Les synagogues américaines restent fermées bien que certaines puissent rouvrir
Les gouverneurs du Texas, de Géorgie et d'autres États ont autorisé les lieux de culte à rouvrir malgré la pandémie – mais nombre d'institutions estiment qu'il est trop tôt

JTA – La réouverture des lieux de culte aux États-Unis a démarré dans une poignée d’États, bien que la pandémie de coronavirus continue à tuer plus de 1 500 Américains par jour.
Mais les synagogues dans les États dirigés par les Républicains qui assouplissent certaines restrictions – notamment en Géorgie, au Texas et en Caroline du Sud – ne prévoient pas de profiter de la permission des gouverneurs pour rouvrir de sitôt.
« Nous sommes très sensibles au fait que les fermetures entrainent des répercussions économiques, mais nous sommes préoccupés encore davantage par les éventuels décès si une deuxième vague survient », a déclaré le rabbin Joshua Heller de la Congrégation B’nai Torah à Sandy Springs, en Géorgie, en banlieue d’Atlanta.
Le gouverneur de Géorgie, Brian Kemp, a annoncé plus tôt cette semaine que certaines entreprises pourraient commencer à rouvrir et que les lieux de culte pourraient reprendre leurs services ce week-end. Il a déclaré qu’il était parvenu à la conclusion que la fermeture des entreprises était plus nuisible pour la situation économique qu’avantageuse pour la santé publique.
Mais les experts médicaux – y compris l’un des médecins les plus réputés du pays, Anthony Fauci – affirment que les réouvertures sont à l’heure actuelle déconseillées, alors que les mesures de distanciation sociale semblent permettre de réduire les nouvelles contagions dans de nombreux endroits.
« Cela pourrait faire reculer [les progrès] » , a déclaré Fauci au New York Times cette semaine.

Même le président américain Donald Trump, qui a lui-même appelé à la réouverture rapide de l’économie, a critiqué mercredi la décision de Kemp.
La plupart des synagogues semblent rejeter la possibilité de rouvrir, estimant que rester fermées est nécessaire pour la santé des fidèles et de leurs proches.
Au Texas, où le gouverneur Greg Abbott a annoncé son intention de lever les restrictions début mai, 11 rabbins orthodoxes de Dallas ont publié mardi une lettre collective expliquant leur décision de garder leurs synagogues fermées.
« Les communautés religieuses, avec leur vie communautaire très sociale, sont plus à risque de réinfection pendant cette pandémie, et ses membres sont les plus susceptibles de représenter à nouveau des vecteurs de propagation de la maladie à la population générale », indique la lettre. « En tant que tel, il est prématuré de rouvrir les synagogues en ce moment. »
L’un des signataires, le rabbin Ariel Rackovsky, a déclaré que les rabbins avaient consulté des experts médicaux de leurs communautés avant de publier la lettre.
« C’était une décision claire à laquelle nous sommes arrivés à l’unanimité », a déclaré Rackovsky, qui travaille à la Congrégation Shaare Tefila, une synagogue orthodoxe moderne.
Même si la réponse au sein de la communauté a été « extrêmement positive », Rackovsky a déclaré que certains membres de la communauté s’étaient initialement demandé si la décision de rester fermé était une décision politique visant le gouverneur républicain de l’État.

« Une fois que nous nous sommes expliqués par écrit et lors de conversations que j’ai eues avec des gens en privé, ils ont non seulement compris mais aussi soutenu la décision », a-t-il déclaré.
Pour les Juifs orthodoxes, la question de savoir quand les activités collectives pourront reprendre se pose avec des enjeux religieux plus élevés : en raison de l’interdiction d’utiliser l’électricité le jour du Shabbat, leurs synagogues ne proposent pas de services de retransmission en direct ce jour-là. Et alors que certains rabbins de d’autres congrégations permettent désormais la formation virtuelle de quorums de prière, ce n’est pas le cas des rabbins orthodoxes – ce qui signifie que les Juifs orthodoxes ne peuvent entendre de lectures de la Torah ni prononcer la prière du Kaddish pour les défunts.
Mais à la Congrégation Ohr HaTorah, une synagogue orthodoxe d’Atlanta, au lieu de profiter de l’opportunité de rouvrir, de nombreux membres ont fait connaître leur mécontentement au sujet de la décision de Kemp de rouvrir différents lieux dans l’État, selon le rabbin Adam Starr.
« Il semble évident que les gens sont vraiment méfiants et bouleversés suite à cette décision de rouvrir en ce moment », a-t-il déclaré.
La réponse a été identique à la Congregation Or Hadash, synagogue conservatrice de Sandy Springs.
« Jusqu’à présent, tout le monde le prend de manière très, très positive, saluant notre décision » de rester fermé, a déclaré le rabbin Analia Bortz, qui est également médecin.
Les communautés juives ne sont pas les seules à répondre avec scepticisme aux projets de réouverture. Les sondages ont montré que la grande majorité des Américains étaient favorables à la prolongation des mesures de distanciation sociale. Cela est particulièrement vrai pour les personnes qui s’identifient comme démocrates – comme c’est le cas pour environ les deux tiers des Juifs américains.
Cela ne signifie pas pour autant que les décisions de garder les synagogues fermées soient accueillies facilement dans les communautés juives.
À la synagogue de Heller, à proximité d’Atlanta, les décès parmi les fidèles ont plus que doublé par rapport au taux habituel ces dernières semaines en raison du coronavirus. Dans le même temps, certains fidèles éprouvent également des difficultés financières et ont reçu de l’aide de la synagogue.
« Je n’ai pas eu beaucoup de voix au sein de ma congrégation qui appelaient en personne à la réouverture », a déclaré le rabbin. « Je pense que dans l’ensemble, les gens auxquels je parle, même certains qui sont en faveur de la réouverture par principe, ne quittent pas leur domicile. »
Et le rabbin Adam Rosenbaum de la synagogue Emanu-El de Charleston, en Caroline du Sud, a déclaré que les membres avaient jusqu’à présent soutenu la décision de rester fermé, mais qu’il n’était pas sûr que ce soutien puisse durer avec le temps.
« Je ne sais pas ce qui se passera si nous commençons à recevoir des pressions de gens pour qu’ils puissent se rassembler », a-t-il déclaré. « Parce que, je vous en prie, sachez que je voudrais que nous puissions tous nous réunir à nouveau. Ça me manque de serrer des mains, d’embrasser des amis et de pouvoir vraiment apprécier la compagnie de tout le monde. Je souhaite que cela puisse revenir à la normale. Je suis cependant très réticent à dire que je suis prêt. »