Israël en guerre - Jour 395

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Les photos d’otages affichées dans les premières souccot des Israéliens depuis le 7 octobre

Un an après l'attaque du Hamas, des symboles des communautés frontalières dévastées ornent les murs des souccot ; à Gaza, les soldats se font une cabane devenue fameuse

Yael Aisenthal-Kordevani a décoré sa soucca à Modiin avec des symboles de l'année, depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, le 15 octobre 2024. (Autorisation : Aisenthal-Kordevani)
Yael Aisenthal-Kordevani a décoré sa soucca à Modiin avec des symboles de l'année, depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, le 15 octobre 2024. (Autorisation : Aisenthal-Kordevani)

TEL AVIV (JTA) – Au moment de préparer le seder de Pessah, en avril dernier, Shlomit Sattler avait laissé un siège symbolique pour Hersh Goldberg-Polin, qui vivait dans le même quartier qu’elle, à Jérusalem, avant d’être pris en otage par le Hamas.

Aujourd’hui, en se préparant pour Souccot moins de deux mois après la mort de Goldberg-Polin en captivité, Sattler met de nouveau les otages de Gaza à l’honneur de ses préparatifs de fête. Elle n’a pas de place pour ajouter un siège pour Goldberg-Polin ou qui que ce soit d’autre, ce qui ne l’empêche pas d’accrocher des photos des 101 otages restants aux murs de sa soucca.

Elle a par ailleurs mis une guirlande décorée de la photo, désormais emblématique, de Goldberg-Polin. Cette guirlande lui a été remise par la congrégation de sa famille, Hakhel, qui dit de l’objet, conçu par le célèbre caricaturiste israélien Michel Kichka, qu’il est l’emblème d’une « chaîne de lumière, d’amour et de paix » qui lui rend hommage.

« Il est trop tard pour le sauver lui, mais si cela permet de sensibiliser le public au sort des autres… », explique Sattler. « Rappelons-nous à chaque instant qu’il y a 101 personnes pour lesquelles nous pouvons faire quelque chose. »

À l’instar de Sattler, les Israéliens profitent de l’occasion de la fête de Souccot pour parler des otages aux mains du Hamas, à Gaza, depuis maintenant plus d’un an. Pour nombre d’Israéliens, les thèmes traditionnels de Souccot – le rassemblement, la vulnérabilité et la dépendance à l’égard de la protection de Dieu – se prêtent à l’évocation du sort des otages.

Le rituel-même à la base de Souccot – le fait de se construire une cabane de fortune, de la décorer de toutes sortes de symboles et d’y vivre durant une semaine – n’est pas sans rappeler le sort de ces Israéliens dont la vie a été bouleversée ces douze derniers mois, à commencer par les soldats qui combattent sur plusieurs fronts en Israël ou les dizaines de milliers de civils qui ont dû quitter leur maison exposées aux roquettes, l’automne dernier, et qui n’ont toujours pas pu rentrer chez eux.

Une guirlande pour soucca distribuée par Hakhel, la synagogue des Goldberg-Polin à Jérusalem, avec le visage de Hersh et le mot « lumière » en hébreu. Shlomit Sattler a accroché la bannière dans sa soucca de Jérusalem. (Autorisation de Shlomit Sattler)

Parce que l’attaque du Hamas a eu lieu le jour de Simhat Torah, qui tombe juste après Souccot, les souccot étaient toujours en place dans les communautés attaquées le 7 octobre et, souvent, elles le sont restées quasiment toute l’année, les kibboutz se transformant en musées macabres et en sites touristiques pour les Israéliens et visiteurs en quête de réponses par une visite au plus près des faits.

« Tout le monde installe sa soucca à Jérusalem, aujourd’hui, mais je n’arrête pas de penser… aux souccot du sud, vestiges de l’année dernière », a écrit sur les réseaux sociaux Michal Sklar, créatrice numérique venue des États-Unis, avec une photo d’une soucca prise en janvier dernier à Netiv Haasara.

Dans sa soucca de Jérusalem, le rabbin Kenneth Brander, président d’Ohr Torah Stone, réseau d’écoles et d’institutions orthodoxes, a accroché 32 mosaïques, symboles des 32 communautés frontalières de Gaza attaquées le 7 octobre.

Les mosaïques, également exposées sur la place des Otages à Tel Aviv, sont l’œuvre des lycéens de son réseau, dans le cadre d’un projet d’art-thérapie. Seize anciens élèves de ses écoles, sans compter les 36 proches d’élèves et de professeurs, ont été tués depuis le début des hostilités.

