger Dayan.
Kisch aurait envoyé un courrier à Dayan pour lui reprocher sa mauvaise gestion du musée de la Shoah, accusation que Dayan a vigoureusement niée. Kisch a confirmé l’information à la Douzième chaine jeudi.
The U.S. values the crucial work of @YadVashem & its director’s leadership as we work together on Holocaust education, remembrance, & research. Maintaining the independence of such institutions around the world is key as we face efforts to distort/deny the facts of the Holocaust.
— Ellen Germain (@StateSEHI) September 2, 2023
Toujours selon les mêmes sources, le Premier ministre Benjamin Netanyahu et Kisch souhaiteraient remplacer Dayan par Keren Barak, ex-députée de leur parti, le Likud.
Selon la Douzième chaine, l’invitation au Mémorial, à l’occasion du jour de commémoration de la Shoah en avril dernier, de la chanteuse Keren Peles, qui s’est prononcée contre l’action du gouvernement et s’est produite lors de manifestations anti-refonte, pourrait expliquer les intentions de Kisch.
Dayan a réfuté les accusations de Kisch et menacé de porter l’affaire devant la procureure générale Gali Baharav-Miara.
L’information non sourcée indique que l’épouse du Premier ministre, Sara Netanyahu, était mécontente de l’invitation envoyée à Peles pour chanter lors de la cérémonie officielle de commémoration de la Shoah en avril. Elle reprocherait à Peles son soutien ouvert aux manifestations contre le gouvernement et au projet de refonte judiciaire.
La Douzième chaine a précisé que Dayan avait engagé Peles bien avant que la chanteuse ne s’exprime sur la question de la refonte, mais que les relations étaient tendues, depuis, avec le cabinet du Premier ministre, ce qui avait conduit aux tentatives de destitution.
Les services du Premier ministre assurent que cette information est erronée.
Dans son courrier à Dayan, Kisch se dit préoccupé par trois des membres du conseil d’administration, nommés par le gouvernement précédent : l’ex-députée Colette Avital, l’ex-député et ministre de l’Éducation, le rabbin Shaï Piron, et l’ex-députée Shuli Moalem.
Kisch affirme que leurs nominations n’ont jamais été examinées par le comité de sélection approprié et qu’elles sont donc illégitimes.
Leur présence aux réunions du conseil d’administration, écrit-il, « est une faute grave qui vous est imputable, en votre qualité de président de Yad Vashem, et qui remet en question la légalité de toutes les décisions prises lors des réunions de direction depuis votre nomination ».
Dayan a répondu que les réunions se tenaient conformément aux règlements et que, puisque les membres du conseil en question n’avaient pas été évincés, il n’y avait aucune raison de les empêcher d’y assister.
Une source anonyme proche de Dayan a déclaré jeudi aux médias israéliens que Kisch tentait « maladroitement » d’évincer Dayan et de le remplacer par un de ses proches politiques.
Selon la même source, « l’intégrité de Dayan fait que Kisch n’a rien à lui reprocher et il tente de se raccrocher à des questions techniques », essentiellement la présence des membres du conseil d’administration Avital, Piron et Moalem, a déclaré la source.
Mercredi, Saar a posté sur X, anciennement Twitter, que la tentative de limoger Dayan était « illégale et pétrie d’intérêts illégitimes, et nuit à la réputation de cette institution nationale importante et sacrée ».
Il a demandé à ce que Yad Vashem ne soit pas entraîné dans ce qu’il qualifie de « vendetta de Netanyahu ».
Kisch a récemment échoué à faire nommer un de ses proches politiques à la tête de la Bibliothèque nationale d’Israël, manoeuvre qui a provoqué un véritable tollé sur le risque de perte d’indépendance de ce qui est une institution nationale.