Les mémoires d’une évadée de la Shoah retrouvés lors d’un vide-grenier à Nice
Le récit de la survie de Françoise Frenkel, "Rien où poser sa tête", a failli se retrouver dans les oubliettes de l'histoire ; il est aujourd'hui disponible aux États-Unis
Kveller via JTA – En 1945, « Rien où poser sa tête » a été discrètement publié à Genève, en Suisse. Dans ces mémoires, l’auteure raconte l’histoire de sa fuite des nazis et comment elle s’est introduite clandestinement en Suisse. Elle écrit sur la Nuit de Cristal, l’occupation de la France par les nazis et bien d’autres choses. Elle raconte en détails son évasion et sa survie.
C’est une histoire remarquable qui a été perdue – jusqu’à présent.
Françoise Frenkel est née Frymeta Idesa Frenkel près de Lodz, en Pologne, en 1889, et est décédée à Nice le 18 janvier 1975. Il n’y a pas de photos connues de Françoise, et la publication originale de son livre avait un tirage très réduit.
Le livre semblait destiné à rester dans l’obscurité, jusqu’en 2010, lorsqu’il a été découvert dans un vide-grenier Emmaüs dans le sud de la France. Il a été publié en 2015 avec une préface du prix Nobel de littérature Patrick Modiano. En 2018, il a été traduit en anglais par Stephanie Smee et publié au Royaume-Uni sous le titre « No Place to Lay One’s Head ».
Il est maintenant disponible aux États-Unis pour la première fois sous le nom de « The Bookshop in Berlin ».
Frenkel écrit sur son amour pour les livres en grandissant, et sur la Maison du Livre français qu’elle a fondée avec son mari à Berlin en 1921. (En 1933, son mari, Simon Raichenstein, s’est exilé en France, un fait qu’elle ne mentionne pas).
En 1935, les choses se compliquent pour Françoise : les nazis adoptent les lois raciales de Nuremberg.
« Ma situation personnelle est devenue très précaire », écrit-elle. « D’une part, [les autorités allemandes] toléraient que je représente la littérature française, d’autre part, elles m’en voulaient de mes origines ».
Lors de la Nuit de Cristal en 1938, sa librairie est épargnée – elle ne figure pas sur la liste des commerces et lieux de culte juifs visés par les nazis. Pourtant, la nuit est tragique. Françoise Frenkel écrit qu’elle a vu une synagogue brûler près de sa maison, qu’elle a trouvé des fragments de rouleaux de la Torah et a vu des voisins essayer de rassembler les reliques profanées.
En juillet 1939, elle se réfugie à Paris. En mai 1940, elle fuit Paris pour la Zone libre et se retrouve à Nice en décembre. En décembre 1942, elle tente de passer en Suisse – elle est arrêtée, jugée et acquittée. En juin 1943, elle tente à nouveau sa chance ; cette fois, elle réussit.
En juillet 1942, la police française arrête son mari. Simon est alors envoyé au camp de concentration de Drancy, puis à Auschwitz, où il est tué. Dans les mémoires, Françoise Frenkel ne mentionne jamais son nom ni le fait qu’elle était mariée.
Il est peut-être trop difficile d’écrire sur lui – l’histoire se termine une fois qu’elle arrive en Suisse, où elle écrira et publiera ses mémoires.
Dans l’avant-propos, elle écrit : « Il est du devoir de ceux qui ont survécu de rendre témoignage pour que les morts ne soient pas oubliés, ni méconnus les obscurs dévouements. »
C’est un récit extraordinaire, qui raconte la vie d’une femme extraordinaire, qui heureusement n’est plus perdue pour l’histoire.