Les manifestants promettent de continuer à se battre contre le « changement de régime »
Les manifestants affirment qu'ils se préparent pour le prochain round
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Lorsque la nouvelle a été annoncée que la loi du gouvernement visant à limiter le contrôle judiciaire du « caractère raisonnable » des décisions des politiciens avait été adoptée par la Knesset, des milliers et des milliers de manifestants devant la Cour suprême ont hurlé les mots « Honte » et de « Démocratie ou rébellion ».
Les klaxons ont retenti, les barricades ont été ébranlées, une mer de drapeaux israéliens a flotté dans la brise de l’après-midi, et les slogans « Nous n’avons pas peur », « Israël n’est pas une dictature » et « Démocratie » ont été scandés en face du siège de la plus haute juridiction du pays.
Des appels provocateurs ont été lancés depuis une immense scène installée pour le rassemblement, exhortant les manifestants à poursuivre la lutte contre le gouvernement et sa législation, et à envoyer des messages à leurs amis pour qu’ils viennent encore plus nombreux.
Des milliers d’autres militants ont remonté la rue de la Knesset vers la Cour suprême, pour poursuivre la manifestation, tandis que plusieurs centaines de personnes sont descendues sur la Route Begin pour bloquer l’artère centrale de Jérusalem.
« Je suis triste, mais je ne suis pas surprise et je n’abandonne pas », a déclaré Zohar, une manifestante et travailleuse sociale de Ramat Gam.
« Nous continuerons à protester, à nous battre et à faire entendre notre voix, et je me mettrai en grève si nécessaire », a-t-elle poursuivi.

Zohar a déclaré qu’elle ne savait pas comment la lutte contre le programme de refonte judiciaire du gouvernement pourrait être intensifiée, suggérant une rébellion fiscale quelconque, mais a déclaré « qu’il n’y a pas d’autre choix » que de poursuivre la protestation contre le vaste programme de réformes.
C’est le sentiment exprimé par de nombreux manifestants, qui ont insisté sur le fait que leur lutte contre le programme de refonte judiciaire du gouvernement actuel ne faisait que commencer.
« Je suis au bord du désespoir, mais je me dit que nous avons beaucoup d’énergie et que nous devons continuer à nous battre, surtout cette génération, la jeune génération », a déclaré Shaï Kedar, étudiante au Tel Haï Academic College.
« C’est notre heure, nos parents et nos grands-parents se sont déjà battus pendant de nombreuses années, et c’est maintenant à nous de nous battre pour notre pays et nos valeurs », a-t-elle ajouté.
Kedar s’est inquiétée du fait que la nouvelle loi permettrait au gouvernement d’exercer une discrimination à l’encontre de différents groupes sociaux et de révoquer des fonctionnaires clés tels que la procureure générale « et toute autre personne qui les empêcherait de faire passer les lois qu’ils veulent adopter ».
La manifestation devant la Knesset, avant l’approbation de la loi, s’est déroulée dans l’ensemble de manière pacifique, les manifestants chantant et scandant avec enthousiasme, dans une atmosphère chaleureuse et accompagnée d’une myriade de drapeaux.
Malgré l’ambiance pacifique, un canon à eau de la police a, à un moment donné, frappé plusieurs manifestants qui se tenaient pacifiquement face à la Knesset, mais derrière des barrières métalliques, et ce journaliste a été touché à plusieurs reprises par le jet d’eau alors qu’il enregistrait l’incident.
I just got blasted repeatedly by water cannon as protestors demonstrated peaceably in front of the Knesset… pic.twitter.com/1yKBsoHJyK
— Jeremy Sharon (@jeremysharon) July 24, 2023
« Honte à vous, c’est la manifestation la plus polie qui soit », a crié l’un des manifestants à la police alors que le canon à eau commençait à faire feu.
Quelques minutes plus tard, lors d’un autre incident, la police, apparemment sans raison, a brutalement poussé des manifestants pacifiques à descendre d’un monticule surplombant la rue Kaplan.
L’un des officiers responsables a déclaré aux manifestants qu’il agissait « par amour » car ils se trouvaient, selon lui, dans une position « dangereuse ».
