Les Juifs ont et continuent de combattre les criminels « de 100 différentes manières »
Alors qu'Israël se défend contre le Hamas, un historien allemand publie un ouvrage sur les "Juifs impudents", largement oubliés, qui ont résisté aux nazis en dépit des conséquences
Pendant des dizaines d’années, les tentatives d’Israël pour se défendre ont été qualifiées « d’impudentes » par les critiques du monde entier. La guerre en cours à Gaza n’y a pas dérogé.
Mais l’expression péjorative « juif impudent » est apparue des décennies avant la création de l’État d’Israël. Dans l’Allemagne impériale et de Weimar, cette insulte était régulièrement utilisée contre les Juifs dans le cadre de poursuites pour diffamation.
« Der freche Jude », traduit vulgairement par « le Juif impudent », est devenu par la suite un thème central de la propagande nazie dans les années 1930. Plus tard, conformément au penchant du régime nazi pour les euphémismes, « Juif impudent » a été le terme utilisé pour qualifier les cartes fabriquées pour les 30 000 hommes juifs d’Allemagne qui ont été arrêtés pendant la Nuit de Cristal et envoyés dans des camps de concentration.
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Dans son nouveau livre, Resisters : How Ordinary Jews Fought Persecution in Hitler’s Germany (« Résistants : Comment des Juifs ordinaires ont combattu la persécution dans l’Allemagne hitlérienne »), l’historien allemand Wolf Gruner montre comment les « Juifs impudents » étiquetés par les nazis se sont défendus pendant les six premières années d’Hitler au pouvoir.
« Il existe une tendance particulière dans l’histoire et la mémoire juives à affirmer que le peuple juif n’a jamais résisté, ce qui semble tout simplement faux, du moins au vu de mes recherches », a déclaré Gruner au Times of Israel.
Comme pour les récits de la résistance israélienne lors des massacres du groupe terroriste palestinien du Hamas du 7 octobre, il n’existe pas de modèle type de Juifs susceptibles de résister à la persécution nazie.
Des Juifs de toutes origines ont tenu tête aux nazis et l’ont payé de peines de prison, d’amendes et d’humiliations publiques, a expliqué Gruner.
« Mes recherches démontrent, à l’aide de nombreux exemples, que des femmes et des hommes de tous âges, de 16 ans à plus de 70 ans, ont résisté de différentes manières au régime nazi et à ses persécutions anti-juives ; des pauvres, des riches, sans instruction ou titulaires de diplômes universitaires », a souligné Gruner, qui avait été interrogé avant le 7 octobre.
Le lendemain du pogrom de la « Nuit de cristal » de 1938 en Allemagne et en Autriche, par exemple, la jeune Daisy Gronowski avait reçu l’ordre de courir à travers une horde de jeunes Allemands qui frappaient ses amis à coups de matraque.
Au lieu de courir comme cela le lui avait été ordonné, Gronowski, alors âgée de 17 ans, a choisi de marcher. Pour son impudence, elle a été écartée par un jeune nazi armé d’un canif rouillé.
Alors que l’Allemand tentait d’entailler le bras de Gronowski avec son couteau, celle-ci s’est souvenue d’un « petit truc » qu’elle avait appris au sein du mouvement de jeunesse HaShomer HaTzaïr à Berlin.
« Daisy s’est avancée et a foncé tête baissée dans l’estomac de l’agresseur », a écrit Gruner. « Profitant de la surprise de l’agresseur, elle lui a arraché le couteau des mains et l’a poignardé. »
Gronowski avait réussi à cacher le corps grièvement blessé de son agresseur sous un meuble et à fuir la scène, comme l’a rapporté Gruner, directeur fondateur du Centre de recherche avancée sur les génocides de la Fondation de la Shoah de l’Université de Californie du Sud.
La réaction de Gronowski face à l’assaut des agresseurs rappelle l’image de Yaffa Adar, 85 ans, enlevée par des terroristes du Hamas le 7 octobre dernier. La photo illustrant la dignité calme d’Adar, alors qu’elle est entourée d’hommes armés sur une voiturette, est devenue presque instantanément virale.