Brander a également voulu rendre hommage aux ushpizin, tradition qui consiste à inviter des personnes – en chair et en os ou bien symboliques – dans sa soucca, un symbole fort pour les Israéliens en cette année des plus difficiles.

« En regardant ces 32 mosaïques, je rends hommage à ceux qui ont dû quitter leur maison et qui vivent dans du temporaire depuis maintenant plus d’un an en les invitant à venir dans notre soucca », explique Brander. « Nous demandons à Dieu d’abriter les évacués, nos soldats et leurs familles, ainsi que tous les otages qui sont nos ushpizin disparus. »

Une soucca avec les noms d’Israéliens retenus en otage dans la bande de Gaza, sur la Place des Otages, à Tel Aviv, le 14 octobre 2024. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)

Pour les habitants des communautés frontalières de Gaza ravagées, la construction d’une soucca, cette année, est investie d’une signification particulièrement forte. Loin de symboliser l’impermanence, cette année, la construction d’une soucca signe au contraire la présence et le renouveau.

Au kibboutz Alumim, par exemple, 22 travailleurs agricoles thaïlandais et népalais, ainsi que plusieurs membres des équipes de sécurité qui se sont portés au secours des habitants, ont été tués le jour du 7 octobre.

Dans les mois qui ont suivi, la soucca communautaire a été transformée en base militaire temporaire et a servi de réfectoire aux soldats.

Lorsque les habitants ont commencé à revenir s’installer au kibboutz, en août dernier, soit 10 mois après l’attaque, ils ont retrouvé leur soucca, construite en principe pour sept jours.

Pour Racheli Yablonski, qui vit à Alumim, le démantèlement de l’ancienne soucca suivi de la construction d’une nouvelle ont été un temps fort qui a redonné à la communauté la force de se réapproprier les lieux en dépit du traumatisme.

Le 7 octobre, ses parents et son mari se trouvaient à l’intérieur d’un bâtiment situé non loin de la soucca communautaire, depuis lequel ils ont assisté à une bataille entre les terroristes et l’équipe d’intervention rapide du kibboutz.

« Le retour n’a pas été facile, loin s’en faut, et chacun gère les choses à sa manière. Mais la construction de la soucca nous a donné un sentiment de force : c’est un peu une façon d’affirmer ‘C’est notre maison, notre souccah’ », confie-t-elle.

« La souccah, qui est une structure temporaire, symbolise pour nous la fin de l’errance – nous ne voulons plus bouger ou évacuer, nous voulons rester ici, une fois pour toute. »

Des Juifs construisent et décorent une soucca à la fin de Yom Kippour en vue de la fête juive de Souccot, au kibboutz Hulata, dans le nord d’Israël, le 12 octobre 2024. (Crédit : Ayal Margolin/Flash90)

Par ailleurs, les soldats déployés à Gaza ont établi leur toute première soucca dans l’enclave depuis près de 20 ans, depuis qu’Israël a unilatéralement procédé au retrait de ses implantations et de ses soldats en 2005. Une photo qui a fait le tour des sites d’information israéliens montre des soldats israéliens au milieu de la bande de Gaza à côté d’une grande souccah.

Et dans le cadre de l’effort de guerre, le rabbinat militaire israélien a donné aux soldats des souccot déployables instantanément, conformes aux prescriptions de la loi juive qui impose certaines mesures au niveau de la construction et commande que les Juifs prennent tous leurs repas à l’intérieur de la soucca, pour autant que cela ne présente aucun danger.

Ailleurs dans le monde, le lien entre soucca et le 7 octobre n’est sans doute pas aussi fort mais il existe. Certains laissent des places à table pour les otages ou accrochent des affiches des personnes disparues ou tuées. Ils sont nombreux à la décorer de jaune, la couleur associée au plaidoyer en faveur des otages.

Liat Collins explique que, faute de place pour laisser des places dans sa petite soucca de Jérusalem, elle va nouer des rubans jaunes à ses chaises.

Naomi Rosen ne pensait pas apporter de modifications à sa soucca, mais à son retour à la maison, elle a découvert que ses enfants, dirigés par son fils de 10 ans, avaient créé une guirlande en papier et en ruban de couleur noire et jaune.

Dans la communauté de Sde Yaakov, dans le nord d’Israël, la famille Ben Shimon a elle aussi opté pour un thème jaune, avec des serviettes et des sets de table jaunes, en hommage aux otages.