Police shove protestors down from a small mound overlooking the demonstration outside the Knesset and Kaplan Street on which the Knesset is located…
“It’s dangerous up here, I’m doing this with love,” says the police officer afterwards” pic.twitter.com/uridXt8K9b— Jeremy Sharon (@jeremysharon) July 24, 2023
Lors d’un autre incident, après qu’un manifestant a été ramené de force derrière les barricades de la manifestation, des cris de « honte » et de « police de Ben Gvir » ont été lancés à la police, en référence au ministre de la d’extrême-droite Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, qui a autorité sur la police israélienne.
La nature « bon enfant » de la manifestation dissimulait la profonde anxiété et l’inquiétude des manifestants face à l’adoption imminente de la loi du « caractère raisonnable ».
Oded Megiddo, un vétéran de 74 ans de la Guerre de Yom Kippour de 1973, a déclaré qu’il avait l’impression que le pays avait été « mis sens dessus dessous », avec un gouvernement comprenant des ministres qui sont des « criminels condamnés » et des « corrompus ».
Megiddo a combattu dans une brigade de chars sur le front du Sinaï pendant la Guerre de Yom Kippour et affirme avoir fait partie de la première brigade à traverser le canal de Suez sous le commandement d’Ariel Sharon pendant la contre-offensive de Tsahal contre les Égyptiens, pour aboutir sur la rive occidentale du canal, près de la ville d’Ismaïlia.
« Le gouvernement essaie de changer le régime ici en Israël. David Ben Gurion nous a laissés sans constitution, mais il y a encore des lois et des principes de base et ils veulent les changer et en faire quelque chose d’autre », a affirmé Megiddo.
« Il y a des Jeunes des collines qui, il y a seulement huit mois, menaient des attaques dans les territoires et qui sont maintenant ministres et membres de la Knesset », a-t-il poursuivi, utilisant le terme pour désigner les extrémistes ultra-radicaux que sont certains des résidents d’implantations en Cisjordanie.
« Mais nous, qui nous sommes battus pour ce pays pendant des décennies et qui avons laissé nos amis sur le champ de bataille, nous serions les anarchistes ? », a-t-il demandé, faisant référence au terme péjoratif utilisé par certains partisans du gouvernement à l’encontre de ceux qui protestent contre le programme de réforme du système judiciaire.

Megiddo a déclaré qu’il pensait que le gouvernement menait le pays dans une direction autoritaire et s’est dit particulièrement préoccupé par les partis religieux qui, selon lui, veulent imposer au pays des aspects de plus en plus importants de la loi juive orthodoxe – ou halakha.
« Je ne veux pas de cela. Je suis Juif, je suis né juif, mais je veux un État démocratique où chacun vit comme il l’entend », a-t-il déclaré.
De même, Itaï Nakash, de Haïfa, s’est dit très préoccupé par la loi sur le « caractère raisonnable » et par d’autres lois visant à réformer le système judiciaire que le gouvernement pourrait ensuite proposer, décrivant le programme de la coalition comme « un réel danger pour la sécurité et l’avenir de l’État d’Israël ».
Nakash, qui a servi dans l’armée de l’air israélienne, déclare qu’il va maintenant cesser d’effectuer son service de réserve, malgré le danger inhérent à une telle décision pour la cohésion de l’armée.
« On peut servir un gouvernement dont on ne partage pas l’idéologie, mais il est dangereux de suivre aveuglément les ordres, surtout si le gouvernement est extrêmement radical et montre des signes de dictature », a déclaré Nakash.
« Ce n’est qu’un début, ils ne le nient pas, et ils essaient de préparer le terrain pour le reste de la refonte judiciaire. »
De l’autre côté de la Cour suprême, Kedar était du même avis, mais elle a déclaré qu’elle et les milliers d’autres manifestants à Jérusalem et dans tout le pays ne faciliteraient pas la tâche du gouvernement pour faire avancer son paquet de réformes radicales.
« Ils continueront à faire avancer leur programme, et ils veulent le faire en cachette, et nous ne pouvons pas laisser cela se produire », a déclaré Kedar.
« La tendance à la dictature se manifeste dans le monde entier, et pas seulement en Israël, mais il s’agit de notre pays et nous devons nous battre pour lui et le protéger. »