Raconter l’histoire de la Shoah par le biais de témoignages est une idée relativement nouvelle, a déclaré Gruner. Elle contraste fortement avec la couverture médiatique des massacres du 7 octobre et de la guerre qui s’en est suivie entre Israël et le Hamas, qui s’articule en grande partie autour de témoignages de victimes, de héros, d’auteurs, de survivants et de témoins.
Dans le livre de Gruner, de nombreux Juifs d’Allemagne nazie ont été arrêtés pour « hostilité à l’État », tandis que d’autres ont été accusés de « souillure raciale » ou de relations mixtes entre Juifs et non-Juifs.
La « passivité juive »
Pendant des dizaines d’années, les chercheurs sur la Shoah s’en sont tenus à la définition de la résistance donnée par l’éminent chercheur israélien Yehuda Bauer, qui se fonde sur des activités de groupe, a expliqué Gruner.
Dans les recherches de Bauer, la résistance comprend les soulèvements des ghettos et les révoltes des camps de la mort.
Gruner a toutefois décidé de suivre une approche différente, en « honorant un large éventail d’actes juifs de contestation, qu’ils aient été couronnés de succès ou non, y compris les protestations en public et les infractions aux règles anti-juives », écrit-il.
Selon Gruner, les Juives, en particulier, ont été peu étudiées et sous-représentées dans les récits de la résistance face aux nazis.
« Mon livre prouve clairement que de nombreuses femmes juives ont désobéi au régime, protesté contre la persécution et se sont défendues de la même manière que les hommes », a affirmé Gruner.
Le 7 octobre, des femmes du Bataillon Caracal de l’armée israélienne ont mené des combats de chars contre des terroristes du Hamas pendant 17 heures, tuant 50 d’entre eux.
Qu’il s’agisse d’examiner les actes des individus qui ont riposté le 7 octobre ou d’essayer de comprendre les réactions individuelles des Juifs pendant la Shoah, la résistance n’est pas chose facile à mesurer.
« Nous avons été assiégés de cent manières différentes et nous avons donc riposté de cent manières différentes », a noté le rabbin Max Nussbaum, survivant de la Shoah.
Selon Gruner, le mythe de la passivité juive a aidé les non-Juifs d’Europe à se disculper de ne pas avoir résisté eux-mêmes aux Allemands.
En d’autres termes, « l’absence supposée de résistance des Juifs a quasi-légitimé l’absence de résistance anti-nazie en général », a expliqué Gruner.
Ces « actes généralisés de résistance juive individuelle doivent être intégrés dans toute leur diversité dans notre récit standard de la Shoah », selon Gruner.
Les résistants juifs étudiés par Gruner prouvent que les Juifs de l’Allemagne nazie « pouvaient résister à l’un des régimes les plus terrifiants, souvent sans ressources ni autres moyens », a ajouté Gruner.
« Dans toute société, chacun a non seulement la capacité mais aussi la responsabilité de résister à l’autoritarisme et à la discrimination raciale et ethnique », a écrit Gruner.
Gruner a indiqué avoir eu plusieurs surprises en consultant les archives.
« Dans les mêmes sources judiciaires et policières qui ont révélé les actes de résistance nombreux et généralisés de certains Juifs, on trouve des exemples de protestation d’Allemands non-juifs contre la persécution des Juifs, un aspect que j’ai laissé de côté dans mon livre », a déclaré Gruner.
« De nombreux Allemands non-juifs, hommes et femmes, ont été punis par les tribunaux nazis pour leur solidarité et leur courage, et condamnés à des peines de prison pour leur protestation », a ajouté Gruner.
L’ouvrage de Gruner est à la fois une étude et un mémorial pour les Juifs qui ont résisté aux nazis, et notamment pour ceux qui « ne peuvent être reconnus parce qu’ils n’ont jamais été découverts, n’ont pas laissé de traces dans les archives, ont été contraints au silence, ou parce qu’ils ont péri pendant la Shoah ».
« En racontant leur histoire, ce livre commémore leur action et leur dignité », a déclaré Gruner.
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