« Nous célébrons la fête, mais nos cœurs sont toujours à Gaza », confie Orit Kehaty, qui dirige une maternelle à Tel Aviv et dont la soucca arborera une pancarte revêtue du message « Nous attendons le retour des otages » et de rubans jaunes, symboles des otages.

Une rue pleine de souccot dans le quartier religieux de Sorotzkin à Jérusalem, le 15 octobre 2024. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)

Des Israéliens se disent partagés à l’idée de placer Souccot sous le signe des otages, la fête étant traditionnellement axée sur les enfants en Israël. Ce sont en effet les enfants qui décorent la souccah, et les écoles étant fermées pour l’occasion, la fête est un moment privilégié d’excursions en famille dans tout le pays.

« On ne peut pas les priver du côté festif de Souccot », estime LeAnn Langer. « Mais il y a un équilibre à trouver entre l’hommage aux otages et le désir d’épargner nos enfants si possible. »

Elle ornera pourtant sa soucca de rubans jaunes et d’un composite de photos d’otages au mur.

Natali Torbati Gamliel se dit partagée à l’idée de décorer sa soucca, à Netanya, autour du thème des otages.

« J’ai l’impression que tout ça est un peu forcé », dit-elle. « Nous pensons à eux tous les jours, pas besoin d’en faire des tonnes. »

Elle précise tout de même que la situation va peser sur sa façon de fêter Souccot. Elle va ainsi accueillir davantage d’invités cette année, même des gens qu’elle ne connaît pas. « Par le passé, j’avais du mal à accueillir du monde », admet Gamliel. « Mais cette année, je veux quelque chose d’ouvert, pour faire vivre ce sentiment d’unité. »

Roxanne Fogelman Weinberger a souhaité que sa soucca soit en phase avec le moment avec une déco à base de photos d’activités de bénévolat auxquelles ses enfants et elle ont pris part ces 12 derniers mois, comme la livraison hebdomadaire de produits de boulangerie aux habitants évacués du kibboutz Nir Oz, à la frontière de Gaza, le soutien aux veuves de guerre, l’envoi de lettres et la livraison de grillades aux soldats.

« Je souhaite rappeler à nos enfants que même si l’année a été difficile, nous avons fait beaucoup pendant cette période complexe de guerre pour aider les autres et unifier le pays, et aussi en tant que famille, pour aider ceux qui en ont besoin. »

Un soldat israélien et des Israéliens ultra-orthodoxes font leurs courses au marché des « quatre espèces » à l’extérieur du marché Mahane Yehuda à Jérusalem, le 15 octobre 2024, avant la fête de Souccot. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)

Pour Aliza Petrack, qui vit à Jaffa, il n’y aura pas de soucca cette année en raison de l’attaque terroriste qui a tué huit personnes dans la ville en début de mois. Elle ne se sent pas suffisamment en sécurité pour en installer une à l’extérieur de son immeuble, comme elle le fait habituellement, confie-t-elle, parce qu’il y a deux ans de cela, des enfants arabes de son quartier ont jeté une bouteille d’eau sur sa soucca. « Rien de grave, mais nous nous sommes vraiment sentis exposés », explique-t-elle.

Yael Aisenthal-Kordevani, qui dirigeait une prospère entreprise spécialisée dans le street art avant la guerre, a transformé des photographies de street art de guerre des rues de Tel Aviv en décorations qu’elle a suspendues à un ruban jaune dans sa soucca à Modiin, dans le centre du pays.

Après avoir lu le message d’une personne disant qu’elle ne savait pas comment décorer sa soucca cette année – activité généralement joyeuse faite avec des enfants – Aisenthal-Kordevani a décidé de mettre en ligne ces photos – dont ses propres créations – pour qu’elles puissent être téléchargées. L’une d’elles, créée par Aisenthal-Kordevani elle-même, représente la célèbre « Fille au ballon » de Banksy, mais au lieu de lâcher un ballon rouge, c’est un ballon jaune qui s’éloigne.

« Dans Tel Aviv, on voit un grand nombre de graffitis plutôt déprimants, qui reflètent le désespoir ou la détresse des gens – ce qui fait partie de l’essence du graffiti, ce que je comprends, mais il est important d’aller de l’avant », affirme-t-elle.

« C’est pour cette raison que j’ai sélectionné des photos de graffiti qui, selon moi, sont positives et susceptibles d’apporter de l’espoir. »

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