Les National Book Awards défendent le prix décerné à Paul Coates, qui a réédité des livres antisémites
La National Book Foundation a fait savoir que le fondateur de Black Classic Press, qui a réédité des ouvrages tels que "The Jewish Onslaught", n'a pas été honoré pour "un auteur ou un ouvrage particulier"
JTA – Alors que les National Book Awards se préparent pour leur cérémonie annuelle de remise des prix en littérature – elle aura lieu mercredi – la fondation a défendu sa décision de distinguer une personnalité qui a récemment réédité une infâme brochure antisémite datant des années 1990.
Paul Coates, fondateur de la maison d’édition Black Classic Press qui se consacre à la publication d’ouvrages afrocentristes et qui est également le père du journaliste et auteur Ta-Nehisi Coates, recevra cette année le prix littéraire. Un prix qui, selon la National Book Foundation, « est traditionnellement décerné à une personne pour l’ensemble de ses réalisations en matière d’élargissement du public des lecteurs et de l’accès à la lecture ».
Parmi les lauréats précédents figurent la bibliothécaire et activiste juive Nancy Pearl et Oren Teicher, le président-directeur-général à la retraite de l’American Booksellers Association.
Mais le choix de Coates a suscité une vive controverse après un article récent du Jewish Insider qui a révélé que Black Classic Press avait discrètement réédité « The Jewish Onslaught », un essai datant de 1993 qui était consacré aux relations entre les Noirs et les Juifs. L’ouvrage avait été écrit par Tony Martin, qui était alors professeur au Wellesley College, et il se distinguait par sa reprise de toute une série de théories du complot antisémites.
Dans ce livre, dont le sous-titré était « Dispatches from the Wellesley Battlefront », Tony Martin racontait le conflit public qui l’avait opposé à sa collègue juive Mary Lefkowitz, après que cette dernière eut découvert que Martin, qui était enseignant en études africaines, avait demandé à ses étudiants de lire un livre tristement célèbre, « The Secret Relationship Between Blacks and Jews ». L’ouvrage, qui avait été rédigé par l’organisation Nation of Islam, exagérait notamment le rôle joué par les Juifs dans la traite des esclaves.
« Le bras long de l’intolérance juive est arrivé jusque dans mes salles de cours », écrivait Martin dans son livre, attaquant le groupe Hillel du campus, l’Anti-Defamation League et d’autres organisations juives qui avaient lancé une campagne publique à son encontre. Il affirmait ensuite que les Juifs « possèdent ou contrôlent largement les principaux médias », déclarant que « l’une des tactiques juives les plus efficaces a été leur capacité à trouver des Noirs ambitieux ou aliénés pour faire leur besogne ».
Le livre avait fait scandale – à tel point que, à l’époque, Wellesley s’était ouvertement désolidarisé de Martin au sujet de son ouvrage. Kristen Clarke, l’assistante du procureur-général pour les droits civiques du président Joe Biden, s’est depuis excusée publiquement d’avoir accueilli Martin alors qu’elle était étudiante à Harvard. (Martin est décédé en 2013.)
« Même si la qualité de ses livres ne disqualifie nullement Coates pour les National Book Awards, on aurait pu s’attendre à ce que l’antisémitisme le fasse », a récemment écrit l’auteur et journaliste juif Mark Oppenheimer.
Black Classic Press n’a pas répondu à la demande de commentaires soumise par la JTA. Le fils de Coates, Ta-Nehisi Coates, avait fait des vagues, cet automne, avec la publication de son dernier livre, « The Message », dans lequel il comparait le contrôle militaire exercé par Israël sur la Cisjordanie au Sud de Jim Crow.
Ruth Dickey, directrice-exécutive de la National Book Foundation, a déclaré à la JTA que Paul Coates était honoré « non pas pour la publication d’un auteur ou d’un titre en particulier », mais en reconnaissance de son travail de publication d’auteurs noirs et de la diaspora africaine.
« La National Book Foundation condamne l’antisémitisme, l’homophobie, l’islamophobie, le racisme et la haine sous toutes leurs formes », a affirmé Dickey dans un communiqué. « La National Book Foundation soutient également la liberté d’expression et le droit de tout éditeur à décider lui-même de ce qu’il choisit ou non de publier. Ceux qui seront amenés à examiner le travail de n’importe quel éditeur, au cours de près de cinq décennies, trouveront toujours des œuvres individuelles ou des points de vue avec lesquels ils seront en désaccord, ou qu’ils trouveront offensants ».
Depuis la publication de l’article du Jewish Insider, « The Jewish Onslaught » a été retiré du catalogue en ligne de Black Classic Press. Un autre livre encore proposé par la maison d’édition, « We the Black Jews », un ouvrage écrit par Yosef Ben-Jochannan, se concentre sur les Juifs d’origine africaine et prétend démonter « le mythe de la ‘race juive blanche’. » Dans ce livre, Ben-Jochannan établit une distinction entre les tribus juives perdues d’Afrique et le « judaïsme talmudique » qui, selon lui, a « coopté les œuvres théosophiques et philosophiques des Africains de la vallée du Nil ».
La controverse qui a été entraînée par Coates est survenue un an après qu’un sponsor juif s’est retiré de la cérémonie des National Book Awards, parce qu’il était opposé à une déclaration que les auteurs nominés avaient l’intention de faire, lors de l’événement, pour appeler à un cessez-le-feu à Gaza. Parmi les finalistes du National Book Award de cette année figurent deux recueils de poésie sur l’expérience palestinienne.
La marraine qui s’était retirée l’année dernière de l’événement, Zibby Owens, a depuis publié son propre livre sur l’antisémitisme, « On Being Jewish Now », en partenariat avec l’organisation Artists Against Antisemitism, un nouveau groupe de défense à but-non lucratif dont les activités se consacrent à la lutte contre l’antisémitisme dans les domaines de l’art et de l’édition.
Artists Against Antisemitism a refusé de réagir au prix qui a été attribué à Coates auprès de la JTA.
Les National Book Awards ne seront pas la seule cérémonie de remise de prix littéraires qui sera suivie de près par les Juifs, cette semaine. Le prix Giller, une prestigieuse récompense littéraire canadienne, organisera sa propre soirée lundi, après des mois de protestations contre les liens qu’entretiennent les sponsors de l’événement avec Israël.
Le lauréat juif du prix de l’année dernière fait partie des personnalités qui ont dénoncé le prix Giller.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.